Emmanuelle Devos : “La timidité, c'est bien gentil, mais vient un moment où il faut y aller” – Psychologies.com

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Mis à jour le 16 mars 2022 à 16:34

Voilà près de trente ans qu’elle habite le cinéma français de sa présence à la fois puissante et délicate. À 54 ans, cette grande sensible a fait du chemin pour apprendre à connaître et à canaliser ses émotions, alliées de sa vie de comédienne. Confessions d’une courageuse timide.


Voilà près de trente ans qu’elle habite le cinéma français de sa présence à la fois puissante et délicate. À 54 ans, cette grande sensible a fait du chemin pour apprendre à connaître et à canaliser ses émotions, alliées de sa vie de comédienne. Confessions d’une courageuse timide.
Emmanuelle Devos est transparente : chaque émotion se lit sur elle comme dans un livre ouvert. Ces livres dans lesquels elle a puisé une culture riche et variée. De quoi valoir à cette fille, qui a arrêté l’école à 16 ans, une réputation d’intello. Emmanuelle Devos est prédisposée aux malentendus. Émotive, mais aussi forte et franche. Discrète et l’air nonchalant, elle n’hésite pas à prendre la parole contre les violences sexuelles à la suite de l’affaire Weinstein, ou à mettre Marie Trintignant en « couverture » de son Instagram quand Bertrand Cantat fait celle des Inrocks. Emmanuelle Devos a ce don de se faire entendre sans chercher à se montrer. Savant mélange de discrétion et d’affirmation, on l’imagine aussi fougueusement emportée dans la passion qu’elle peut être glaçante de retenue. Mère de deux jeunes adultes, elle a refait sa vie amoureuse il y a treize ans avec le comédien Jean-Pierre Lorit, comme elle nous en parlait déjà lors de notre dernière interview (Psychologies n° 291, décembre 20091). Près de dix ans plus tard, on ne saurait dire si elle a gagné en légèreté ou en densité. Elle se confie sans retenue, s’avoue émerveillée d’avoir découvert, à plus de 50 ans, le plaisir d’écrire : elle rédige son premier scénario, qui devrait aboutir à son premier film en tant que réalisatrice. « Je découvre dans l’écriture une immense liberté ! » Cette liberté a été chez elle le fruit d’un cheminement et d’une conquête avant tout émotionnelle, comme elle nous le raconte quand on lui indique le titre de notre dossier. « Bien sûr que ça me parle ! J’ai été une enfant très embarrassée par ses émotions. Chaque chose prenait une importance démesurée en moi. C’était pénible à vivre. »
Emmanuelle Devos : Je serais tentée de vous répondre que oui, que je pleurais et criais facilement, mais en y réfléchissant je crois qu’elles étaient surtout bouillonnantes en moi. Je rougissais beaucoup, j’étais d’une timidité maladive. Heureusement, j’ai grandi dans une famille de comédiens, où la parole était très libre et bien accueillie. C’était un très bon environnement pour moi, on pouvait y comprendre mes « bizarreries émotionnelles » …
Emmanuelle Devos : Je passais facilement de longues phases de mutisme à des périodes plus joyeuses. J’étais une enfant un peu… particulière, il faut croire. Récemment, ma mère me disait que si le syndrome d’Asperger avait été aussi connu à l’époque qu’aujourd’hui, on m’aurait soupçonnée d’en être atteinte. J’avais besoin de me retrouver seule la plupart du temps, je lisais beaucoup, trop même. Cela ne m’empêchait pas d’avoir des copines et de jouer, mais jamais longtemps. Les autres, c’était trop de sollicitations émotionnelles.
 
1. Interview disponible sur Psychologies.com, rubrique « Culture ».
Emmanuelle Devos : Pas tellement. Puisque mes parents m’acceptaient totalement comme j’étais, je me disais : « Peu importe ce que les autres pensent de moi, eux aussi, ils finiront par m’accepter comme je suis. » J’avais confiance…
Emmanuelle Devos : Des amis me disent qu’à l’époque je donnais l’impression que rien ne m’atteignait, rien ne me touchait, on me croyait glaciale. En fait, je m’efforçais de cacher combien chaque rencontre m’intimidait. Beaucoup de gens d’abord très froids sont des grands émotifs qui ont peur de leurs émotions. Ils se protègent en se fermant.
Emmanuelle Devos : Je pense qu’elle est toujours là, mais que j’ai appris à mieux la vivre. Pour ne plus en avoir peur, il faut apprendre à connaître et à identifier ses émotions : je fais le métier parfait pour ça ! Monter sur scène face à des gens, utiliser les mots des autres pour dire ce que l’on ressent, vivre cela avec des camarades plongés dans la même situation : dès le premier cours de théâtre, j’ai senti une puissante libération. Mais on ne guérit jamais de l’appréhension de ses émotions. C’est toujours une souffrance pour moi d’être au cœur de l’attention. Quand je joue un rôle au théâtre, ça va, mais ailleurs, cela me met très mal à l’aise. Chez beaucoup d’acteurs cela remplit un vide, pas chez moi. Ce n’est pas l’attention des autres que je réclame en tant qu’actrice.
Emmanuelle Devos : Je veux mettre en valeur mon travail. Je suis heureuse quand j’ai su tenir mon rôle…
Emmanuelle Devos : Probablement aussi, c’est vrai… Être acteur, c’est choisir d’être le miroir des émotions des autres. Pourquoi, à l’heure des écrans et du virtuel, continue-t-on à se rendre dans un lieu pour voir des gens jouer face à soi ? La survie du théâtre prouve notre besoin de recevoir des émotions transmises par d’autres qui ont le courage de les exprimer.
Emmanuelle Devos : Pas tant que cela. Par exemple, quand on joue une pièce longtemps, on voit ses émotions fluctuer d’une représentation à l’autre. Ces variations prouvent que ce qui se joue est vivant. Certes, l’émotion n’est pas naturelle, au sens où un travail a été effectué au préalable pour lui être perméable, mais elle est « vraie », « brute ».
Emmanuelle Devos : Je ne parlerais pas de technique, mais d’expérience. Celle-ci comprend aussi bien celles de la vie, l’observation des autres, de ses propres mécanismes que les consignes données par des metteurs en scène. Jeune actrice, je pouvais être en proie à quelques débordements émotionnels. Quand on m’a dit : « Si tu dis ce texte en pleurant, on ne comprend rien ! » J’ai réalisé qu’il fallait me maîtriser un peu. Le théâtre m’a appris à voir plus clair dans mes émotions, mais la vie tout autant. Être très émotif, c’est comme monter chaque jour un cheval fougueux. Vient un moment où on en a marre d’être secoué ! Alors on essaie de faire attention à ce qui se passe, de faire plus de place au mental. J’ai beaucoup utilisé la visualisation et la répétition. Je me prépare avant chaque situation critique : « Si on me dit ça, je fais cela, sinon je réponds cela, ensuite ceci… » Planifier permet de ne pas être pris de court, donc de ne pas paniquer. Aujourd’hui, à force de préparation, j’en ai de moins en moins besoin.
Emmanuelle Devos : Bien sûr. Quand, durant trois ans, vous allez régulièrement sur un divan, vous apprenez à connaître vos mécanismes. J’ai appris à me voir venir – voir ce qui m’énervait, me rendait triste… J’ai beaucoup pleuré en analyse ! Cela permet de moins pleurer dans la vie.
Emmanuelle Devos : On était radicalement différentes, d’ailleurs on se disputait tout le temps ! C’était une fille très dégourdie, vive, tournée vers les autres. Elle était pour moi très stimulante : elle a été mon moteur et mon garde-fou. Elle seule savait me sortir de mes livres.
Emmanuelle Devos : Elle m’a d’abord rendu muette : pas de mots, pas de cris… Pendant longtemps, on n’a rien pu savoir de ce qui se passait en moi. J’étais sidérée. Puis je me suis mise à vivre pour deux. J’ai senti, y compris physiquement, qu’il fallait que je la porte en moi. J’ai absorbé son courage, je suis devenue plus droite, plus franche. La timidité, c’est bien gentil, mais vient un moment où il faut y aller. Dans Babylone (Folio), Yasmina Reza écrit : « Faire la gueule à 20 ans c’est sexy, à 60 ans, c’est chiant. » J’adore cette phrase. Je boudais beaucoup enfant, mais vous m’imaginez bouder à plus de 50 ans ? Ce n’est plus tolérable ! [Rires]
Emmanuelle Devos : Une prise de conscience, du moins. Quand sur un tournage, par exemple, un acteur est en retard et qu’on m’explique : « Il est très sympa, mais il a du mal avec les horaires et avec la pression… » Je ne veux pas l’entendre ! Je suis bien placée pour savoir ce que c’est que d’avoir du mal avec les autres, mais vient un moment où nos émotions doivent pouvoir faire de la place à la réflexion et aux autres. C’est moins une affaire de volonté que d’écoute.
Emmanuelle Devos : Non. Quand je suis dans un environnement de confiance, je me laisse aller à mes émotions sans inquiétude. Je n’ai jamais eu de difficulté à dire « je t’aime », par exemple. Cela me vient de cette enfance dont je vous parlais.
Emmanuelle Devos : C’est drôle que vous me posiez cette question, parce que je constate qu’en vieillissant la larme me vient facilement à l’œil. C’est fou, non ? Ou est-ce parce qu’avec l’âge on n’a plus rien à prouver ? Pour vous répondre : c’est lorsqu’on est réunis en famille, celle dont je viens et celle que j’ai créée. C’est beau, tout simplement. Ma belle-mère [la femme de son père, ndlr] a un don pour réunir tout le monde et que cela se passe bien.
Emmanuelle Devos : Cela ne me bouleverse pas du tout, j’ai fermé les écoutilles sur l’actualité. Face au flux d’informations, je suis devenue très pragmatique : d’abord je réfléchis à ce que chaque information m’apprend, puis je me demande ce que je peux faire. Si la réponse est « rien », alors, à quoi bon mon émotion ? Mais si je le peux, j’agis, en cherchant une association à soutenir. Je pense que savoir vraiment aider son entourage proche, c’est déjà beaucoup. Pour les causes plus éloignées, il faut accepter ses limites et faire des choix. Par exemple, parce que la cause des mers m’importe, je donne de l’argent à l’association Bloom, qui fait un travail de sensibilisation. Le gâchis me désole, vous savez, comme les savons d’hôtels jetés à peine entamés… Une femme a eu l’idée de les récupérer pour en faire des pains et les envoyer dans les pays du monde où l’on en manque. Cela s’appelle Unisoap France, et j’en suis devenue marraine récemment. Je ne supporte pas d’entendre quelqu’un se lamenter sur l’état du monde. « Si tu as si mal, fais quelque chose. Va aider ces gens. Ou envoie de l’argent. » L’émotion devient un piège quand elle nous dispense d’agir.
Emmanuelle Devos : En tant qu’ex-grande émotive, je ne suis pas loin d’être devenue une experte en la matière ! [Rires] Je crois être aujourd’hui plus forte que des personnes qui n’ont pas eu à se poser des questions sur la gestion de leurs émotions. Maintenant, j’ai envie de travailler sur l’empathie. Après avoir appris à ne pas me laisser emporter par les émotions des autres, j’aimerais trouver plus de souplesse de ce côté du cœur, de la générosité. Sinon, je vais devenir une vieille dame épouvantable ! [Elle éclate de rire] Maman nous a toujours dit : « Les choses ne se font pas sans nous. » Je trouve une grande justesse dans le refus de la victimisation. On ne cherche ni ne mérite tout ce qui nous arrive, mais ce que l’on en fait dépend de notre responsabilité. Savoir se remettre en question est une clé pour éviter les regrets et les remords. Et cela vaut aussi pour les émotions : on peut les gérer. Nous ne sommes pas des bouchons qui flottent sur l’eau.
“Amin”, l’amant aimant
Un chantier, en région parisienne. Parmi les ouvriers, Amin (Moustapha Mbengue), qui a laissé femme et enfants au Sénégal et auxquels il envoie son salaire. Une vie solitaire, laborieuse, invisible, comme tant d’autres. Jusqu’au jour où il rencontre Gabrielle (Emmanuelle Devos) qui l’écoute, le regarde. Et réciproquement. Un film qui puise sa grande sensibilité dans son réalisme implacable et dans la justesse de ses comédiens.
Amin de Philippe Faucon, en salles le 3 octobre.
« Le voile, mes convictions et ma vie »
« Je vis des expériences étranges »

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