C’est après une première partie de carrière dans l’armée qu’Arnaud du Bellay prend la responsabilité d’un centre d’exploitation dans les transports. « A mon arrivée, je n’ai pas été installé dans le même bâtiment que mon équipe, mais dans une annexe. Quelques jours plus tard, mon directeur m’a indiqué que le bureau qui m’était destiné était occupé par mon adjoint, en me pressant de le récupérer ! » se souvient le fondateur d’Authenteam, cabinet spécialisé dans le coaching et la formation en outdoor. De premiers messages polis glissés à son adjoint par e-mails ou lors de leurs échanges quotidiens restent sans effet. Arnaud du Bellay le convoque alors pour mettre les pieds dans le plat. « Il a fait un esclandre, a adopté une posture de victime pour s’attirer la sympathie de ses collègues et a joué de son poids au sein du centre d’exploitation alors que j’étais à peine arrivé. »
Face à ce conflit ouvert, les autres collaborateurs hésitent sur le parti à prendre. Arnaud du Bellay décide de crever l’abcès : il réunit toute son équipe. « Ils sortaient d’une période de surchauffe. Je leur ai expliqué que je ne maîtrisais pas le passé, mais qu’en tant que manager, je devais être physiquement proche d’eux. En contrepartie, je m’engageais à faire avancer des travaux de réaménagement au point mort depuis longtemps. L’équipe s’est montrée dubitative, mais j’ai bénéficié du soutien de mon patron qui, fait rare, était descendu assister à la réunion. » Quelques semaines plus tard, Arnaud du Bellay et ses collaborateurs ont emménagé dans de nouveaux espaces, avec un bureau pour lui et un pour son adjoint. Une étape clé pour asseoir sa légitimité et mettre ses troupes en ordre de marche.
En deux mots. Asseoir sa légitimité est indispensable. Mettez les points sur les « i » et, si nécessaire, assurez-vous l’appui de votre hiérarchie. Avant de se faire aimer, il faut se faire respecter !
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Directrice des affaires médicales, Elie Iatcheva ne s’attendait pas à se retrouver en conflit avec l’un de ses pairs, patron du département des affaires réglementaires. « Le conflit s’est cristallisé autour du traitement des appels émanant des pharmacies. Selon leur nature, ils étaient orientées vers l’un ou l’autre de nos départements. Mais peu à peu, ce collègue a refusé de les prendre en charge, affirmant que ces demandes relevaient strictement du médical », raconte-t-elle. Une attitude d’obstruction bientôt adoptée par tous les employés du département des affaires réglementaires. « Mon équipe en souffrait d’autant plus qu’elle n’avait pas les compétences pour prendre en charge les questions relevant du domaine réglementaire », souligne Elie Iatcheva. Alors accompagnée par le coach Luc de Belloy, elle lui explique la situation. « Il m’a aidée à verbaliser ce que j’éprouvais lorsque je rencontrais mon homologue et m’a appris qu’il fallait adapter mon discours à son caractère. Je me suis rendu compte que ce collègue, autoritaire et orgueilleux, ne voulait pas reconnaître qu’il souffrait d’un manque d’information. Plutôt que de faire des recherches pour apporter des réponses précises aux questions posées et de risquer de paraître mal renseigné ou incompétent, il préférait laisser mes collaboratrices se débrouiller seules », poursuit-elle.
Une fois les enjeux cernés, Elie Iatcheva propose une rencontre entre les deux équipes et a préparé la sienne à se montrer bienveillante pour favoriser la discussion. « Le département des affaires réglementaires nous a expliqué qu’il manquait de ressources pour traiter certains problèmes. Après avoir reconnu l’importance de leur charge de travail, nous avons passé en revue les demandes adressées à l’entreprise et, pour chacun des sujets, identifié les personnes de chaque équipe chargées de s’en occuper en priorité. Une fois ces règles établies, tout le monde a pu fonctionné ensemble correctement et les collaborateurs sont même devenus proches. » Par la suite, Elie Iatcheva a toujours fait en sorte de ménager l’orgueil de son homologue. « Je faisais attention à ne pas lui montrer que j’avais plus d’informations ou de compétences que lui. Je n’affichais jamais un désaccord, mais préférais présenter des alternatives et mettais en avant ce que je présentais comme mon ressenti ou mon point de vue plutôt qu’une vérité établie. » Une attitude qui a permis de maintenir la communication et même d’établir une relation cordiale avec son homologue jusqu’à son départ en retraite quelques années plus tard.
En deux mots. En analysant le fonctionnement de votre interlocuteur et ses ressorts cachés, vous saurez mieux comment vous y adapter. Quitte à faire profil bas pour négocier une issue gagnant-gagnant.
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En bientôt trente ans de carrière dans les ressources humaines, Valérie a eu à gérer de nombreuses crises. Mais elle se souvient en particulier de cette négociation salariale collective, bien mal entamée. « J’étais alors DRH d’une grande entreprise de test et de conformité réglementaire. Une négociation salariale et d’intéressement s’ouvre dans un contexte de fortes tensions sociales, de revendications sur les conditions de travail, la sécurité, le manque de considération de la hiérarchie, sans compter les reproches sur le thème “tout va aux actionnaires plutôt qu’aux salariés” », raconte-t-elle. La première réunion entre syndicats et direction se déroule dans une ambiance de violence verbale et de gestes déplacés. « La séance ne pouvait pas se dérouler dans de bonnes conditions. J’ai suspendu la discussion jusqu’au lendemain, tout en laissant la porte de mon bureau ouverte. Plusieurs représentants du personnel sont ainsi venus faire valoir leur point de vue, ce qui a permis de faire tomber les tensions. Pour qu’il y ait un dialogue, il faut une position claire et assumée, pas un conflit verbal ou de l’émotion », explique-t-elle.
Quand les débats ont repris, la négociation salariale a pu se conclure sur la base des propositions de la direction. L’accord sur l’intéressement, lui, a été repoussé. « Mais on a pu le signer plus tard, après avoir convaincu la direction de faire un compromis. Dans cette négociation-là, comme souvent d’ailleurs, il était très important de ne pas crier victoire pour ne pas faire perdre la face aux organisations syndicales, conclut Valérie. Il faut leur laisser la primeur de la communication. »
En deux mots. Taper du poing sur la table peut être nécessaire pour recadrer les débordements et faire retomber la pression. Mais prenez soin de libérer un espace pour les discussions constructives.
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Ingénieur puis manager commercial, Michel Dufay a appris, en vingt ans de carrière, à maîtriser ses émotions pour ne présenter à ses clients qu’une apparence ultra-professionnelle. Mais, lors d’un conflit entre deux de ses collaborateurs, il a dû adopter une approche plus radicale. « A son retour de congé sabbatique, j’ai nommé l’un de mes collaborateurs, Antoine, au poste de directeur commercial. Un titre que convoitait Luc, recruté durant l’absence du premier. Ce dernier a très mal pris la situation : il refusait obstinément d’obéir à Antoine, essayant par tous les moyens de le court-circuiter pour traiter en direct avec son N+2 ou son N+3. » Après avoir tenté de trouver un compromis entre les deux hommes, qui ne satisfaisait personne, Michel Dufay tranche au bout de quatre mois. Plutôt que de laisser la situation s’envenimer et de risquer de perdre ses deux collaborateurs, il choisit de garder le plus compétent, en l’occurrence Antoine. « Nous avons proposé à Luc une rupture conventionnelle et recruté quelqu’un de plus efficace, ce qui a ramené la sérénité dans l’équipe », explique Michel Dufay. Une décision qui a par ailleurs renforcé son autorité.
En deux mots. Un compromis trop bancal présente le risque de pérenniser une situation délétère. Pour ramener le calme, il faut parfois accepter de trancher dans le vif.
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Mariés depuis quinze ans, Karine et Grégory Drivet créent ensemble leur cabinet de coaching Uniqpeople il y a sept ans. Et les ennuis commencent : des conflits surgissent entre eux, qui freinent le développement de leur entreprise. « Par exemple, on se mettait autour de la table pour créer de nouveaux services à proposer. Moi, j’avais plein d’idées et je reprochais à Karine son manque de créativité. Puis je me braquais et je finissais par m’isoler une demi-journée ou plus pour imaginer, seul, ces nouveaux services. De son coté, Karine culpabilisait et se remettait en cause », raconte Grégory Drivet. C’est un test de personnalité mesurant leurs forces et faiblesses qui leur permet de sortir du triangle infernal bourreau/victime/sauveur. « La première force de Grégory, c’est sa créativité et son ingéniosité. Moi, c’est le courage et l’intelligence sociale. On se heurtait l’un l’autre en cherchant notre double, alors que nos qualités sont complémentaires », raconte Karine Drivet. Mieux se connaître leur a permis de régler bien des différends.
En deux mots. La connaissance de soi n’a rien d’une évidence. Pour éviter les blocages récurrents dans une relation de travail, mieux vaut prendre du recul, s’accorder le temps de comprendre le fonctionnement de chacun.
>> Test perso – Comment réagissez-vous face à la pression ?
Très peu de temps après son arrivée au sein d’un réseau de vente directe consacré au bien-être, Marie-Anne Lacombe a un accrochage avec sa marraine, la personne qui l’a recrutée. A la base, un malentendu né d’une communication à distance. « La première altercation est partie d’un texto où elle m’annonçait qu’elle ne serait finalement pas disponible pour un atelier qu’on avait organisé ensemble. Je me suis sentie lâchée. S’en est suivi un échange de messages plutôt tendus », se souvient la jeune femme. Quelques jours plus tard, nouveau différend au sujet de produits prêtés et non rendus, et nouvel échange de textos qui se transforme en conversation téléphonique houleuse. « Face aux reproches, je me suis énervée. Je m’entêtais à vouloir récupérer mes produits. Dès lors, je n’ai plus voulu avoir de contact avec ma marraine : je ne suis plus retournée aux réunions d’équipe et je me suis complètement renfermée sur moi-même, avec des pensées qui ne me correspondaient pas. »
Pour sortir de cette impasse, Marie-Anne Lacombe s’inscrit à un programme de développement personnel, celui d’Uniqpeople qui propose de partir à la « chasse aux saboteurs », ces freins qui empêchent de s’épanouir… ou d’apaiser ses tensions intérieures. « J’en ai identifié plusieurs : l’impression de ne jamais avoir le temps, l’orgueil qui m’empêche de reconnaître mes faiblesses, la peur de me tromper ou de manquer de clairvoyance, le déni lorsque je me sens attaquée ou trahie. En les repérant, je sais désormais prendre mes distances et je ne me laisse plus embarquer dans une situation conflictuelle », résume Marie-Anne Lacombe. De quoi prendre son envol loin d’un marrainage devenu encombrant !
En deux mots. Ah, ces textos ! Les outils de communication numérique multiplient les malentendus. Et le ton monte souvent beaucoup plus vite par e-mail ou par sms qu’en face à face. Dans ces cas-là, ne pas hésiter à utiliser son téléphone.
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Catherine Humblot, DRH, nous raconte trois fausses bonnes idées pour mettre un terme à une crise.
1. Organiser un séminaire de managers trop rapidement après une fusion. L’objectif était louable : apaiser les dissensions latentes entre les managers issus des entreprises remixées. Hélas, la plupart de ces cadres n’étaient pas encore fixés sur leur sort. Difficile dans ces conditions de profiter d’un séminaire et de participer aux activités proposées ! Quant au résultat, la défiance entre managers et direction a monté d’un cran.
2. Pour apaiser les tensions au sein d’un codir et remettre à plat son fonctionnement, on propose à ses membres de réaliser des entretiens 360° individuels et collectifs. Sauf que les résultats ont été présentés sans précaution lors d’une séance plénière du codir. Le DG, insatisfait des retours (anonymes) de ses collaborateurs sur sa performance, s’énerve. Et l’assemblée finit en pugilat généralisé. Il aurait fallu en parler individuellement avant.
3. Imposer un coaching à un manager dont les relations sont conflictuelles avec ses pairs et son équipe. Persuadé que la démarche visait à le mettre sous pression pour qu’il donne sa démission, ce manager parano a saboté ce qui aurait pu être un accompagnement positif et discrédité la démarche auprès de ses collègues.
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Quand le bon sens et la bonne volonté ne suffisent pas pour résoudre un conflit, il est temps de s’en remettre à des méthodes éprouvées qui, heureusement, s’apprennent !
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Ces managers ont dû gérer des conflits au travail, ils racontent – Capital.fr
janvier 24, 2023
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