Loi Climat et résilience : nouveaux rôles des syndicats et du CSE dans l’environnement et la transition… – Actu-Juridique.fr

La loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (L. n° 2021-1104, 22 août 2021) a été publiée au Journal officiel le 24 août 2021. Elle intègre une dimension environnementale notamment en matière de représentation du personnel et de négociation collective. Ces mesures sont entrées en vigueur le 25 août 2021.
L. n° 2021-1104, 22 août 2021, NOR : TREX2100379L
La protection de l’environnement s’est installée comme l’enjeu de préoccupation principal des Français après l’épidémie de Covid. Au fil des années, il est également devenu un critère de performance et d’attractivité pour les entreprises qui sont parfois invitées, par des dispositifs incitatifs, à encourager les comportements vertueux de leurs salariés1. Il a également pu être utilisé comme vecteur de responsabilisation des entreprises. Dans les sociétés anonymes, le rapport de gestion transmis annuellement à l’assemblée générale des actionnaires ou à l’assemblée des associés comprend une déclaration de performance extra-financière (DPEF) comportant des informations relatives à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises2. Par ailleurs, certaines grandes entreprises et certains grands groupes sont soumis à la publication de ces informations3. Le contenu des DPEF afférentes aux exercices comptables ouverts à compter du 1er juillet 2022 sera élargi afin d’y intégrer « les postes d’émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre liées aux activités de transport amont et aval de l’activité » ainsi qu’un « plan d’action visant à réduire ces émissions »4. La directive Corporate Sustainability Reporting (CSRD), dont la France a fait une priorité pour sa présidence de l’Union européenne, viendra également renforcer les objectifs de l’Union en matière de finance durable par la modification des règles de reporting extra-financier.
S’il est vrai que les salariés et les membres du comité social et économique (CSE) disposent d’un droit d’alerte en matière d’environnement depuis 2013 et que les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) devaient déjà être réunis en cas d’évènement grave lié à l’activité de l’établissement ayant porté ou ayant pu porter atteinte à l’environnement5, peu d’outils permettaient d’intégrer concrètement la transition écologique au dialogue social et au fonctionnement quotidien de l’entreprise. Bien que les entreprises d’au moins 50 salariés aient la possibilité de mettre en place des commissions pour l’examen de problèmes particuliers au sein du CSE par accord d’entreprise6, peu d’entre elles y ont eu recours pour créer une commission environnementale qui traite de ces sujets. Ces dispositifs restaient donc marginaux.
En 2019, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a appelé à développer la culture du dialogue social sur les enjeux environnementaux en préconisant notamment « d’associer les salariés ainsi que leurs représentantes et représentants à la stratégie RSE et à son suivi, par la consultation du CSE et par une communication annuelle à l’ensemble des salariés sur la politique RSE et les résultats obtenus »7. La convention citoyenne pour le climat (CCC), mandatée par le Premier ministre dans le prolongement de la crise des « gilets jaunes » pour définir les mesures structurantes visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre de la France d’ici 2030, s’est naturellement saisie de ce sujet à compter du mois d’octobre 2019. Les participants invités à préparer et à débattre de projets de loi sur l’ensemble des questions relatives aux moyens de lutter contre le changement climatique avaient finalement formulé une proposition visant à renforcer le rôle du CSE et des comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle (CREFOP) ainsi qu’à intégrer la transition écologique à la négociation collective sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et à préciser l’obligation d’accompagnement des opérateurs de compétences (OPCO) en matière de transition écologique8.
Les articles 16 à 18 du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ont repris ces propositions, avec pour objectif d’anticiper les conséquences de la transition écologique sur les emplois et de faire évoluer les compétences des salariés9. Le CESE avait approuvé ces mesures10. La loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets11 a finalement été publiée au Journal officiel le 24 août 2021. Ses mesures sont entrées en vigueur le 25 août 2021.
Elle intègre le sujet de la transition écologique aux négociations sur la GPEC et élargit le champ des attributions du CSE dans les entreprises d’au moins 50 salariés (I). La loi confère par ailleurs de nouvelles missions aux OPCO et complète la composition des CREFOP (II).
Jusqu’à présent, le sujet de la transition écologique et la question environnementale n’étaient que rarement traités dans le cadre de la négociation collective sur le CSE12. Afin d’y remédier, le projet de loi avait prévu des mesures que sont venus compléter les parlementaires, donnant ainsi au CSE les moyens nécessaires à l’exercice de ses nouvelles prérogatives.
La mission générale du CSE est d’abord enrichie afin que celui-ci prenne en compte les conséquences environnementales des décisions de l’employeur13. Dans le cadre des consultations ponctuelles, le CSE doit désormais être informé et consulté sur les conséquences environnementales des mesures envisagées14. Dorénavant, « chaque consultation ponctuelle du CSE devra (…) traiter de la question de l’impact environnemental de la décision de l’employeur »15. Ainsi, on peut imaginer que, dans le cadre d’un projet de déménagement, un certain nombre d’éléments soient étudiés par le CSE : les émissions de CO2 engendrées par les trajets des salariés, l’existence d’un stationnement sécurisé pour les vélos, la mise à disposition de bornes de recharge des véhicules électriques, la performance énergétique et la labellisation des nouveaux bâtiments (ex : haute qualité environnementale), l’utilisation de LED pour l’éclairage, l’utilisation de mobilier certifié FSC, la source d’énergie utilisée pour le chauffage, le recyclage, le réemploi ou le don des anciens équipements, etc. Corrélativement, les avis délivrés dans le cadre de ces consultations devront donc nécessairement faire état de cette nouvelle composante dans leur motivation. Cette notion de « conséquences environnementales » est cependant imprécise et risque de donner lieu à des contentieux avec les CSE, notamment à propos de leurs expertises et de l’étendue de leur droit à l’information.
Au cours des consultations récurrentes, le CSE sera informé des conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise. Il s’agit d’une règle d’ordre public. Il en sera donc ainsi que les modalités de ces consultations soient négociées ou non16. Nul doute qu’encore une fois, la nature des informations devant être mises à disposition du CSE sera source de discussions et de contentieux qui devront être tranchés par les juridictions. À ce stade, on peut imaginer, à titre d’exemple, la mise à disposition d’information concernant :
la consommation énergétique, la pollution supplémentaire ou le traitement des déchets dans le cadre de l’introduction de nouvelles technologies ;
les conséquences environnementales des investissements de l’entreprise dans le cadre de la consultation sur la situation économique et financière ;
ou encore la question de la formation des salariés aux enjeux environnementaux au cours de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise.
Afin de limiter les litiges, il sera utile de conclure un accord sur les modalités de ces consultations et les informations à transmettre ou de compléter les accords existants en la matière.
Lors de son examen en commission spéciale, le projet de loi a fait l’objet de plusieurs amendements visant à renforcer l’information du CSE et à lui donner pleinement les moyens d’exercer ses nouvelles prérogatives17. Ces amendements, supprimés lors de l’examen du projet de loi par les sénateurs, ont été rétablis en commission mixte paritaire.
D’abord, la mission des experts-comptables mandatés par le CSE dans le cadre des consultations récurrentes sur les orientations stratégiques, la situation économique et financière et la politique sociale de l’entreprise est étendue aux éléments d’ordre environnemental18. Si cette extension paraît être le prolongement nécessaire des mesures précédentes, on peut s’étonner que cette mission soit confiée aux experts-comptables qui, a priori, ne disposent pas de compétences en la matière. Le rapporteur a toutefois souhaité rassurer les plus dubitatifs en précisant que ceux-ci « disposent (…) de très nombreux spécialistes, (…) ils sont déjà parfaitement adaptés aux questions relatives à la transition écologique qu’ils traitent depuis plusieurs années »19. L’explication ne paraît pas totalement convaincante. L’extension du périmètre des expertises en matière d’environnement comme le recours à des sous-traitants fait craindre une augmentation des coûts des expertises demandées par les CSE.
Ensuite, la formation dont les membres titulaires du CSE bénéficient dans les entreprises d’au moins 50 salariés lorsqu’ils sont élus pour la première fois pourra désormais porter sur les conséquences environnementales de l’activité des entreprises20. La formation dont bénéficient les salariés appelés à exercer des fonctions syndicales est également complétée d’un volet environnemental21. Si le contenu de ces formations s’est enrichi, leurs durées n’ont toutefois pas été allongées par le législateur, en dépit de certains amendements présentés en ce sens.
Enfin, la base de données économiques et sociales devient la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE)22. À la liste des thèmes devant obligatoirement figurer dans la base de données, sont ajoutées les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise, que ce contenu soit négocié ou non23. Les articles R. 2312-8 et R. 2312-9 du Code du travail devraient être complétés par décret avant la fin de l’année pour préciser les informations à intégrer dans la BDESE en l’absence d’accord sur son contenu. À titre d’exemple, sur le modèle de la DPEF imposée par le Code de commerce, des données relatives à la consommation d’énergie, à la préservation des sols, à la pollution, aux nuisances sonores, à la consommation d’eau, aux émissions de gaz à effet de serre, à la gestion des déchets, à la biodiversité et/ou au gaspillage pourraient être mobilisées. Par ailleurs, les entreprises disposent déjà d’un certain nombre d’informations environnementales selon leur type d’activité, leur localisation ou leur effectif (plan mobilité, bilan carbone, audit énergétique, gestion de papier de bureau, factures d’électricité, d’eau, d’enlèvement des déchets, etc.) qu’elles pourront mobiliser pour les consultations du CSE.
En revanche, d’autres modalités d’intégration des enjeux environnementaux ont été suggérées par amendements, comme la création d’une commission environnement spécifique au sein du CSE24. Des amendements ont également été déposés afin de créer une consultation spécifique sur la transition écologique et les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise25 ou d’augmenter les heures de délégation en conséquence des nouvelles attributions des élus au CSE26. Ces amendements ont toutefois été rejetés par le rapporteur et le gouvernement qui avaient pour objectif « d’adopter une démarche transversale » afin que « la thématique environnementale [irrigue] l’ensemble de l’activité de l’entreprise » et qu’elle ne soit pas traitée « en silo »27. Un amendement proposait également, dans les entreprises de plus de 500 salariés, que le CSE puisse prendre l’initiative de demander à l’employeur de se doter d’un plan de transition écologique28. Le rapporteur a cependant estimé que cela relevait davantage du dialogue social et ne devait pas forcément être du ressort de la loi29.
Si, avec ses nouvelles prérogatives, le CSE peut davantage s’imposer comme un acteur de la transition écologique et énergétique au sein de l’entreprise, il pourrait aller plus loin en prenant également en compte ces objectifs dans le cadre de ses activités sociales et culturelles (par exemple à l’occasion de l’organisation de voyages, en adoptant des moyens de transport plus responsables, ou lors de la distribution de produits à faible impact écologique au personnel de l’entreprise).
Au niveau de la branche, les organisations doivent se réunir au moins une fois tous les quatre ans pour négocier la GPEC30 et, à défaut d’accord, au moins une fois tous les trois ans31. Les employeurs des entreprises d’au moins 300 salariés doivent engager une négociation selon la même périodicité32.
Or, très peu d’accords de méthode définissant les thèmes et la périodicité des négociations sont conclus dans les entreprises et, dans ce cas, les dispositions supplétives, qui ne prévoient rien en matière de transition écologique, trouvent à s’appliquer33. Bien que la transition écologique ne soit pas intégrée à la négociation sur la GPEC, cette dernière s’appuyait sur les travaux de l’observatoire prospectif des métiers et des qualifications qui portent une attention particulière aux mutations professionnelles liées aux filières et aux métiers de la transition écologique et énergétique34.
C’est néanmoins un pas de plus qui est franchi puisque les négociations récurrentes des organisations au niveau de la branche concernant la GPEC et les négociations au sein des entreprises sur la gestion des emplois et des parcours professionnels et sur la mixité des métiers (GEPP) ont désormais pour objectif de répondre aux enjeux de la transition écologique35. Le texte n’ayant modifié que les dispositions supplétives, cet objectif peut être écarté si les modalités de ces négociations font l’objet d’un accord dans les conditions des articles L. 2241-4 et suivants et L. 2242-10 et suivants du Code du travail.
Si le législateur a laissé la possibilité d’écarter cette thématique du champ des négociations, on relèvera pourtant qu’elle s’inscrit pleinement dans le rôle attribué à la GPEC comme « dispositif préventif et prospectif visant à adapter les emplois et les compétences aux mutations économiques, démographiques ou encore technologiques en lien avec l’activité de l’entreprise »36.
Les OPCO ont notamment pour mission d’améliorer l’information et l’accès des salariés des TPE et PME à la formation professionnelle et de les accompagner dans l’analyse et dans la définition de leurs besoins en matière de formation professionnelle37. La loi octroie de nouvelles missions à ces opérateurs qui doivent désormais « informer les entreprises sur les enjeux liés au développement durable et (…) les accompagner dans leurs projets d’adaptation à la transition écologique, notamment par l’analyse et la définition de leurs besoins en compétences »38.
L’objectif affiché est « une meilleure prise en considération de la transition écologique et de l’évolution des métiers qu’elle induit » en plaçant les thématiques environnementales au cœur de la politique de formation des OPCO39.
La loi a également intégré une politique de transition écologique au niveau régional, en modifiant la composition des CREFOP. Ces organismes ont pour mission d’assurer la coordination entre les acteurs des politiques d’orientation, de formation professionnelle et d’emploi. Ils assurent également la cohérence des programmes de formation au niveau régional40. Désormais, des « personnes qualifiées dans le domaine de la transition écologique » pourront être désignées pour intégrer le CREFOP, sous réserve du respect du principe de parité41. Invité à clarifier cette notion, le rapporteur a pu préciser qu’il pourrait s’agir de formateurs, de représentants d’associations, d’experts qualifiés, d’anciens professionnels ou encore d’anciens parlementaires, l’essentiel étant que ces personnes disposent d’une qualification reconnue42. Dans son avis, le Conseil d’État a estimé que la fixation du nombre et les modalités de désignation de ces personnes relèveraient du pouvoir réglementaire43.
La loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets aura un impact non négligeable sur les relations sociales dans les entreprises. Pour ces dernières, il s’agit maintenant de mettre en œuvre concrètement ces nouvelles mesures législatives pour participer pleinement à la transition écologique, en anticipant l’interprétation qui pourra en être faite par les juridictions.
Référence : AJU003n8

Quelle

https://2macp.fr/gestion-de-la-negociation/

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