Pénurie des matières premières : "nous risquons de sombrer dans une nouvelle dépendance" – Stratégie achats – Decision-achats.fr – Decision-achats

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Stratégie achats

Les pénuries de matières premières que le monde entier traverse actuellement sont sans précédent. Elles ont engendré des flambées de prix monumentales, et une « industrie en cale sèche ». L’auteur du livre éponyme, Thierry Charles, alertait déjà sur cette future crise en 2013. Ce docteur en droit en charge de la direction des affaires publiques et de la compliance au sein de Polyvia, donne les clés de compréhension de cette crise mondiale, qui impacte pourtant principalement l’Europe.

Vous étudiez les matières premières depuis des années… les pénuries actuelles étaient-elles, selon vous, prévisibles ?

Thierry Charles

Le débat autour de la crise des matières premières, la flambée des prix et le risques de pénurie, est déclenché par une série de phénomènes que nous avions déjà observée en 2011 et surtout en 2015.

Thierry Charles

Thierry Charles

Dès lors, si les mêmes causes produisent les mêmes effets, il y a lieu de s’interroger sur les causes puisque les effets sont toujours désastreux pour les transformateurs. Ils se trouvent dans l’impossibilité de livrer leur client, et se voient mis en cause financièrement sans être aucunement responsable de la situation.

Lire aussi : Economie circulaire : les achats nerf de la guerre
Aujourd’hui les principaux monomères ont flambé, engendrant parfois des hausses de 100% en 6 mois. Quand on sait que la marge brute matière se situe en moyenne à 30%, cela conduit clairement à un risque de défaillance des plus fragiles à court terme.
La situation de certaines entreprises de notre branche devient extrêmement préoccupante, alors même que la relance commençait à porter ses fruits dans de nombreux secteurs (bâtiment, médical, emballage, etc.). Le phénomène s’est répandu comme une traînée de poudre et entraîne une baisse de production dans certains secteurs (l’alimentaire, la santé ou le bâtiment) dans des proportions parfois impressionnantes et la tension devrait perdurer au moins tout le premier semestre.
Ainsi mis au pied du mur, les industriels s’inquiètent de la situation sur le marché des polymères, et ce quels que soient les accords signés ou le mode de fonctionnement mis en place pour garantir les livraisons. Les délais de livraison peuvent dépasser plusieurs semaines, voire plusieurs mois, pour toute nouvelle commande. Mais, et c’est beaucoup plus inquiétant, on constate aussi des annulations de livraisons de matières, alors que les commandes ont été établies en temps et en heure.
Nombre de matières premières sont aujourd’hui impactées, les origines sont-elles globalement identiques ?

Lire aussi : Les nouvelles formes de relations fournisseurs
Si le problème est mondial, les répercussions sont essentiellement en Europe. Plusieurs facteurs figurent parmi les causes possibles : le redémarrage de l’activité économique, des décalages de maintenance qui n’ont pas pu se faire en 2020, des coûts de transport multipliés par 6 ces derniers mois, l’impact complémentaire de la production américaine arrêtée, mais surtout la zone Pacifique qui préempte tous les volumes, à des prix plus élevés qu’en Europe.
Concrètement, il n’y a pratiquement plus d’importation vers l’Europe, aussi bien pour les « commodités » que pour les plastiques de « spécialités ». L’importation étant la variable d’ajustement des besoins en Europe, son arrêt provoque une crise majeure.
Nul doute que l’initiative de faire renaître les nouvelles « Routes de la soie » fait partie d’un projet de domination de la Chine. Cet immense programme engendre plusieurs enjeux politiques et économiques qui pourraient changer l’ordre mondial et dont l’Europe doit au plus vite se préoccuper.
A l’heure où l’on parle de réindustrialisation de la France, voire de relocalisation, la crise des matières premières, de l’énergie et notre ultra-dépendance à la Chine en « Terres rares » est sans nul doute la mère de toutes les batailles.
Ainsi, la gestion des risques liés à sa chaîne d’approvisionnement est un enjeu majeur et une préoccupation partagée par toute l’industrie.
Les plasturgistes sont dans une position asymétrique défavorable par rapport aux fournisseurs de matières. En cas de pénurie, les transformateurs de matières plastiques français sont, moins prioritaires que d’autres industriels notamment asiatiques.
En aval de la filière, les donneurs d’ordre clients des plasturgistes doivent tenir compte des situations que traversent leurs fournisseurs. Pour ceux-ci, pas de visibilité de leurs approvisionnements, des tensions sur les délais, des annulations ou reports inexplicables, autant de difficultés qui doivent être prises en compte dans la relation établie, et faire l’objet, si nécessaire d’une forme de « médiation ».
A plusieurs reprises, la Commission d’Examen des Pratiques commerciales a stigmatisé les fournisseurs qui géreraient cette « pénurie momentanée » Cette absence totale de négociation est potentiellement constitutive d’un « déséquilibre significatif », d’une part, si elle est le résultat d’une soumission ou tentative de soumission comme le fait d’imposer ou tenter d’imposer un contrat « sans possibilité de négociation » (par exemple, un fournisseur qui menace son client de ne pas l’approvisionner comme convenu, sauf si ce dernier accepte une augmentation du prix convenu) et, d’autre part, si elle crée un « déséquilibre significatif » dans les droits et obligations des parties !
Lire aussi : Or, argent, bronze : découvrez les 3 décideurs achats de l’année 2022
Promouvoir le « dual sourcing ». Disposer en permanence de deux fournisseurs homologués permet à l’acheteur de modifier la répartition de ses achats, et donc de reprendre le « pouvoir » dans la relation.
Dans notre économie mondialisée, les risques de ruptures d’approvisionnements sont nombreux. La preuve en est une fois de plus avec la crise sanitaire que nous traversons. Avoir choisi le mono-sourcing amène à être plus exposé aux différents aléas.
L’achat en parallèle à deux fournisseurs permet de faire face à une évolution critique de la relation commerciale, et ainsi de dissuader son ou ses fournisseurs de prendre des positions non acceptables. Toutefois, elle implique une phase d’homologation plus importante par le client final, mais qui est compensée par les gains de flexibilité et de sécurité.
Il s’agit également de faire preuve de davantage de « solidarité », de loyauté et de « bonne foi » au sein de chaque filière !
Cette crise est-elle une preuve que l’industrie arrive à son épuisement ? A cause de la surconsommation, notamment ?
Victime du syndrome de la cale sèche, l’industrie est condamnée au destin tragique du héros balzacien de « Peau de chagrin » : capable de réaliser tous ses désirs, mais « l’objet magique » rétrécit et la vie de son propriétaire raccourcit également. La satisfaction immédiate de ses souhaits conduisant inexorablement à son épuisement.
Le temps du « monde fini » ayant depuis longtemps commencé, selon Paul Valéry, le concept des « trois R » (réduire, réemployer, recycler) est au centre des préoccupations de notre filière. La production de matières pour l’industrie devra de moins en moins faire appel à des ressources vierges, mais se concentrer massivement vers des « inputs » issus du recyclage.
D’autant que la mondialisation et les prix élevés de l’énergie, la recherche de nouveaux matériaux, le changement de comportement des consommateurs finaux, en particulier la conscience environnementale, offrent de réelles opportunités de développement. A condition de développer des filières de recyclage pour revaloriser les matières premières.
Les pénuries ne découlent-elles pas essentiellement de rapports de forces entre pays ? Les matières premières ne sont-elles pas une arme redoutable ?
Certainement ! Dans son dernier livre « La guerre des métaux rares – La face cachée de la transition énergétique et numérique », Guillaume Pitron fustige les experts qui nous parlent d’un nouveau monde enfin affranchi des matières fossiles, des pollutions, des pénuries, des tensions politiques et militaires.
Bien au contraire, nous risquons de sombrer dans une nouvelle dépendance : celle des métaux rares qui sont devenus indispensables au développement de la nouvelle société écologique et numérique.
Avec les nouvelles « Routes de la soie », en référence aux caravanes qui parcouraient l’Asie centrale à partir du IIè siècle avant Jésus-Christ, la superpuissance qu’est devenue la Chine mène une stratégie conquérante pour ravir l’hégémonie mondiale aux États-Unis.
L’indépendance énergétique doit rester notre priorité, la seule capable de sécuriser l’avenir industriel de la France, à condition de ne pas céder devant l’urgence par l’improvisation.
Quel regard portez-vous sur le sujet « semi-conducteurs » qui bloque une partie de l’industrie, même s’il ne s’agit pas là d’une matière première ?
La pénurie des semi-conducteurs, qui, conjuguées avec d’autres tensions sur les prix de certains composants et matières premières, fragilise l’ensemble de l’appareil productif.
La première leçon à tirer est que la pénurie des semi-conducteurs bouleverse à elle seule l’ensemble de la chaîne de valeur automobile, même si d’autres composants tout autant essentiels sont à l’heure actuelle de plus en plus compliqués à obtenir sur des marchés bouleversés par les conséquences de la pandémie : de nouvelles tensions sont en effet observées sur l’acier et les matériaux plastiques.
La gestion des différentes pénuries repose sur la recherche conjointe, entre les constructeurs et les équipementiers, de solutions « équilibrées », d’autant que tous les acteurs ont récemment renouvelé leur « solidarité », par la signature de la « Charte d’engagement sur les relations entre clients et fournisseurs » et le « Code de Performance et de Bonnes Pratiques », à un dialogue constructif et objectif comme principe de coopération et de gestion des problématiques.
La pénurie de matières premières aura-t-elle d’autres conséquences que celles qui sont apparentes aujourd’hui ?
Nous traversons une crise sans précédent, et les périodes de crise sont propices à la remise en cause, à la créativité et à l’innovation. A cet égard, les entreprises n’ont de cesse désormais que de renforcer l’innovation des produits notamment par le développement de nouveaux polymères.
Quant à la gestion « durable » des matières premières, on doit au plus vite rendre l’économie « circulaire » afin de ralentir la ponction sur les ressources : ainsi on recycle la majeure partie des matières rejetées dans les déchets et on ralentit la ponction sur les ressources.
Reste à promouvoir la mise en place de filière de recyclage des déchets industriels et développer des filières technico-économiques viables, en parallèle avec celui du recyclage des produits post-consommation afin de constituer des « gisements » de matières valorisables en diminuant ainsi les quantités de déchets plastiques orientés vers les centres d’enfouissement ou en incinération.
Mais contrairement à une matière première issue d’un processus industriel « classique », la production de matériaux issus du recyclage relève d’un processus complexe qui dépend notamment des performances du tri et de la collecte.
La loi de l’offre et de la demande est ici sous contrainte de facteurs hétérogènes, d’où la nécessité de mesures d’accompagnement comme le prévoit le « Plan de Relance ».
Il ne faut pas compter sur la seule contrainte de la pénurie pour obliger l’industrie à réduire rapidement sa soif de matières, le statu quo pourrait même encore durer longtemps.
En général, le marché fournit un signal très imparfait. Il encourage cette destruction d’un « capital » en matières premières limité, aussi longtemps que l’offre répond à la demande. Et quand ce n’est plus le cas, soit les prix explosent, comme à présent, au risque de casser l’activité, soit un protectionnisme à l’envers de met en place comme l’illustre l’exemple des « Terres rares ».
Le recyclage de matières premières est-il LA solution à ces pénuries en série ? Et quelles solutions se profilent ?
Le point sur le recyclage est capital, à condition pour les industriels d’assembler des composants aisément dissociables et identifiables, d’où le gros travail en R&D avec l’amont et l’aval en lien avec les centres techniques comme celui d’IPC dans la Plasturgie, dont l’expertise est dédiée à l’innovation plastique et composite pour l’industrie nationale.
C’est le fameux modèle « du berceau au berceau » : une démarche où l’on produit des biens entièrement recyclables à partir d’intrant eux-mêmes recyclés.
Une industrie quelle qu’elle soit ne produit pas seulement l’objet final qu’elle commercialise, mais aussi d’autres sous-produit qui sont alors vus comme des déchets devant subir un traitement ou se dissipant.
Considérer ces déchets comme de la matière première permet de voir l’entreprise comme une productrice et donc de l’intégrer en tant qu’intervenant actif aux « symbioses industrielles » et cette complémentarité rend possible des échanges de matière et énergie, minimisant ainsi le coût d’achat de la matière première pour l’une et celui de la gestion des déchets pour l’autre.
C’est ainsi que l’écosystème industriel deviendra un vecteur de « développement durable » dans un contexte de crise qui incite fortement les industriels à s’améliorer sur la gestion de leurs déchets et notamment du recyclage des matières premières. Rien de nouveau sous le soleil : historiquement en 1945, 40% du caoutchouc utilisé en Europe était du caoutchouc recyclé.

A lire aussi :

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[Étude] Les coûts d’importation vont grimper en l’Europe

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