Daniel Ricciardo est tombé amoureux des jeux vidéo sur la Formule 1 depuis la sortie du premier opus (Formula 1) sur PlayStation, en 1996. Les vrais noms des pilotes et des écuries, les commentaires emblématiques de Murray Walker, le réalisme (pour l’époque) des circuits et des voitures ont fait de ce jeu un classique absolu. « C’était énorme et j’aimais vraiment y jouer quand j’étais enfant », sourit Ricciardo.
Bien que les graphismes, la modélisation et la maniabilité aient énormément évolué au fil des années, F1 2021 atteignant de nouveaux sommets, l’opinion du pilote McLaren sur le simracing n’a changé que très récemment. Avant cela, pour lui, ce n’était qu’un simple jeu vidéo.
Mais l’évolution de la technologie et les nouveaux niveaux de réalisme ont contribué à changer l’avis de Ricciardo. L’Australien a pu constater que les meilleurs pilotes de simracing ont réussi à transférer leurs compétences dans le monde réel, et a également observé comment la nouvelle génération de la F1, incarnée par Max Verstappen et Lando Norris, tire profit des expériences en ligne.
Si l’on ajoute à cela l’importance croissante accordée par la F1 aux simulateurs et les restrictions de plus en plus grandes sur les essais en conditions réelles, il n’est finalement pas étonnant que l’état d’esprit de Ricciardo ait changé. Aujourd’hui, alors qu’il envisage pour la première fois d’installer un simulateur dans son domicile, le pilote pense être en mesure de récolter les bénéfices du virtuel à son tour.
« Au début, je pensais que c’était seulement quelque chose d’amusant, pour passer le temps. Mais maintenant, je vois vraiment qu’il y a quelque chose de plus profond », dit-il à Motorsport.com. « Certains simracers ont pu transférer leurs compétences dans une vraie voiture, ce qui m’a ouvert les yeux. Nous avons parlé de F1 1995 [le premier jeu F1 sur PlayStation, ndlr], et c’était très différent de ce que nous avons aujourd’hui. Pendant un certain temps, je me disais : ‘Ah, ce n’est qu’un jeu’. Maintenant, je me demande ce que cela peut m’apporter. »
Ce qui intéresse tout particulièrement Ricciardo dans le simracing, c’est la possibilité de rester affûté et prêt mentalement pour les week-ends de Grand Prix, là il doit faire parler la poudre. « Le plus grand challenge des pilotes de F1, c’est que chaque week-end, nous n’avons que peu d’occasions de chausser un nouveau train de pneus et de faire le tour parfait. »
« Il y a parfois trois semaines entre les courses, et à la fin de la saison, il y a deux ou trois mois [de pause]. Pour une discipline qui est si précise, c’est fou. Il y a tellement de technologies, et avec une telle précision, qu’il est difficile pour n’importe lequel d’entre nous d’être vraiment parfait parce que nous ne passons pas assez de temps sur la piste, tout simplement. C’est là où j’ai été vraiment plus ouvert d’esprit. J’ai toujours aimé les simulateurs F1. Mais pour ce qui est de la maison, au cours des six à douze derniers mois, il fallait accumuler les tours. »
« Je pense que c’est vraiment important, même si c’est avec une voiture différente, une GT par exemple. Il faut entrer dans cet environnement en se disant : ‘Ok, c’est le tour, je dois le réussir’. C’est un peu une question de mental, essayer de se mettre la pression. »
En tant qu’ambassadeur de F1 2021, le dernier opus de la saga, Daniel Ricciardo a eu l’occasion de découvrir l’envers du décor et de parler aux développeurs de Codemasters. L’Australien est donc le mieux placé pour comparer les sensations qu’offrent le jeu vidéo avec ses vraies expériences, qu’il s’agisse d’un Grand Prix ou d’un relais sur le simulateur de McLaren.
Ce n’est une surprise pour personne, F1 2021 recrée difficilement toutes les sensations qu’un pilote peut ressentir au volant d’une monoplace. Mais selon Ricciardo, c’est dans des domaines plus subtils que le jeu est capable d’imiter la réalité de manière convaincante. « Si je remonte un peu dans le temps, tout était très plat, même les vibreurs et l’herbe », indique-t-il. « Avec la manette, il n’y avait ni choc ni déstabilisation sur un vibreur. Les pistes étaient similaires en matière de sensations, les ondulations n’étaient pas vraiment prises en compte. Il y a beaucoup plus de sensations maintenant. »
La physique a été également largement améliorée, et le feeling au volant correspond mieux à ce que ressentent les pilotes lorsqu’ils partent à la chasse au chrono.
« Avec la glisse, la voiture répond mieux », ajoute Ricciardo. « On peut se rattraper davantage alors qu’à l’époque, c’était un peu plus ‘arcade’. Il y avait soit 100% d’adhérence, soit zéro. Donc, il n’y avait aucune sensation. En F1, je pense qu’une grande partie du temps que l’on peut gagner se trouve en sortie [de virage]. Si vous pouvez réaccélérer tôt, il y a tellement de puissance que le temps au tour devient compétitif. »
« Avec les jeux vidéo, une grande partie du temps que l’on gagnait venait du fait que l’on pouvait freiner très tard et activer certaines aides. Mais je pense qu’aujourd’hui, le temps au tour, et comment aller vite, est en corrélation avec la piste. Nous sommes un peu lents à l’entrée et rapides à la sortie, c’est comme ça que je vais réaliser les meilleurs temps au tour. Donc même de ce point de vue, c’est devenu plus réaliste. »
Mais les jeux comme F1 2021 sont-ils désormais comparables aux simulateurs que les équipes utilisent ? « C’est de plus en plus proche », répond Ricciardo. « Il y a des aspects d’un circuit qui passent un peu inaperçus dans la manière de correspondre le plus possible au réel. C’est là où les simulateurs sont presque parfaits, car les équipes de F1 peuvent prendre toutes les mesures sur la piste, enregistrer toutes les élévations et les ondulations différentes, etc. Le jeu vidéo de la F1 a fait de grands progrès [dans ce domaine], et je pense que c’est très proche [de la réalité] pour la plupart des circuits. »
« Pour des choses comme le blocage des freins ou la motricité, il est difficile d’en parler avec des pourcentages. Mais j’ai toujours dit que les simulateurs étaient réalistes à 80% et que les jeux vidéo l’étaient à 30%. Aujourd’hui, ils sont bien au-dessus de 50%. »
Si Ricciardo s’est tourné vers les avantages (et le plaisir) que peuvent procurer le simracing, d’autres personnalités du sport automobile ne partagent pas son enthousiasme. L’an passé, James Glickenhaus, producteur de films et propriétaire de la Scuderia Cameron Glickenhaus, a créé une petite polémique lorsque l’un de ses tweets a été interprété comme une attaque directe contre le virtuel. « Le drapeau s’abaisse sur de vrais circuits où de vraies voitures s’affrontent dans de vraies courses. Tout le reste n’est que des conneries (sic) sans intérêt », a-t-il écrit.
Bien que Glickenhaus ait précisé par la suite que son commentaire faisait référence à un constructeur concurrent plutôt qu’à la communauté du simracing, il avait remis une pièce dans un débat éternel : ce qui n’est pas considéré comme une « vraie course » est-il forcément une « connerie sans intérêt » ?
Lorsqu’on lui a demandé s’il partageait cette opinion, Ricciardo a répondu qu’auparavant, lui non plus n’avait pas une haute estime du simracing. Mais aujourd’hui, les choses sont très différentes. « Je vais être franc avec vous. Au début, j’étais aussi comme ça parce que toute ma vie, je l’ai passée en faisant la course, enfin, des vrais trucs », explique-t-il.
« J’en suis évidemment fier, vous savez que si vous heurtez un mur, ça fait mal. Et sur une simulation, ça ne fait pas mal. Donc je suppose qu’il y a de la fierté là-dedans, ou quelque chose comme ça. Mais maintenant que certains simracers passent du virtuel au réel, sont talentueux et sont compétents, je ne les considère pas comme de simples larves sur leur canapé, jouant à la maison. »
« Je pense qu’il y a vraiment des compétences à avoir et des efforts à fournir. Je les respecte et, pour être honnête, j’ai été surpris de voir à quel point ils pouvaient être bons. Même s’ils n’ont jamais sauté dans une vraie voiture, je pense qu’ils s’en sortiraient bien. La grande question est la peur. Peuvent-ils mettre leur peur de côté en sachant que le mur va leur faire mal ? Mais du point de vue des compétences, c’est assez impressionnant. »
Il y a également un autre facteur dans les jeux vidéo hautement important aux yeux de Ricciardo : la possibilité de s’incarner soi-même. « Je vis un rêve en étant en F1, et je vis aussi un rêve en étant dans un jeu vidéo », sourit-il. « Je sais qu’étant enfant, c’était très cool, alors je pense que n’importe quel enfant dans le monde pourrait se dire : ‘Oh, Daniel Ricciardo, je veux jouer avec lui aujourd’hui’. Aussi bête que cela puisse paraître, c’est plutôt cool ! »
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