« Devenir chauffeur VTC en France est trop lent », Markus Villig, PDG de Bolt – La Tribune.fr

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Ses passages à Paris sont millimétrés. Avant de filer au bureau de Londres, Markus Villig, PDG et cofondateur de la plateforme Bolt, est venu rencontrer la trentaine de salariés en France (sur 2.500 employés) de la startup estonienne de la mobilité lancée en 2013 sous le nom de Taxify (puis Txfy). Présent dans 300 villes dans le monde, Bolt, valorisée 4 milliards de dollars suite à sa levée de fonds de 600 millions d’euros cet été, a une faim de croissance. Chauffeur VTC, vélos électriques, trottinettes, mais aussi “Bolt Food” (livraison de repas), “Bolt Market” (de courses) et Bolt Drive (location de voitures), l’Estonien veut dévorer le marché des nouvelles mobilités.
Alors que la plateforme VTC s’est lancée dans l’Hexagone en 2017 (l’Estonien y exploite deux de ses activités sur cinq, avec son service de VTC et les trottinettes et vélos électriques en libre-service), il lui est encore difficile d’y assouvir rapidement son appétit de conquêtes.
LA TRIBUNE – Que représente le marché français pour Bolt à date ?
MARKUS VILLIG – Le potentiel est énorme. Notre croissance en France est au rendez-vous et l’ambition est de devenir la plateforme leader de la mobilité. Toute activité confondues, nous comptons 2 millions de clients dans sept villes et bientôt trois avec les ouvertures de Nantes, Lille et Strasbourg. Cela portera notre total à 10 villes, c’est une grande expansion. Aussi, nous travaillons en France avec 15.000 chauffeurs et nous en avons bien 1.000 sur liste d’attente, en attente d’obtenir la licence de chauffeur VTC.
Ce rythme d’ouverture est plutôt lent, si on le compare aux lancements simultanés que votre concurrent, Uber, est capable de réaliser…
C’est principalement lié à la réglementation. Mais nous avons lancé quatre villes en France cet été. Les ouvertures ont été toutefois, il est vrai, plus rapides pour nous en Allemagne, où en 6 mois, nous avons ouvert 20 villes ou encore au Royaume-Uni avec une dizaine de villes en deux ans. Pour l’expliquer, la France a l’une des législations les plus strictes au monde. Il est compliqué pour les chauffeurs d’entrer sur ce marché. En conséquence, cela entraine une disponibilité très faible du service pour les clients et il devient difficile de trouver une voiture dans Paris. Cela fait aussi augmenter les prix des courses. En cause, la procédure pour devenir chauffeur (depuis 2018, la loi GrandGuillaume conditionne l’obtention de la licence chauffeur VTC à une formation et à un examen NDLR) qui est trop lente. Ainsi, pour devenir chauffeur, cela peut prendre neuf mois en France. Ça n’est évidemment pas le cas pour d’autres professions. L’examen est très compliqué et c’est très spécifique à la France.
Vous menez d’ailleurs un lobbying intense auprès du Ministère des Transports pour que ces lenteurs soient levées. Où en êtes-vous de vos échanges avec le gouvernement ?
Notre marché est statique et très réglementé. Cela freine la compétition. La réglementation change progressivement mais cela fait trois ans que nous attendons l’allègement de la procédure. Nos interlocuteurs au ministère sont ouverts au changement. Nous espérons que cela change d’ici quelques mois. Car à la clé, ce sont des dizaines de millions d’euros que nous investirons alors, au travers de milliers de nouveaux emplois créés. La France compte 20.000 chauffeurs VTC toutes plateformes confondues, tandis qu’ils sont 100.000 à Londres.
La problématique de recrutement des chauffeurs n’est-elle pas aussi liée à leur statut ? Certaines plateformes, telle Caocao, propose désormais des CDI pour les fidéliser. Uber est, lui, régulièrement sous la coup de procédures juridiques qui le contraignent à requalifier un chauffeur en salarié. Y-pensez-vous aussi ?
Non, ce sont deux sujets différents. Le gouvernement français a clairement indiqué que le travail d’un chauffeur était celui d’un indépendant, jouissant de flexibilité et de liberté. Nous sommes pour ce système. C’est bien si d’autres plateformes choisissent d’autres statuts. Cela offre plusieurs options aux chauffeurs. Mais chez nous, nous n’observons pas cette demande. Nos chauffeurs ont un désir d’indépendance, ils veulent une meilleure paye et la meilleure plateforme.

Comment devenir rentable dans les services de mobilité, tandis que le poids lourd américain et votre concurrent ne l’est toujours pas, et que le moindre changement de réglementation peut mettre par terre votre modèle ?
Uber est rentable en France. Ils ont aussi commencé des années avant nous. Mais nous grandissons plus rapidement qu’Uber. Et nos chauffeurs gagnent de l’argent, ils ont aussi plus de libertés et de meilleures conditions. Dans le même temps, nous investissons beaucoup sur nos cinq produits – notre activité VTC est celle sur laquelle nous investissons le plus -, et ce, dans 45 pays. Nous sommes rentables dans les villes les plus matures, ce n’est par exemple pas encore le cas à Paris. Le marché y est jeune et très compétitif, donc on continue d’investir. Pendant le Covid-19, nous avons aussi prouvé que notre stratégie était rentable : pendant que nos concurrents licenciaient leurs employés, nous avons réussi à tous les garder.

Parmi vos services (VTC, vélos, trottinettes, livraison de repas, de courses), lequel sera à votre avis le plus rentable ?
Il est trop tôt pour affirmer lequel de nos produits sera le plus rentable mais nous avons divers produits qui permettront de le devenir. Ces activités se soutiennent les unes les autres et leurs cycles de vie sont différents.
Croissance externe, politiques commerciales agressives en cassant les prix, ou internationalisation : quelle est votre priorité dans votre stratégie d’expansion ?
C’est d’abord une stratégie de prix. En terme de lancement, cela peut être séquentiel (un produit après l’autre). Sur les dépenses en matière de marketing, nous n’avons pas la même approche qu’Uber qui investit beaucoup mais prélève des commissions importantes. Nous, l’argent que nous ne dépensons pas en marketing, il est réinvesti pour mieux payer nos chauffeurs. De même, nous n’avons pas de projets d’acquisition de technologie. Sur le plan géographique, nous sommes présents en Europe et en Afrique et ce sont nos deux priorités : grandir sur des marchés où nous sommes déjà présents. Le potentiel en Afrique est immense. Enfin, nos deux autres enjeux restent la régulation et la compétition.

Jusqu’où êtes-vous prêts à aller sur le modèle – que l’on annonce d’avenir – du MaaS (Mobility-as-a-Service), ces plateformes qui intègrent tous les services de mobilité pour l’utilisateur, de l’achat de billets de transport à la géolocalisation en temps réel, entre autres ?
Notre mission est de remplacer la voiture privée. Pour cela, nous voulons repenser tous les services, sur la location de voitures – que nous avons lancé en mode pilote (à Talinn, en Estonie) -, sur des courtes, moyennes et longues distances. Nous opérons tout nous-mêmes mais nous avons en ce moment des discussions avec des tiers parties pour intégrer leurs services, notamment dans la micro-mobilité (vélos, trottinettes). Nous avons des contraintes réglementaires fortes mais nous travaillons avec les villes pour ouvrir ces marchés. A l’avenir, je reste plutôt convaincu que la voiture autonome va changer le monde. Même si, en réalité, nous sommes encore très loin d’y arriver. Les voitures électriques auront beaucoup plus d’impact d’ici là. Car on ne peut plus ajouter de voitures dans les villes, tandis qu’il y a encore de la place pour les petits véhicules électriques.
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