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Mme la présidente Fadila Khattabi. Le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat est inscrit à l’ordre du jour de la séance publique à compter du 18 juillet prochain, ce qui nous conduit à l’examiner en commission dès cette semaine. Saisie au fond, la commission des affaires sociales a décidé de déléguer à la commission des affaires économiques les articles relevant de sa compétence.
Nos deux commissions se retrouvent ce soir pour l’audition des ministres, que je remercie d’avoir répondu à notre invitation. Elles continueront de travailler parallèlement et, bien sûr, efficacement sur l’examen des articles.
Comme l’indique son titre, le texte que nous sommes appelés à examiner relève d’une situation d’urgence, pour laquelle les Français attendent des réponses rapides et concrètes. La représentation nationale est contrainte de travailler vite car il y va de la protection du niveau de vie de nos concitoyens. Certaines de ces mesures étant d’ordre réglementaire, le Gouvernement n’a pas tardé à les prendre ; d’autres, en revanche, relèvent de la loi, et nos compatriotes ne comprendraient pas que nous tardions à les adopter.
M. le président Guillaume Kasbarian. Je tiens d’abord à remercier Mme la présidente de la commission des affaires sociales d’avoir délégué à la commission des affaires économiques l’examen de quatorze articles du projet de loi. Cette procédure nous impose des obligations respectives et nous soumet à quelques contraintes du fait d’un calendrier particulièrement resserré, mais elle permet à chacune de nos commissions de se pencher sur les dispositions qui relèvent pleinement de ses compétences. Je remercie également les membres du Gouvernement présents ce soir ; j’ai grand plaisir à les recevoir en ce début de législature dans notre belle salle de la commission des affaires économiques. Je dois néanmoins me faire l’interprète des très nombreux collègues, de l’opposition comme de la majorité, qui ont émis cet après-midi des remarques concernant les délais extrêmement brefs qui nous ont été octroyées pour examiner ce texte. Je félicite d’autant plus nos trois rapporteures d’avoir accepté leur mission.
Pour terminer, je précise que les orateurs de groupes disposeront de quatre minutes de temps de parole et les autres députés de deux minutes.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Le Gouvernement a bien conscience des contraintes que constituent les délais imposés pour la discussion de ce texte relatif au pouvoir d’achat, mais nous avons fait le choix de le présenter en Conseil des ministres dès la nouvelle Assemblée installée afin que celle-ci puisse l’examiner aussi rapidement que possible et qu’il entre en vigueur au plus tôt. Nombre de mesures que nous proposons sont des mesures de protection attendues par nos concitoyens, et même si les avis peuvent diverger sur telle ou telle, même s’il peut exister des désaccords sur le curseur ou le niveau de protection ou d’engagement, il y a chez nous tous – je l’espère – la volonté partagée de protéger le pouvoir d’achat de nos compatriotes.
Ce dernier est évidemment au coeur des préoccupations du Gouvernement, comme il était au coeur des préoccupations des gouvernements qui se sont succédé au cours du précédent quinquennat. Pour m’en tenir à ces quelques exemples, sous le précédent quinquennat, les impôts des ménages ont baissé de 25 milliards d’euros et le minimum vieillesse, l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et la prime d’activité ont été revalorisés dans des proportions inédites. Plus largement, depuis 2017, nos priorités ont été de renforcer l’appareil productif et de réformer le marché du travail pour créer de la richesse et de l’emploi durable. Nous persévérons dans cette voie, celle de la croissance et du plein emploi, car nous considérons que c’est à ces seules conditions que nous pourrons améliorer de façon durable le pouvoir d’achat de nos concitoyens.
Nous n’avons pas à rougir de nos résultats. Les enquêtes, telle que celle réalisée par l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) en mars dernier, le confirment : le dernier quinquennat fut un quinquennat de pouvoir d’achat. Celui-ci a plus augmenté durant les cinq dernières années que lors des deux quinquennats précédents. Concrètement, hors inflation, c’est environ 300 euros en moyenne par an que nous avons pu apporter à chacun de nos compatriotes grâce aux créations d’emploi et aux mesures que nous avons prises. Cet acquis ne suffit néanmoins pas, puisque nous sommes confrontés à une situation inédite : l’inflation, que l’on croyait durablement éloignée, est en effet de retour partout dans le monde ; la France n’y échappe pas : même si elle s’établit dans notre pays à un taux très largement inférieur à celui de nos voisins, elle pourrait atteindre, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), 5,5 % en 2022, soit son plus haut niveau depuis 1985.
Au-delà de la réalité statistique, c’est la vie quotidienne de nos concitoyens qui est touchée, parfois bouleversée, par l’augmentation des prix. Nombre de petites entreprises se retrouvent en difficulté faute de pouvoir répercuter totalement la hausse de leurs coûts. Cette réalité, le Gouvernement ne l’a jamais ignorée. Nous n’avons pas attendu ce projet de loi pour apporter des solutions concrètes, susceptibles de répondre à l’urgence ; dès l’automne, nous avons mis en place des mécanismes inédits afin de protéger les Français. Nous avons ainsi créé un bouclier tarifaire pour l’énergie et le gaz – ma collègue Pannier-Runacher y reviendra plus longuement –, nous avons institué une remise carburant de 18 centimes par litre, nous avons versé une indemnité inflation à 38 millions de Français ainsi qu’un chèque énergie exceptionnel.
Ces mesures ont massivement soutenu le pouvoir d’achat des Français. Elles ont aussi contribué à réduire l’inflation : Malte exceptée, la France a le taux d’inflation le plus bas de la zone euro. Ce pic d’inflation, qui, comme l’a souligné la Banque de France, est temporaire, tend malgré tout à durer et s’accroît. Personne ne peut nier le ressenti de nos concitoyens face à cette situation. Il y a donc urgence à intervenir.
Répondre à cette urgence par des mesures concrètes est le premier objectif du projet de loi – même si, la présidente Khattabi l’a rappelé, tout ne figure pas dans le texte. Il existe d’autres mesures, qui ne relèvent pas du périmètre de la loi : je pense à l’indemnité carburant pour les travailleurs, qui sera versée en octobre prochain, ou à l’aide exceptionnelle de solidarité, qui bénéficiera à près de 14 millions de personnes à la rentrée. Autant de mesures que nous pouvons prendre par voie réglementaire sans que nous ayons à prévoir une disposition législative. Qu’elles soient absentes du projet de loi signifie donc, non pas qu’elles sont abandonnées, mais que nous les mettons en oeuvre d’une autre manière.
On trouvera néanmoins dans ce texte une deuxième réponse, qui consiste à mieux valoriser le travail, par la baisse pérenne des charges sociales qui pèsent sur les travailleurs indépendants, par le renforcement des dispositifs de partage de la valeur, et en s’assurant que les salariés ne voient pas leurs salaires bloqués au SMIC malgré leur ancienneté et les évolutions de postes – je pense aux conventions collectives et aux minima de branche. Je tiens, dès à présent, à préciser que valoriser le travail, ce n’est pas fragiliser nos entreprises. Ce sont elles qui créent les emplois. Je ne suis pas de ceux qui opposent le pouvoir d’achat des salariés et le résultat des entreprises. Répondre à l’urgence sans perdre de vue nos objectifs à plus long terme est aussi l’enjeu de ce projet de loi, dont je vais à présent détailler les mesures sociales.
Nous proposons d’abord, comme s’y était engagé le Président de la République, de tripler et de pérenniser la prime de pouvoir d’achat. Les entreprises pourront verser une prime de 3 000 euros, pouvant dans certains cas aller jusqu’à 6 000 euros, par an et par salarié, exonérée de cotisations sociales, en une fois ou de manière fractionnée – ce qui est une nouveauté, et permettra à des entreprises disposant de moins de trésorerie de procéder à ce versement.
Par ailleurs, pour inciter au versement de primes et accroître les gains de chaque salarié dans cette période de tension sur le pouvoir d’achat, les primes versées d’ici à la fin de l’année prochaine aux salariés percevant moins de trois fois le SMIC seront entièrement exonérées de contributions et de cotisations sociales, ainsi que défiscalisées.
Nous proposons donc à la fois une mesure pérenne pour améliorer le pouvoir d’achat et une mesure exceptionnelle de pouvoir d’achat pour les salariés.
Nous proposons aussi un ensemble de mesures destinées à faciliter la mise en oeuvre du dispositif d’intéressement, en particulier pour les petites entreprises, avec des mesures concrètes qui proviennent toutes de remontées du terrain, et un objectif clair : lever tous les blocages identifiés de manière à favoriser l’essor de l’intéressement dans les entreprises. Nous allons supprimer les contrôles a priori, rendre possible la mise en place de manière unilatérale d’un accord d’intéressement dans les entreprises de moins de cinquante salariés, contre onze actuellement. Tout ce qui est susceptible de développer l’intéressement a été retenu.
Nous proposons de baisser les cotisations sociales des travailleurs indépendants. Cette baisse pérenne se traduira par un gain de pouvoir d’achat pouvant aller jusqu’à 550 euros pour les travailleurs non salariés gagnant l’équivalent du SMIC – nous savons que c’est pour beaucoup d’entre vous une priorité. Tous les micro-entrepreneurs et près de 80 % des artisans, des commerçants et des exploitants agricoles bénéficieront ainsi d’une hausse substantielle de leur pouvoir d’achat. Cette exonération sera compensée à la sécurité sociale par l’État.
Enfin, nous proposons une mesure visant à inciter les branches professionnelles à maintenir des minima conventionnels au moins au niveau du SMIC. Il s’agit de se donner les moyens de fusionner celles des branches qui présenteraient des minima durablement inférieurs au SMIC, ce qui freine la progression salariale et pénalise l’attractivité de ces secteurs. Le Gouvernement s’attelle pleinement à la résolution de ce problème. J’ai d’ailleurs réuni jeudi dernier le comité de suivi de la négociation salariale de branches – le précédent s’était tenu en décembre dernier sous la présidence de la ministre du travail de l’époque, Mme Élisabeth Borne. Nous ne relâcherons pas nos efforts. J’ai demandé à mes services d’être particulièrement attentifs à l’état des négociations par branche sur cette question.
Nous devons en particulier éviter deux écueils. Le premier serait de considérer que le problème concerne la quasi-totalité des entreprises, alors que ce n’est pas le cas. Le nombre de branches concernées est temporairement important du fait de la revalorisation du SMIC intervenue le 1er mai dernier – sur douze mois, elle s’élève à 5,9 %, ce qui a amené de nombreuses branches à avoir des minima inférieurs au SMIC. Toutefois, entre le 1er mai et le 1er juillet, près d’un quart des branches concernées se sont mises en conformité et beaucoup d’entre elles ont ouvert des discussions. Pour la plupart, le problème est transitoire, lié aux délais normaux de négociation.
Le second écueil serait de nous substituer à la négociation collective ou de recourir à des dispositifs qui pénaliseraient les petites entreprises. Nous croyons pour notre part aux vertus du dialogue social de branche pour régler ces situations, quitte à inscrire parfois des niveaux inférieurs en commission paritaire et à en assurer le suivi régulier.
Dernier point : la revalorisation des prestations sociales. Nous proposons d’avancer au 1er juillet de cette année les revalorisations prévues au 1er janvier ou au 1er avril de l’année prochaine, avec, pour l’ensemble des prestations, une augmentation de 4 %. Cette hausse pourra, le cas échéant, être perçue à titre rétroactif de manière à respecter la temporalité du débat parlementaire. Cette revalorisation s’ajoutera à celles de 1,1 % pour les allocations perçues le 1er janvier dernier et de 1,8 % pour celles touchées le 1er avril. Elle concernera tous les retraités, y compris les travailleurs indépendants et les fonctionnaires ; elle soulagera le quotidien des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), de l’AAH, de l’allocation de solidarité spécifique ; elle touchera les bénéficiaires de la prime d’activité. Enfin, seront intégrées dans les prestations familiales les autres prestations de la sécurité sociale, les allocations d’accompagnement vers l’emploi, ainsi que les bourses du secondaire – nous agissons ainsi pour les étudiants.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. Nous sommes dans une course contre la montre. Nous faisons face à une crise énergétique sans précédent depuis les chocs pétroliers des années 1970. Les raisons, vous les connaissez : cette crise inédite trouve notamment sa source dans la guerre en Ukraine, déclenchée par l’invasion russe, la Russie étant le premier fournisseur de gaz et le deuxième fournisseur de pétrole de l’Europe. Sous l’impulsion du Président de la République et des dirigeants européens, des sanctions massives ont été prises à l’encontre de la Russie. Il est de notre devoir de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour mettre fin à ce conflit qui marque le retour de la guerre sur le continent européen.
Depuis plusieurs mois, le système énergétique européen est sous tension. Cela se traduit par une hausse sans égale depuis des décennies des cours du carburant, du gaz et, par voie de conséquence, de l’électricité, qui s’ajoute aux tensions inflationnistes que nous observions déjà fin 2021 en raison de la reprise économique plus rapide qu’attendu après la crise sanitaire. Par ailleurs, le fonctionnement actuel du marché de l’électricité conduit les Français à être exposés partiellement aux prix des dernières centrales « appelées » à l’échelle européenne. Si cela permet d’apporter quarante jours par an de l’électricité en France, cela présente l’inconvénient de ne pas faire totalement profiter les Français des coûts compétitifs des installations qu’ils ont financées, notamment le parc nucléaire. Nos concitoyens comprennent difficilement qu’ils payent leur électricité en partie au prix du gaz alors que nous avons l’un des mix les plus décarbonés d’Europe. Il y va de l’acceptabilité sociale comme de la justice environnementale, deux enjeux qui sont au coeur de la transition. Nous devons le corriger.
Dire que nous faisons face à une crise énergétique, ce n’est pas employer des mots en vain : il s’agit du quotidien de nos concitoyens. L’augmentation des prix de l’énergie représente 60 % de l’augmentation globale des prix qu’ils subissent actuellement. Si nous sommes dans une course contre la montre, c’est donc d’abord pour protéger le pouvoir d’achat des Français en contenant la hausse des prix de l’énergie. Avec le Président de la République, nous avons pris dès le début de la crise énergétique des mesures fortes visant à protéger le pouvoir d’achat des Français, en particulier de ceux qui dépendent des énergies fossiles pour se déplacer et pour se chauffer. Avec la majorité présidentielle, nous avons mis en place un blocage des prix du gaz et de l’électricité, ainsi qu’une réduction directement à la pompe de 18 centimes par litre d’essence. Fin 2021, nous avions déjà prévu un chèque énergie exceptionnel pour nos compatriotes les plus modestes, et un chèque inflation de 100 euros, qui a bénéficié à près de 38 millions de Français. Les résultats sont là : grâce à ces mesures, nous avons contenu l’inflation à 5 % quand elle dépasse 10 % voire 20 % chez nos voisins européens. C’est moitié moins que la moyenne européenne, mais c’est encore trop, et le Gouvernement et la majorité en ont bien conscience. Grâce au bouclier tarifaire – en d’autres termes, au blocage des prix –, nous avons évité une hausse des factures des Français de 50 % sur le gaz et de 35 % sur l’électricité. Ces hausses, que l’on observe ailleurs, auraient été insupportables. Les mesures que nous avons prises n’ont pas d’équivalent en Europe. Le présent projet de loi et le projet de loi de finances rectificative (PLFR) ont vocation à poursuivre nos efforts pour protéger les Français, et je sais que tous les membres de vos commissions ont conscience de la nécessité d’agir vite, fort et efficacement.
Si nous sommes dans une course contre la montre, c’est ensuite parce que nous devons sécuriser nos approvisionnements en énergie pour l’hiver prochain. Protéger les Français, c’est aussi garantir qu’ils pourront avoir accès à l’énergie pour se déplacer et se chauffer cet hiver. Eu égard à la situation énergétique exceptionnelle, notre responsabilité est d’envisager tous les scénarios possibles, en prenant des dispositions pour sécuriser nos approvisionnements. C’est une question de résilience, mais aussi de souveraineté énergétique.
Nous allons prendre diverses mesures, dont certaines figurent dans le présent projet de loi, pour entrer dans l’hiver dans les meilleures conditions. D’abord, nous sécurisons le remplissage du stockage stratégique de gaz au-delà du niveau obligatoire de 85 %, qui avait été instauré en 2018 ; notre objectif est d’atteindre au plus vite et en tout état de cause avant le 1er novembre le taux de 100 %. Afin d’augmenter et de diversifier nos capacités d’importation et d’utilisation du gaz naturel liquéfié, nous prenons des mesures permettant la mise en place d’un terminal gazier flottant dans le port du Havre. Ce projet est nécessaire si l’on veut remplacer rapidement le gaz russe ; il a été conçu pour avoir le moins d’impact possible sur le plan social et environnemental. Il n’a pas vocation à être permanent : d’où le choix d’une installation flottante.
Par souci de cohérence avec nos ambitions climatiques, le texte prévoit des dispositions permettant de compenser les émissions de gaz à effet de serre liées à un éventuel fonctionnement ponctuel de la centrale à charbon de Saint-Avold, dont la fermeture est, par précaution, retardée de quelques mois. Les centrales à charbon représentaient, je le rappelle, moins de 1 % de la production d’électricité française pendant l’hiver 2021-2022. Si notre objectif demeure de ne pas avoir recours au charbon, tant que cela est possible, nous nous donnons néanmoins une sécurité afin de passer l’hiver. Enfin, pour maximiser les outils à notre disposition en cas de tension ponctuelle d’approvisionnement, nous étendons le mécanisme qui permet aux consommateurs de gaz de participer volontairement – j’y insiste – à une réduction de leur consommation en cas de tension sur le réseau. Ce mécanisme d’effacement est planifié et rémunéré. En conformité avec l’esprit de responsabilité qui est le nôtre, ces dispositions nous permettront de préparer une éventuelle situation de très forte tension cet hiver sans transiger sur notre ambition climatique.
Si nous sommes dans une course contre la montre, c’est enfin pour mettre en oeuvre dès maintenant la transition énergétique et libérer les Français des énergies fossiles. C’est une nécessité absolue si l’on veut lutter contre le dérèglement climatique. La situation actuelle le démontre : libérer les Français des énergies fossiles, c’est aussi agir pour leur pouvoir d’achat, puisqu’ils ne peuvent pas du jour au lendemain changer leur véhicule, leur chaudière à fuel ou à gaz. Il est de notre responsabilité de trouver des solutions pour les accompagner dans la décarbonation de leur mode de l’ordre de transport et de leur mode de chauffage. C’est pourquoi il faut ponctuellement mettre en place un bouclier énergétique. Le PLFR prévoit en outre une augmentation de 400 millions d’euros du budget alloué au dispositif MaPrimeRénov’ et de 400 millions du bonus écologique, d’un montant maximum de 6 000 euros, qui permet d’accompagner nos compatriotes vers l’achat de véhicules électriques, que beaucoup ne peuvent pas se payer. Nous avons aussi engagé avec la Première ministre un chantier prioritaire autour de la sobriété énergétique, avec un objectif de réduction de 10 % de la consommation d’énergie d’ici à 2024, et nous avons commencé par installer des groupes de travail sur l’État, qui doit être exemplaire, sur les entreprises, avec les partenaires sociaux, et sur les surfaces commerciales, avec Mme Olivia Grégoire ; le prochain portera sur le logement. Si nous voulons réussir la transition énergétique, il faut une mobilisation collective et, en premier lieu, un effort des institutions et des acteurs privés. La sobriété énergétique appelle un changement de comportement en profondeur, qui doit être accompagné par les politiques publiques. J’ai demandé aux énergéticiens de s’emparer du sujet et d’être eux aussi exemplaires, en proposant aux Français des contrats avantageux qui valorisent leur effort de sobriété en permettant de faire plus d’économies : tarification en heures pleines / heures creuses, incitation à mieux piloter sa consommation à distance… On peut faire beaucoup. L’énergie n’est pas illimitée : la meilleure énergie est celle qu’on ne consomme pas.
Cette approche doit être complétée par l’accélération du déploiement des nouvelles capacités de production d’énergie bas-carbone. Nos objectifs sont connus : déploiement de cinquante parcs éoliens en mer, investissements dans notre parc nucléaire avec un programme de six nouveaux réacteurs EPR, conformément aux annonces faites par le Président de la République à Belfort, en février. Le projet de loi d’accélération de la transition énergétique est important si l’on veut accélérer le déploiement massif des énergies décarbonées. Enfin, le travail européen que nous menons a franchi une étape décisive sous la présidence française, avec la décision, dans le cadre du paquet « climat », de la fin en 2035 de la vente des véhicules émettant du CO2, ce qui va accélérer la transition vers les véhicules électriques. L’adoption, la semaine dernière, par le Parlement européen de l’acte délégué complémentaire de la Commission européenne sur la taxonomie, en faveur duquel le Président de la République et le Gouvernement se sont fortement engagés, est une autre étape décisive en vue d’accélérer les investissements dans l’ensemble des technologies de la transition, qu’elles soient renouvelables ou nucléaires.
Mesdames et messieurs les députés, ce projet de loi est indispensable pour nous donner les moyens de protéger les Français et pour étendre nos marges de manoeuvre en vue de l’hiver prochain. Nous compromettrions sérieusement nos capacités d’action si l’État ne disposait pas de l’ensemble de ces leviers pour agir. Je suis convaincue que nous trouverons le chemin du compromis, un chemin qui nous rassemblera tout en nous permettant de répondre à la triple urgence de protéger le pouvoir d’achat des Français, de renforcer notre souveraineté énergétique et de répondre au défi climatique.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Je tiens d’abord à dire que je me sens honorée de représenter ce soir le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. C’est aussi un honneur pour moi de revenir à l’Assemblée nationale pour parler d’un sujet qui est, depuis plusieurs mois, au coeur des débats politiques et des préoccupations de nos concitoyens et, depuis plusieurs années, des combats que je mène.
Le présent projet de loi comprend deux axes. Le premier concerne le pouvoir d’achat – je suis obligée d’y faire référence en tant que ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises (PME) et des indépendants. Il s’agit non seulement de protéger rapidement le pouvoir d’achat des Français qui ne peuvent pas ou plus travailler mais aussi de renforcer le pouvoir d’achat de ceux qui travaillent, en particulier dans les PME ou parmi les indépendants.
Le second axe est celui du pouvoir du choix. Dans ces moments où l’inflation oblige tous nos concitoyens à examiner encore plus attentivement chacune de leurs dépenses, il est de notre devoir de les protéger en tant que consommateurs contre des pratiques commerciales susceptibles de retarder ou de suspendre les décisions et arbitrages qu’ils prennent. Tel est l’objet des articles 7, 8 et 9 du projet de loi, à travers lesquels nous vous proposons de nous attaquer ensemble à des situations que nous connaissons toutes et tous.
Alors que, de plus en plus souvent, quelques clics suffisent à contracter un abonnement en ligne, il faut parfois des heures, voire des mois pour résilier ce même abonnement. Je ne citerai évidemment aucune marque, mais chacun de nous a probablement vécu cette mauvaise expérience de consommateur. Qui ne s’est jamais retrouvé à essayer d’appeler un numéro injoignable, pour s’entendre finalement dire qu’il fallait envoyer un courrier recommandé, dont il ne serait tenu compte qu’à compter de son traitement, et encore, sous réserve de la complétude des pièces du dossier ? Ce que nous proposons, à travers l’article 7, c’est que lorsqu’un abonnement est vendu en ligne, une procédure de résiliation simple, en trois clics, soit obligatoirement prévue. Nous ciblons ici les contrats du quotidien : abonnements internet, abonnements téléphoniques, site de vidéo à la demande, abonnements de fourniture de gaz ou d’électricité.
L’article 8, dans la même veine, cible quant à lui les contrats d’assurance. Les entreprises d’assurance, les mutuelles et les institutions de prévoyance proposant la souscription de tels contrats par voie électronique devront elles aussi prévoir une résiliation facile, directe, permanente. Là encore, nous souhaitons redonner de la liberté et du pouvoir de choisir aux Français, tout en contribuant à renforcer la concurrence, à lutter contre les prolongations artificielles des contrats et à améliorer ainsi rapidement la protection des consommateurs.
La mesure vise les assurances tant pour les biens – habitation ou encore automobile – que pour les personnes – assurance vie, assurance emprunteur –, souscrites par les consommateurs mais pas par les professionnels.
Ces mesures s’inscrivent dans la continuité de travaux engagés lors du précédent quinquennat, notamment la loi du 28 février 2022 pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur, qui a fait l’unanimité sur les bancs de l’Assemblée nationale, mais aussi la loi du 14 juillet 2019 relative au droit de résiliation sans frais de contrats de complémentaire santé, permettant aux assurés de résilier ces contrats après un an de souscription sans frais ni pénalités.
Toujours pour protéger le consommateur, l’article 9 prévoit quant à lui de créer deux circonstances aggravantes pour mieux sanctionner les pratiques commerciales déloyales. Premier cas : lorsque la pratique a donné lieu à la conclusion d’un contrat, c’est-à-dire lorsque l’arnaque – pardonnez-moi, la pratique commerciale déloyale – a réussi et que la victime se retrouve engagée financièrement, parfois de manière significative. Deuxième cas : lorsque la pratique a été commise en bande organisée, c’est-à-dire qu’un groupe de personnes agit tout au long de la chaîne de commercialisation de dispositifs comme les économies d’énergie, le compte personnel de formation ou encore les pronostics sportifs.
Il vous a été proposé d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin de préciser comment la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pourrait organiser son action dans ce domaine, qu’il s’agisse des échanges d’informations avec les autres autorités publiques ou encore de la communication qu’elle pourra donner aux suites administratives et pénales. Cela suppose un travail interministériel assez lourd, qui prendra du temps. Nous avons pris bonne note des débats passionnants qui ont eu lieu cet après-midi. Vous avez souhaité revenir sur la forme ; nous sommes ouverts à cette possibilité d’évolution.
En un mot, il y a trois articles répondant à un seul objectif : redonner le pouvoir de choisir au consommateur, notamment dans une période où chaque euro compte.
M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Je connais l’engagement de chacune de vos commissions et de chacun de leurs membres s’agissant des questions relatives au pouvoir d’achat, enjeu majeur pour l’ensemble de nos concitoyens et dont nous nous saisissons pleinement, comme le montre le projet de loi.
Je vous présenterai ce soir deux mesures essentielles du texte, qui figurent à l’article 6 et qui concernent l’enjeu central qu’est le logement. Pour la plupart des Français, le logement est le premier poste de dépense et, face à l’augmentation généralisée des prix, nous prenons nos responsabilités. La Première ministre a en effet fixé en la matière un cap très clair la semaine dernière devant votre assemblée : notre priorité est que le logement soit abordable pour chacun. À cette fin, l’article 6 comporte un double mécanisme.
Il prévoit d’abord un bouclier loyers. Ainsi, jusqu’à la fin juin 2023, les loyers ne pourront pas augmenter de plus de 3,5 % en un an. Il s’agit là d’une solution équilibrée, alors que l’indice de référence des loyers (IRL) pourrait atteindre environ 5,5 % d’ici à la fin de l’année et être plus élevé encore au cours du premier semestre 2023. Ce dispositif de protection, qui n’existe nulle part ailleurs, est le fruit de concertations nourries avec l’ensemble des acteurs concernés.
Le bouclier loyers sera en outre accompagné d’une revalorisation de 3,5 % des aides personnalisées au logement (APL) afin de protéger les locataires qui en ont le plus besoin. Cette revalorisation est anticipée au 1er juillet 2022, alors qu’elle était initialement prévue en deux étapes : le 1er octobre 2022 et le 1er janvier 2023. Cette revalorisation permettra aux APL de couvrir les hausses de loyer jusqu’à 3,5 %. D’une part, tous les bailleurs ne procéderont pas à une hausse de 3,5 %, puisqu’il s’agit d’un plafond et non d’un seuil. D’autre part, la revalorisation des loyers sera postérieure à la revalorisation des APL, ce qui représentera somme toute un gain net pour tous les bénéficiaires. Enfin, cette mesure s’inscrit dans un paquet global : elle vient en complément des mesures présentées par mes collègues.
Au total, 5,8 millions de foyers bénéficieront de cette revalorisation, dont 2,6 millions résidant en logement social et 800 000 étudiants, pour un effort budgétaire d’environ 169 millions d’euros.
Il revient au Parlement de débattre de ces mesures et éventuellement de les enrichir. Je me réjouis, à cet égard, de l’adoption de l’article 6 cet après-midi en commission des affaires économiques et en commission des finances. Cela témoigne du fait que cette priorité est partagée par votre assemblée. Toutefois, j’ai conscience que ces mesures soulèvent chez certains d’entre vous des interrogations ; je me tiens donc, comme mes collègues, à votre disposition pour y répondre.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure de la commission des affaires sociales. « Notre premier défi, et je sais que cela fait consensus parmi nous, c’est de répondre à l’urgence du pouvoir d’achat ». Ainsi s’est exprimée la Première ministre, Élisabeth Borne, la semaine dernière lors de sa déclaration de politique générale.
Rarement contexte économique aura été aussi bouleversé pour nos concitoyens dans les périodes récentes. Certes, la crise était imprévisible, mais cela ne doit en rien nous empêcher d’agir collectivement et résolument pour aider nos concitoyens à surmonter cette épreuve. C’est l’objet du texte qui nous est présenté, lequel, conjointement au PLFR 2022, que la commission des finances examine en parallèle, traduit l’engagement et la détermination du Gouvernement à protéger le niveau de vie des Français.
Si ces mesures sont examinées aussi vite, c’est qu’elles répondent à des attentes fortes des Français et que nous n’avons pas le droit d’exaspérer ces attentes. Il n’en demeure pas moins que les textes seront examinés dans des conditions qui, je l’espère, permettront à l’ensemble des groupes de s’exprimer et de contribuer à l’élaboration de solutions collectives.
En tant que rapporteure de la commission des affaires sociales, il me revient de vous présenter les articles que celle-ci examinera au fond, en particulier les articles 1er à 5.
Une fois n’est pas coutume, je commencerai par l’article 5, qui constitue l’un des éléments centraux de l’effort des finances publiques en faveur du soutien au pouvoir d’achat de nos concitoyens, en particulier les plus fragiles.
Cet article permet de revaloriser par anticipation les montants et éléments intervenant dans le calcul de près de cinquante prestations sociales, afin de prendre en compte la hausse historique de l’inflation.
Les difficultés auxquelles font face une partie de nos concitoyens pour se loger et se nourrir appelaient de notre part une réaction immédiate, qui se traduit par cette revalorisation anticipée dont les effets seront perçus dès cet été. Cet effort de 8 milliards d’euros pour nos finances publiques pour les années 2022 et 2023, aussi massif soit-il, me paraît justifié par l’urgence sociale. À cet égard, nous suivons la même boussole que celle qui nous avait guidés au cours de la précédente législature lorsque nous avions augmenté de manière exceptionnelle certains minima sociaux, mais aussi quand il avait fallu protéger l’ensemble des salariés face au covid.
Néanmoins, j’appelle l’attention du Gouvernement sur le fait que la mesure n’est pas compensée pour les collectivités : celles-ci devront la prendre à leur charge. Si l’on peut évidemment considérer que les collectivités locales, à l’instar de l’État et des entreprises, doivent prendre leur part, l’impact pour certaines d’entre elles sera majeur. Je me fais ici l’écho de la situation des départements les plus peuplés, particulièrement le Nord. Ce département compte ainsi 90 000 bénéficiaires du RSA. La mesure représente une charge supplémentaire de 40 millions d’euros pour la collectivité, comme me l’a indiqué son président. Il en est de même pour certaines petites communes rurales disposant de très faibles marges de manoeuvre. Quelle est la position du Gouvernement sur ces situations particulières ?
Par ailleurs, dans sa déclaration de politique générale, la Première ministre a annoncé la volonté du Gouvernement d’aller au bout de la déconjugalisation de l’AAH. Dans le prolongement de cette déclaration, nous sommes plusieurs députés de différents groupes à avoir déposé des amendements en ce sens.
Je tiens également à saluer le travail de l’ensemble des députés qui ont permis de faire avancer le débat sur la question depuis plusieurs années. Je pense en particulier à Stéphane Peu et Pierre Dharréville, du groupe Gauche démocrate et républicaine, à Aurélien Pradié et Stéphane Viry, du groupe Les Républicains, à Yannick Favennec-Bécot, du groupe Horizons et, bien entendu, à Marie-George Buffet et Jeanine Dubié, qui ne siègent plus parmi nous mais dont le rôle fut absolument essentiel. Leur engagement a permis de faire avancer la réflexion sur ce sujet particulièrement compliqué.
Nous avons eu de nombreux débats à ce propos lors de la précédente législature, des débats parfois âpres, mais qui procédaient tous de la même préoccupation, à savoir la justice sociale et le souci de l’autonomie pour les personnes en situation de handicap. C’est le sens de nombreux dispositifs adoptés au cours de la précédente législature qui ont permis d’augmenter le montant de l’allocation et le nombre de bénéficiaires.
La déconjugalisation de l’AAH répond à des enjeux majeurs d’autonomie pour les allocataires concernés. Toutefois, elle pourrait avoir des effets de bord délétères pour un certain nombre d’allocataires : la disposition serait positive pour de nombreux ménages, mais une déconjugalisation « sèche » ferait plusieurs dizaines de milliers de perdants. Le Gouvernement a-t-il l’intention de mettre en place un dispositif transitoire permettant aux bénéficiaires de ne pas perdre leurs droits au moment de l’entrée en vigueur de la déconjugalisation ?
Répondre à l’urgence n’empêche pas de s’inscrire dans le temps long et de satisfaire l’impératif selon lequel le travail doit être reconnu à sa juste valeur, que ce soit pour les salariés ou pour les indépendants. C’est l’objet des deux premiers articles.
L’article 1er pérennise un dispositif dont ont déjà bénéficié plus de 15 millions de nos concitoyens, pour un montant total de plus de 8 milliards d’euros. Il s’agit de la prime de pouvoir d’achat, désormais appelée « prime de partage de la valeur ». Ce changement de dénomination témoigne bien du fait que cette prime, versée dans des conditions aussi simples que possible, doit permettre aux salariés de profiter de la réussite de l’entreprise.
L’article 2 permet quant à lui de répondre à une forme d’inégalité entre les travailleurs indépendants et les salariés. Alors que ces derniers bénéficient, au voisinage du SMIC, des allégements généraux, qui contribuent très largement à faciliter l’embauche, les quelque 3,8 millions de travailleurs indépendants souffrent, pour un même niveau de rémunération, d’un niveau de contribution plus élevé. C’est pour cette raison que, ainsi que l’avait promis le Président de la République, l’article 2 exonère les travailleurs indépendants de 550 euros de cotisations annuelles à hauteur du SMIC. Ce gain de pouvoir d’achat, qui répond à une demande de longue date des organisations représentatives des travailleurs indépendants, ne se traduira par aucune perte de droits contributifs. Elle concerne toutes les catégories d’indépendants, qu’il s’agisse des micro-entrepreneurs, des artisans, des commerçants ou encore des professions libérales.
Les articles 3 et 4 contiennent eux aussi des mesures destinées à protéger le niveau de vie des Français.
L’article 3 traduit la volonté du Gouvernement de prolonger l’effort consenti depuis 2017 en faveur de la diffusion de l’intéressement, en particulier dans les entreprises de moins de cinquante salariés, où il est peu répandu, par la simplification et l’assouplissement des règles.
L’article 4 a pour objectif d’inciter les branches à négocier plus régulièrement sur le minimum conventionnel, afin de tenir compte des augmentations successives du SMIC. Il ouvre ainsi au Gouvernement la faculté d’engager la restructuration d’une branche professionnelle au regard d’un faisceau d’indices caractérisant son manque de vitalité conventionnelle. Parmi ces indices figurera explicitement la faiblesse du nombre d’accords garantissant un salaire minimum au moins équivalent au SMIC.
Si la fusion administrative de branches demeure réservée aux cas dans lesquels il existe une difficulté structurelle à négocier un accord sur ce thème, les dispositions prévues garantissent qu’une attention particulière sera portée à la juste rémunération des salariés les moins qualifiés.
De manière plus large, nous pouvons déplorer la faible dynamique de revalorisation des parcours de carrière et des rémunérations dans certaines branches, et ce alors même que tous les secteurs rencontrent des difficultés de recrutement. Nous avons engagé d’importantes réformes au cours du précédent quinquennat pour favoriser la création d’emplois et renforcer les leviers de la formation et de l’insertion professionnelle. Il est donc indispensable, pour atteindre l’objectif de plein emploi, que les branches obtiennent des résultats tangibles en matière de progression des rémunérations. À cet égard, j’en appelle aux partenaires sociaux. Nous l’avons dit : l’État doit prendre sa part, mais les entreprises également. Aussi, je souhaite interroger M. le ministre du travail sur la dynamique actuelle des négociations collectives et son sentiment sur les débouchés réels de ces dispositions.
Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. La commission des affaires économiques a examiné cet après-midi les articles 6 à 9, dont elle est saisie au fond par délégation et que j’ai été chargée de rapporter.
L’article 6 porte sur les dépenses de logement, qui représentent le poste le plus important dans le budget des ménages. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous prenons particulièrement à coeur d’agir dans ce domaine : il y a là un levier pour le pouvoir d’achat.
Afin de prendre en compte l’inflation, dont le niveau est d’ores et déjà élevé, et de limiter les augmentations excessives des dépenses de logement pour les locataires, l’article 6 vise à indexer les APL de manière anticipée, à compter du 1er juillet 2022, sans attendre le 1er octobre comme ce serait le cas au regard du droit actuel. Le taux de revalorisation anticipée est fixé à 3,5 %, soit un niveau proche de l’évolution de l’IRL attendue au deuxième trimestre 2022.
En parallèle, le Gouvernement révisera les composantes des APL qui relèvent du domaine réglementaire. Il augmentera notamment le barème R0 de 4 %, ce qui constitue une avancée importante.
Ces évolutions doivent permettre, avec les autres mesures prises par la majorité pour revaloriser les minima sociaux et les revenus du travail, de donner un coup de pouce décisif aux revenus des ménages, notamment les plus modestes.
Les mesures contenues dans cet article ont été ratifiées par le Conseil national de l’habitat, qui rassemble les acteurs du logement. Il convient d’ailleurs de saluer les membres de cette instance, qui se sont réunis dans des délais contraints pour analyser les dispositions. Au cours des auditions que j’ai menées vendredi dernier, neuf heures durant, avec plusieurs collègues de la commission des affaires économiques, nous avons toutefois constaté qu’il y avait, comme toujours dans ce secteur, une variété de points de vue sur les mesures proposées.
C’est le cas, par exemple, en ce qui concerne le plafonnement à 3,5 % de l’augmentation des loyers, qui vise à refléter la hausse des prix de façon partielle et partagée. Avec une inflation qui pourrait atteindre 7 % en fin d’année, il nous paraît important de protéger les locataires en plafonnant l’évolution à la hausse de leur loyer. En effet, si nous ne faisons rien, la hausse de l’IRL, sur lequel sont annexés les loyers du parc privé et du parc social, pourrait dépasser les 5 % à la fin de l’année et au début de l’année prochaine.
Le taux de 3,5 %, qui est très proche de celui qui sera publié dans quelques jours par l’INSEE, a été choisi parce qu’il permet de répartir équitablement l’effort entre bailleurs et locataires. Nous avons en effet à coeur de protéger les locataires sans enfoncer financièrement les bailleurs, dans une période où nous demandons à ces derniers un effort important en matière de remise à niveau du parc de logements, notamment sur le plan énergétique – effort rendu plus nécessaire que jamais par la hausse des prix de l’énergie, mais plus compliqué aussi du fait du renchérissement des matériaux de construction.
Soutenir le pouvoir d’achat, c’est également veiller au bon fonctionnement de nos marchés de biens et de services. Au-delà des convictions politiques de chacun, nous pouvons tous dresser un constat : là où il y a des ententes, là où se nichent des monopoles, se cachent souvent des rentes qui contribuent au renchérissement du coût de la vie. Il nous faut donc veiller au maintien d’un certain équilibre dans les rapports de production et d’échange qui servent l’utilité commune.
Dans cet esprit, le projet de loi tend à conforter la protection du droit des consommateurs par trois dispositions complémentaires qui forment les deux chapitres du titre II – l’une d’entre elles a été supprimée cet après-midi, mais je pense que nous la rétablirons.
L’article 7 du projet de loi vise à simplifier les démarches des consommateurs désireux de résilier un contrat. À cet effet, il comporte deux mesures. En premier lieu, il affirme le principe selon lequel tout contrat souscrit par voie électronique peut être résilié suivant la même modalité. En second lieu, il fait obligation aux professionnels de mettre à la disposition des consommateurs un bouton de résiliation, susceptible de leur permettre d’accomplir à distance les formalités nécessaires à la rupture du contrat. Cette mesure s’inspire d’un dispositif développé en Allemagne sur le fondement d’une loi de 2021.
L’article 8 propose l’application des mêmes règles et d’un dispositif similaire pour les contrats d’assurance souscrits par voie électronique.
L’article 9 participe au renforcement de la protection des droits des consommateurs, dans la mesure où il vise à doter la puissance publique de nouveaux instruments, dans l’intérêt du respect de la loi. En premier lieu, l’article alourdit les sanctions pénales encourues pour pratiques commerciales déloyales. En second lieu, le texte proposait dans sa version initiale – cette partie de l’article a été supprimée cet après-midi en commission –, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin d’alléger les procédures d’enquête et les procédures administratives de la DGCCRF. Il visait également à accroître la portée dissuasive des actions de la DGCCRF. J’espère que nous pourrons retravailler cette disposition avec le Gouvernement.
En commission des affaires économiques, nous sommes parvenus à des compromis sur les articles qui nous avaient été délégués. Je forme le voeu que ce travail soit utile à nos débats et que, dans un esprit constructif, nous sachions apporter des réponses aux attentes de nos concitoyens.
Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Le titre III, que j’ai l’honneur de rapporter, comporte des mesures de sécurisation stratégique et juridique de nos approvisionnements énergétiques et de notre production d’énergie. Il traite également de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), avec pour objectif de protéger le pouvoir d’achat des Français.
La commission des affaires économiques a commencé cet après-midi à étudier ce titre, qui regroupe les articles 10 à 19. Les articles 10, 11 et 12 ont déjà été adoptés. À cette occasion, nous avons expliqué que c’était la gravité et la proximité des risques pesant notamment sur la souveraineté énergétique de notre pays qui avaient conduit le Gouvernement à introduire ces articles.
Mme Pannier-Runacher a ainsi rappelé les incertitudes autour des livraisons de gaz au regard du contexte géopolitique. Par ailleurs, les imports de gaz naturel liquéfié (GNL) sont limités, ce qui nous empêche de diversifier autant que nous le voudrions nos approvisionnements de gaz. Le parc nucléaire connaît également des tensions : trente et un réacteurs sont à l’arrêt. En outre, la sécheresse ampute la production hydroélectrique. Ces contraintes nous obligent à prendre des décisions et à nous doter d’outils permettant de garantir à l’ensemble des Français et à notre tissu industriel des approvisionnements énergétiques suffisants pour l’hiver prochain. Cela ne signifie pas pour autant que nous ayons renoncé à limiter les effets négatifs pour l’environnement, et encore moins que nous ayons remis en cause nos ambitions en matière climatique.
Les articles 10 à 14 concernent le gaz. Nous avons conscience qu’il s’agit d’une énergie fossile. Toutefois, il convient de rappeler que 12 millions de ménages y ont recours pour se chauffer. Nous ne pouvons pas nous permettre de plonger l’ensemble de ces foyers dans la difficulté au cours des prochains mois.
L’article 10 renforce la performance de notre système de stockage du gaz en instaurant une trajectoire d’approvisionnement annuelle et en permettant d’aller au-delà des minima de remplissage définis.
L’article 11 élargit le champ des gros consommateurs de gaz éligibles au dispositif d’interruptibilité rémunérée, afin d’offrir davantage de flexibilité d’approvisionnement.
L’article 12 accorde au ministre chargé de l’énergie des pouvoirs exceptionnels au cas où l’équilibre du réseau électrique serait menacé par des difficultés d’approvisionnement : il lui serait alors possible de réquisitionner les centrales à gaz pour réguler leur production.
Les articles 13 et 14 définissent le cadre juridique nécessaire à la construction et à l’exploitation d’un nouveau terminal méthanier flottant sur le site du port du Havre. Cela permettra d’accroître temporairement et rapidement nos capacités d’importation de gaz, sans pour autant construire d’infrastructures pérennes. Il s’agit bien de mettre en place une solution réversible, dans un contexte de crise, tout en apportant un niveau suffisant de garanties environnementales. Nous ne remettons pas en cause la trajectoire qui doit nous conduire à la neutralité carbone en 2050.
Les articles 15 et 16 contiennent eux aussi des dispositions visant à sécuriser notre approvisionnement énergétique. Au-delà des mesures relatives au gaz, le Gouvernement a commencé à sensibiliser nos compatriotes aux efforts nécessaires en matière d’optimisation et de sobriété, mais cela pourrait ne pas être suffisant. Il faut donc que nous disposions, en dernier recours, d’un autre outil. En l’occurrence, nous devons pouvoir exploiter les centrales à charbon plus qu’il était prévu.
Devoir augmenter le nombre d’heures de production d’électricité fondée sur le charbon, ce n’est pas une bonne nouvelle ; chacun ici en a parfaitement conscience. Mais il ne serait pas socialement acceptable de laisser des ménages en déficit d’énergie l’hiver prochain. Si nous vous proposons d’adopter les articles 15 et 16, c’est donc dans un souci de responsabilité. Ces mesures sont temporaires et visent à faire face à une crise exceptionnelle.
Les articles 17 à 19 traitent d’un dispositif ayant un impact direct sur le pouvoir d’achat des Français, à savoir l’ARENH. Il ne s’agit pas de rouvrir le débat sur un mécanisme dont nous connaissons tous les limites. Le fait est que ce dispositif, censé être remplacé au-delà du 31 décembre 2025, doit pour le moment perdurer afin de protéger non seulement les consommateurs, mais aussi les entreprises – en particulier les industries, dont nous avons vu l’année dernière qu’elles avaient besoin que le plafond de l’ARENH soit rehaussé. Nous prenons acte de cette situation, de manière, par exemple, à ce que les 150 000 salariés des entreprises électro-intensives ne se retrouvent pas au chômage dans les mois à venir.
L’ensemble de ces dispositions visent à faire face à la crise ; nous sommes conscients de leur impact, qui est compensé autant que faire se peut. Elles ont pour objectif de sécuriser l’accès à l’énergie des Français et leur pouvoir d’achat.
M. le président Guillaume Kasbarian. Avant d’entendre les orateurs des groupes politiques, je précise qu’à la suite d’une demande qui nous a été faite, nous suspendrons la réunion pour permettre à chacun de prendre part, dans l’hémicycle, au vote sur la motion de rejet préalable déposée sur le projet de loi maintenant provisoirement un dispositif de veille et de sécurité sanitaire en matière de lutte contre la covid-19.
Mme Christine Le Nabour (RE). Depuis deux ans, notre débat économique et social évolue au rythme de l’urgence de la crise sanitaire. Pour y faire face, il a fallu agir vite et efficacement, dans la logique du « quoi qu’il en coûte ». Nous avons su préserver notre économie, protéger nos entreprises et nos salariés. Les résultats sont là : notre économie résiste, les projets d’investissements étrangers sont en augmentation, le produit intérieur brut (PIB) a retrouvé son niveau d’avant-crise dès la fin de l’année 2021. Dans le même temps, le taux de chômage connaît son niveau le plus faible depuis 2008 ; le chômage des jeunes est au plus bas depuis quarante ans.
La guerre en Ukraine, qui sévit depuis le 24 février 2022, n’est évidemment pas sans effet sur l’inflation, déjà favorisée par la reprise économique mondiale. Elle se situe aujourd’hui à un niveau jamais atteint depuis 1985. Face à cette montée des prix, un ensemble de mesures ont été adoptées pour protéger les Français. Cette action globale, rapide et déterminée nous permet aujourd’hui d’être le pays de la zone euro le moins touché par l’inflation. Ainsi, si la France n’est pas épargnée, toutes ces mesures ont permis une stabilité que les grandes économies occidentales nous envient.
Afin de garantir les engagements du Président de la République, qui visent à revenir à un déficit public égal à 3 % du PIB d’ici à 2027, il s’agit désormais de privilégier des mesures temporaires et ciblées en faisant preuve de responsabilité vis-à-vis des générations futures. Le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat que nous allons examiner répond à la préoccupation première des Français. C’est un sujet primordial à nos yeux. Nous devons soutenir les revenus des travailleurs pour faire en sorte que le travail paie toujours mieux et aider les Français à se loger, se déplacer, se nourrir et se chauffer cet hiver. Comme le dit si bien notre Première ministre, Élisabeth Borne, nous devons mettre en place des « mesures concrètes, rapides et efficaces », toujours dans l’objectif – que nous partageons tous – de permettre à nos concitoyens de vivre dignement.
La commission des affaires sociales examinera cinq articles visant à pérenniser la « prime Macron » en en faisant une prime de partage de la valeur grâce au triplement de ses plafonds, à baisser les cotisations sociales pour les travailleurs indépendants, à rendre plus simple la mise en oeuvre d’accords d’intéressement dans les petites entreprises, à dynamiser les négociations de branche professionnelle sur les salaires et à anticiper la revalorisation des retraites, des prestations sociales et des bourses étudiantes sur l’inflation.
Aujourd’hui, 70 % des branches professionnelles disposent de minima conventionnels en dessous du SMIC, complétés, entre autres, par des primes ou des tickets-restaurant. Le temps long des négociations et les différentes baisses de cotisations opérées sur les bas salaires ont certes permis de réduire le chômage, mais ont favorisé le tassement des grilles salariales. J’aimerais savoir ce que vous comptez faire pour favoriser les progressions de carrière. En effet, cela peut être une réponse aux tensions de recrutement sur le marché du travail.
Le Président de la République, tout comme la Première ministre, lors de son discours de politique générale, se sont engagés à ne plus prendre en compte le revenu du conjoint dans le calcul de l’AAH. Pendant cinq ans, nous avons beaucoup oeuvré pour améliorer les conditions de vie des personnes en situation de handicap et leur autonomie, en suivant la logique de la société inclusive, une société qui change de regard sur le handicap et qui doit s’adapter à la différence. Sans aller jusqu’à la déconjugalisation totale, nous avons voté la mise en place d’un nouveau calcul en 2021, qui a permis à 120 000 personnes en situation de handicap en couple de bénéficier d’une augmentation mensuelle de 110 euros en moyenne. Notre groupe a déposé un amendement sur ce projet de loi visant la déconjugalisation de l’AAH.
Toutefois, ce n’est qu’une étape. Nous devons aussi apporter une réponse aux 45 000 personnes en situation de handicap qui travaillent et dont le conjoint ou la conjointe ne travaillent pas, qui seront les perdants de cette mesure. Par ailleurs, nous devons continuer à accompagner les personnes en situation de handicap dans leur vie quotidienne, améliorer leur autonomie, agir pour l’accès à l’école, à la formation et à l’emploi. Le taux de chômage des personnes handicapées est passé de 14 % à 19 % avant la covid. C’est mieux, mais il faut aller plus loin. Attention de ne pas freiner cette dynamique.
Nous attendons la révision du barème d’attribution de l’AAH, lequel n’incite pas toujours à travailler. Ainsi, une personne qui passe à temps partiel ne conserve pas son allocation. En conséquence, beaucoup renoncent à un projet professionnel. Le revenu disponible d’une personne en établissement et service d’accompagnement par le travail est quasiment le même quel que soit le niveau auquel l’établissement la rémunère. Comptez-vous entreprendre une révision de ce barème ? Comptez-vous maintenir chaque année le niveau de crédits du quinquennat précédent en faveur de l’amélioration des conditions de vie et d’autonomie des personnes en situation de handicap ?
Mme Laure Lavalette (RN). Enfin, le Gouvernement se saisit de la question du pouvoir d’achat, thème que Marine Le Pen a su mettre au centre de la campagne présidentielle depuis le mois de septembre. Voilà ce que nous considérons être une opposition constructive ! Ce projet de loi est discuté dans un contexte d’urgence pour tous nos concitoyens. Vous le savez, après cinq ans d’Emmanuel Macron, un Français sur quatre ne mange pas à sa faim, des étudiants font la queue devant les banques alimentaires, certains retraités vivent avec 8 euros par jour, et cet hiver, en France, des Français ont dû choisir entre se chauffer et dîner. S’il y a aujourd’hui urgence, c’est parce que, pendant cinq ans, il y a eu défaillance. Nous sommes particulièrement inquiets lorsque Bruno Le Maire annonce qu’à partir du 1er janvier 2023, les factures d’électricité et de gaz pourraient être indexées sur les revenus. Faudra-t-il, mesdames et messieurs les ministres, montrer sa fiche de paye pour acheter sa baguette de pain ? Est-ce vraiment la France que vous voulez ?
La guerre en Ukraine et la crise de la covid n’expliquent pas tout. L’inflation structurelle que nous connaissons est avant tout la conséquence de cinq ans d’une gestion calamiteuse qui a provoqué la ruine des travailleurs modestes, la paupérisation des classes moyennes et la précarisation des retraités. Les Français, sachez-le, ne veulent pas l’aumône, la politique du chèque qu’il soit énergie, carburant, inflation ou que sais-je encore, est une régression sociale sans précédent. Qui peut se contenter d’une société où l’on attend un chèque de l’État pour remplir son frigidaire ?
Rien, c’est le mot qui nous est venu à l’esprit à la lecture de votre projet de loi : rien sur le litre d’essence à 2,30 euros, rien sur les salaires, qui ne permettent plus de vivre dignement de son travail, rien sur la précarité étudiante, rien sur les situations particulières de la vie, les familles nombreuses, la perte d’un conjoint, un tout petit geste pour le handicap – il était temps, car nul ne peut être pénalisé pour avoir fondé un foyer –, rien sur les pratiques bancaires étouffantes…
Je pourrais énumérer encore longtemps les manquements du projet de loi, mais les Français, vous le savez, attendent de nous des propositions concrètes. Notre groupe se propose de vous aider à élaborer un texte qui réponde véritablement aux attentes des Français, car votre réalité ne semble pas être la leur. Permettez-moi de vous présenter un rapide florilège de nos propositions, toutes rejetées par votre nouvelle arme pour museler l’opposition : le cavalier législatif. La baisse de la TVA de 20 à 5,5 % sur l’essence, le fioul, le gaz et l’électricité : retoquée ! Le doublement du chèque énergie, faute d’une meilleure proposition de votre part : retoqué ! La création d’un panier de 100 % de première nécessité, avec une TVA à 0 % : de même ! Le plafonnement des frais bancaires, véritable spoliation des Français et surtout des plus précaires : retoqué ! L’élargissement des titres : retoqué ! Le rétablissement de la demi-part fiscale pour les veuves et veufs : retoqué ! Allez dire aux Français que cela n’aura pas d’incidence sur leur pouvoir d’achat, je n’ose imaginer leur réaction. J’espère que ces propositions sauront vous ramener à la réalité, cette réalité que vous semblez fuir au travers de procédures qui ne doivent pas se transformer en outils de dérives.
L’usage du cavalier législatif nous paraît excessif au regard des propositions liées au portefeuille des Français que les groupes d’opposition ont présentées. Vous ne semblez pas le réaliser, mais l’Assemblée nationale ne vous est plus acquise, les oppositions sont aujourd’hui de véritables interlocutrices que vous ne pouvez ignorer pour rédiger la loi. Le musellement de l’opposition n’est aujourd’hui plus une option. Nos travaux doivent se dérouler dans les meilleures conditions, au bénéfice de nos concitoyens. Mesdames, messieurs les ministres, les Français attendent de vous, de nous un projet ambitieux, un véritable sursaut. Leurs attentes ne sont évidemment pas dérisoires, elles sont urgentes et vitales. Notre groupe répondra toujours présent en commission comme dans l’hémicycle pour défendre ce qui ne peut être ignoré.
M. le président Guillaume Kasbarian. J’observe que vous n’avez pas été muselée puisque vous avez pu vous exprimer. Par ailleurs, je vous informe qu’en commission des affaires économiques, nous avons passé un long moment à expliquer les raisons qui ont conduit à qualifier certaines dispositions de cavaliers législatifs. Les présidences de commission appliquent la Constitution. Elles censurent les amendements lorsqu’ils sont considérés comme des cavaliers. Tous les groupes politiques sont logés à la même enseigne. Le Gouvernement lui-même est soumis à cette censure lorsqu’il dépose des amendements. Avec la présidente Khattabi, nous appliquons les règles à la lettre. C’est également le cas de la commission des finances, qui a déclaré irrecevables un certain nombre de cavaliers. Au sein du groupe RN, vous avez par exemple déposé des amendements sur la TVA. J’ai expliqué à M. Meizonnet que la commission des finances avait censuré ce type d’amendements, lors de l’examen du projet de loi sur le pouvoir d’achat, et invité les commissaires à les déposer dans le cadre du PLFR. Nous ne faisons qu’appliquer la loi et la Constitution.
M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Ce texte n’est pas un projet de loi comme un autre. Pour nous, c’est une facture géante que vous adressez à la population française pour lui faire les poches. Vous nous présentez là un document qui est une facture étalée dans le temps. Rien, dans ce texte, n’est du nouveau pouvoir d’achat ; cela se rapproche beaucoup plus d’un vulgaire crédit conso. Pas une seule fois, vous n’augmentez le dû des salariés, c’est-à-dire leur salaire ; vous versez uniquement de l’intéressement ou de la prime. C’est donc évidemment une arnaque d’ampleur puisque, sans cotisations sociales, rien de tout cela ne compte pour une pension de retraite et que cela met les comptes de la sécurité sociale dans le rouge. Une prime qui vous plonge dans la pauvreté et menace de ruiner les seniors, il fallait y penser, Mme Borne l’a fait !
Dans la foulée, vous avez inventé une nouvelle doctrine en matière de travail : la rémunération hypothétique. Les salariés ne verront pas leur salaire augmenter ; votre projet prévoit qu’ils devront supplier l’employeur ou, au minimum, compter sur lui pour qu’il veuille bien les intéresser aux résultats de l’entreprise afin de tenir jusqu’à la fin du mois. Or, la conséquence directe de l’intéressement dans la plupart des entreprises, c’est le gel des salaires, c’est travailler plus longtemps et plus durement pour espérer la prime, bref, c’est travailler plus pour gagner peut-être. Surtout, vous confiez aux employeurs les pleins pouvoirs pour élaborer les dispositifs d’intéressement sans aucune négociation avec le personnel. En somme, vous avez la même conception de l’entreprise que de l’Assemblée nationale : un lieu où une personne seule pourrait dicter sa loi sans jamais solliciter la confiance du plus grand nombre.
Alors que tout le pays est étranglé par l’inflation et que vous récoltez une cagnotte de 50 milliards d’euros, vous nous présentez un texte qui se résume également à un avoir, comme à la caisse du supermarché. En effet, toutes ces hausses de prestations et d’allocations sont anticipées : vous versez aujourd’hui ce que vous nous deviez demain. Vous ne tentez même pas de rattraper la hausse des prix : plus 17 % pour les pâtes, plus 14 % pour l’huile, plus 13 % pour le café, bref, l’indice des prix et l’ensemble des prix des produits de consommation courante augmentent deux fois plus vite que votre revalorisation. Pour 1 euro que vous versez en prestations et en allocations, la grande distribution et les grandes multinationales en perçoivent 2. Ainsi, entre nos comptes courants et les bénéfices des profiteurs de crise, il faut choisir : vous avez choisi les profiteurs. La vérité est que vous approuvez, dans le fond, cette inflation, car vous obtenez ainsi ce que vous tentez de faire depuis cinq ans : parvenir à une diminution des salaires réels de la population.
Par ailleurs, vous nous présentez ici la facture de vos propres erreurs. La loi El Khomri, par exemple, puis les ordonnances Pénicaud ont retiré aux branches le pouvoir de négocier dans toute une série de domaines : je pense notamment au temps de travail. Plutôt que de rétablir leurs prérogatives, vous les liquidez administrativement. Plutôt que de placer sous conditions les 66 milliards d’euros annuels d’exonérations de cotisations sociales, qui coûtent 1 000 euros à chaque habitant du pays, vous allumez un cierge, en espérant que le patronat négocie. On s’étonne, finalement, que vous n’ayez pas encore proposé de transformer l’ensemble des travailleuses et travailleurs du pays en chauffeurs Uber, ce qui est un bon signe, puisque cela indique qu’Emmanuel Macron se tient à distance du travail parlementaire.
Enfin, vous nous présentez, en prime, la facture de vos renoncements climatiques : les projets d’énergies renouvelables sont gelés dans le pays, vous êtes à 20 % en dessous de nos engagements dans le mix énergétique français et nous sommes le seul pays européen à ne pas tenir ses engagements en matière de renouvelables. Vous venez avec votre texte, comme si de rien n’était, nous expliquer qu’on rouvre les centrales à charbon et qu’on accroît les capacités d’importation de gaz naturel liquéfié. L’heure est pourtant à la bifurcation écologique et au développement des énergies renouvelables, à la sobriété et à de véritables plans de rénovation thermique du bâti.
Le recyclage, c’est effectivement écologique, sauf lorsqu’il s’agit de vos vieilles solutions. Il est donc absurde d’intituler ce projet « protection du pouvoir d’achat ». Les mots sont justes mais il faut les séparer : protection, bien sûr, mais de certains grands intérêts ; pouvoir, oui, celui de l’Élysée ; achat, également, mais uniquement de la paix sociale pendant quelques semaines. Il était pourtant envisageable de conférer à ce texte un intitulé qui soit honnête, clair et peut-être plus lisible, il aurait suffi de le baptiser « projet de diminution du pouvoir d’achat de l’ensemble de nos compatriotes ».
M. Stéphane Viry (LR). Ce projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat soulève plusieurs interrogations. Quelles réponses apporte-t-il aux attentes de nos concitoyens ? Quel message adresse-t-on, à travers lui, aux Françaises et aux Français ? Les mesures prises ne doivent pas apparaître trop techniques, technocratiques et éloignées de leurs préoccupations. Le constat est simple : les Français perdent depuis plusieurs mois, du fait de l’inflation, une part importante de leur capacité à vivre, de leur pouvoir d’achat. L’objectif de ce texte est d’éteindre un incendie provoqué par de mauvaises décisions. Entre juin 2021 et juin 2022, notre pays a connu une inflation de l’ordre de 5,8 % – du jamais vu depuis quarante ans. Ce sont donc deux textes étudiés simultanément à l’Assemblée nationale qui vont tenter d’améliorer, de corriger, de redresser le pouvoir d’achat des Français : ce projet de loi et le PLFR 2022.
En tout état de cause, l’appauvrissement de nos compatriotes nous impose de prendre des mesures fortes et ce, dès que possible. La baisse de 1,5 % du pouvoir d’achat au premier trimestre de 2022 démontre cette urgence. Si l’on ne réagit pas, l’inflation atteindra 7 % à la fin de l’année. Les données économiques ne sont pas très bonnes, la croissance qui était annoncée n’est en réalité qu’un faible sursaut alors que l’inflation semble avoir été minimisée par les autorités gouvernementales. On aurait pu espérer une baisse significative des taxes, notamment sur les carburants. Seuls les chèques semblent apporter une réponse, très coûteuse, à la perte de pouvoir d’achat. Que faire alors des taxes, des taxes sur les taxes, de la pression fiscale, devenue insoutenable pour certains ménages ? Résoudre les problèmes, oui, les déplacer, non. Le groupe Les Républicains, qui est responsable et force de propositions sur ce texte, défendra bien entendu des amendements, pratiques, de bon sens, qui viseront à améliorer la condition de vie des Français.
Toutefois, arrêtons de nous voiler la face en proposant des chèques qui oublient trop souvent les classes moyennes. Les Français paient des taxes à l’État, et l’État leur verse des chèques avec lesquels ils vont payer de nouvelles taxes : c’est un serpent qui se mord la queue. Ces mesures bancales et temporaires n’aboutissent pas à des solutions pérennes. Nous proposons des mesures concrètes qui permettraient par exemple de baisser la taxe sur les carburants. Le prix de l’essence est devenu insoutenable pour de nombreux foyers. Nous réclamons – en l’assumant très clairement – une forte baisse des taxes sur les carburants qui profiterait à tous de manière indifférenciée et qui permettrait de faire baisser le prix du carburant à la pompe pour qu’il ne dépasse pas 1,50 euro du litre. Nous proposons pour cela de supprimer la TVA sur la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui est effectivement une taxe sur la taxe totalement injuste.
Par ailleurs, nous appelons de nos voeux une baisse de la TICPE. Ce serait une mesure de justice fiscale, dans la mesure où les habitants des zones rurales, lourdement pénalisés par la flambée des prix à la pompe, ont perdu 1 point de pouvoir d’achat supplémentaire par rapport aux habitants des zones urbaines.
Nous assumons tout autant la volonté de mieux rémunérer le travail afin de faire en sorte qu’il apporte plus que l’assistanat. Pour ce faire, il faut défiscaliser totalement les heures supplémentaires afin d’augmenter le salaire net. Nous n’oublions pas les retraités, qui ont souffert en 2018 de la hausse de la CSG. Si le Gouvernement a annulé la hausse de la CSG pour les retraités les plus modestes, 8 millions de pensionnés continuent à subir cette hausse. Enfin, nous reviendrons dans les débats sur la déconjugalisation de l’allocation adulte handicapé.
Mes chers collègues, ce qui compte, c’est le net sur le bulletin de salaire, c’est le durable et pas des mesures éventuelles ou des primes hypothétiques de temps à autre, c’est le prix des énergies, du carburant, ce qui compte c’est de baisser la pression fiscale, les contributions, les taxes, pour laisser l’argent aux Français, ce qui compte, c’est d’adopter des mesures claires, simples et efficaces. Or, en l’état, j’ai le sentiment, à lire le projet de loi, que les mesures sont un peu trop technocratiques et illisibles pour les Français.
M. Nicolas Turquois (Dem). Cette XVIe législature débute dans un contexte économique très particulier. Notre pays fait face à une inflation galopante qui affecte le pouvoir d’achat, le quotidien de nos compatriotes. Après des décennies d’une hausse des prix quasi nulle, et maîtrisée, la reprise économique post-pandémie a engendré de fortes tensions d’approvisionnement sur de nombreux produits, puis la guerre en Ukraine a fini de déstabiliser le marché mondial de l’offre et de la demande, notamment des matières premières et de l’énergie. Si des mesures de protection efficace ont immédiatement été prises dès la fin de l’année dernière, notamment sur les prix du gaz et de l’électricité, le pic inflationniste est désormais atteint, et il nous faut agir vite et fort pour en limiter les effets. C’est l’objet du texte qui nous réunit aujourd’hui.
Pour permettre aux Français de gagner plus chaque mois, il contient des mesures qui encouragent le travail sans oublier les plus précaires. À ce titre, la revalorisation de l’ensemble des droits et prestations sociales de 4 % est un signal de justice sociale et d’équité important. Notre groupe se réjouit que les allocations familiales soient revalorisées dès à présent, tout comme les pensions de base de retraite. Toutefois, nous souhaitons interroger le Gouvernement sur l’effet de bord que pourrait constituer une augmentation des taux de CSG frappant certains retraités du fait de cette revalorisation. Il serait en effet contreproductif de reprendre d’une main ce que l’État donne de l’autre.
Le groupe Démocrate (MoDem et Indépendants) salue également les dispositions de l’article 3, qui simplifient considérablement la mise en oeuvre des plans d’intéressement dans les petites et moyennes entreprises. Cette mesure, que notre famille politique porte depuis la dernière législature, doit permettre de mieux partager la valeur produite et de mieux impliquer les salariés dans la réussite des entreprises. Cela s’articule de manière cohérente avec le relèvement des plafonds de la prime de pouvoir d’achat. Sur ce sujet, notre groupe proposera de permettre aux entreprises qui le souhaitent de compléter leurs versements au cours de l’année civile par un nouvel accord, dans la limite des plafonds imposés.
Par ailleurs, les membres de notre groupe, comme la plupart d’entre nous, défendront la déconjugalisation de l’AAH, conformément aux annonces de la Première ministre. Si d’importantes divergences ont été exprimées sur cette question, il s’agit d’une attente forte qui ne peut être occultée. Notre groupe veillera cependant à ce que cette réforme ne fasse aucun perdant.
En outre, nous examinons le projet de loi dans un contexte de crise énergétique d’une ampleur exceptionnelle. Tandis que les dépenses en énergie représentent près de 12 % de la consommation des ménages et ne cessent d’augmenter, la défense de notre sécurité d’approvisionnement énergétique est la priorité, la condition sine qua non préalable à toute autre mesure. Il nous paraît important de rappeler que les dispositions exceptionnelles présentées dans ce texte sont avant tout des réponses à un contexte international subi. Exemple très concret qui animera sans nul doute nos débats : la possibilité de rouvrir une centrale à charbon. Non, nous ne nous réjouissons vraiment pas de ce scénario ; nous le déplorons, même. Cela étant, nous considérons que nous devons nous prémunir contre toute éventualité, notamment celle d’un black-out en France cet hiver, dont les conséquences humaines et économiques seraient catastrophiques.
Il est de notre responsabilité de prévoir que le cadre légal en vigueur permette à une installation ayant une capacité de production équivalente à deux tiers d’un réacteur nucléaire d’être remise en fonction temporairement et sous condition de compensation carbone, en cas de grave danger sur notre sécurité d’approvisionnement. Sur ce sujet, nous souhaiterions, madame la ministre, que vous réaffirmiez devant nous que cette mesure ne modifie en rien nos objectifs de réduction de gaz à effet de serre globaux ni notre trajectoire de sortie du charbon. Avez-vous des éléments concrets et chiffrés sur la potentielle réouverture de la centrale à charbon au regard de nos besoins énergétiques ? Enfin, nous considérons que des points de contrôle devront être régulièrement établis pour quantifier et planifier nos objectifs. C’est également pour ces raisons que nous serons favorables aux dispositions relatives à l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique. Le Gouvernement doit pouvoir disposer des outils nécessaires pour éviter au maximum la déstabilisation des marchés de l’énergie.
Dans un contexte économique et politique inédit, il nous appartient à nous, députés de la nation, de trouver les voies et moyens du dialogue et de l’écoute réciproque pour parvenir à l’ambition qui anime, je le crois, chacun d’entre nous. Protéger, améliorer la vie des Français, cela doit se faire dans un climat de sérénité mais aussi de responsabilité budgétaire : nous y serons vigilants.
M. Gérard Leseul (SOC). Je regrette les mauvaises conditions d’examen de ce texte, que nous étudions simultanément dans trois commissions, avec un délai de moins de quarante-huit heures pour rédiger les amendements, alors même que le Gouvernement élabore ce projet depuis plusieurs semaines. Cela augure très mal de la nouvelle méthode annoncée par la Première ministre. Ce premier texte de la législature concerne le pouvoir d’achat, ou plutôt, devrais-je dire, est supposé en traiter, car il nous est finalement présenté un projet de loi un peu fourre-tout, principalement composé de mesures relatives au domaine énergétique, avec quelques dispositions d’ordre économique, mais qui ne traite pas au fond du pouvoir d’achat global de nos concitoyens.
Pour protéger le pouvoir d’achat, vous consacrez une vision court-termiste qui se cantonne finalement à trois types de solutions largement insuffisantes : la sous-indexation des prestations sociales des bénéficiaires, la baisse des cotisations sociales et l’incitation à verser des primes aux salariés par les entreprises. Les trois premiers articles creusent délibérément le trou de la sécurité sociale, sur lequel le Gouvernement pourra ensuite s’appuyer pour justifier la baisse des droits sociaux et notamment la réforme des retraites. L’article 1er prévoit un triplement du plafond de la prime Macron et l’exonération de prélèvements sociaux dans la plupart des cas. L’article 2 instaure de nouvelles exonérations de cotisations pour les indépendants, dont la compensation par l’État à la sécurité sociale n’est pas prévue. L’article 3 comprend des mesures visant à la généralisation de l’intéressement, un dispositif qui échappe à la plupart des prélèvements sociaux par l’employeur. Pour l’ensemble des comptes sociaux, c’est une perte massive.
Votre texte ne propose pas de solutions de long terme mais des mesurettes qui conduisent en définitive à abîmer notre modèle social et à faire reposer l’effort sur les Françaises et les Français, qui verront en réalité leur pouvoir d’achat s’éroder, notre modèle social détricoté et aucune augmentation réelle de salaire dans la durée. C’est pourquoi, à gauche, nous avons travaillé sur une contre-proposition de loi visant à augmenter le traitement des fonctionnaires de 10 %, indexer les pensions de retraite sur l’inflation, revaloriser l’allocation de rentrée scolaire et les aides pour le logement, déconjugaliser l’AAH, encadrer les loyers et bloquer temporairement les prix d’un ensemble de biens de première nécessité. Toutes ces mesures contribueraient dès la rentrée à l’institution d’un réel bouclier protégeant le pouvoir d’achat de tous les Français.
Dans nos territoires périurbains et ruraux, dans nos campagnes, nombre de nos concitoyens se trouvent en difficulté, voire en très grande difficulté, pour joindre les deux bouts. À plus de 2 euros le litre de carburant, le problème du déplacement est encore plus crucial qu’hier, plus onéreux pour les Français, alors que, dans le même temps, une entreprise comme Total a largement bénéficié de cette situation en engrangeant près de 16 milliards d’euros de bénéfices, et déjà plus de 5 milliards sur le premier semestre de 2022. C’est pourquoi nous sommes favorables à un blocage temporaire des prix du carburant ainsi que des biens de première nécessité, qui représentent des dépenses contraintes pour nos concitoyens, qu’il s’agisse des aliments de base, des produits d’hygiène, etc.
Nous proposerons également une baisse de la TVA sur les billets de transport en commun et de train. Il faudra augmenter les investissements structurels dans ces secteurs et renforcer les petites lignes, trop longtemps délaissées.
Mesdames et messieurs les ministres, nous sommes opposés, philosophiquement et donc politiquement, à votre vision de la société telle qu’elle s’exprime dans ce texte. La rémunération du travail, ce ne sont pas des primes, c’est au contraire du salaire brut et du salaire net à la fin du mois. Vos primes font l’impasse sur les cotisations sociales, alors que nous avons besoin de ces dernières pour renforcer notre protection sociale, nos retraites ou encore l’hôpital public, qui a besoin d’un grand plan d’investissement, le plus rapidement possible. La revalorisation des salaires nous paraît une réponse urgente à apporter face au malaise qui traverse notre société. Des richesses existent, mais elles sont très inégalement réparties : le CAC 40 a dégagé près de 160 milliards de bénéfices en 2021 et versé 60 milliards de dividendes, tandis que l’épargne covid est estimée à 175 milliards d’euros. Comment dire, dans ces conditions, que nous ne pouvons pas revaloriser le travail, et notamment le SMIC ?
M. Thierry Benoit (HOR). Nous voici rassemblés ce soir pour examiner le projet de loi « portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat ». On aurait pu aussi bien écrire « portant mesures d’urgence en faveur du reste à vivre », parce que, pour un certain nombre de nos concitoyens, il s’agit bien de cela. Je souhaite au Gouvernement de connaître, avec ce texte, un succès identique à celui que lui ont valu les mesures de soutien aux activités économiques au moment de la crise sanitaire. Je rappelle que le fonds de solidarité, l’activité partielle, le report de charges, les prêts garantis par l’État ont permis de traverser cette crise, avec 850 000 emplois créés en 2021, une baisse d’impôts qui a été malgré tout significative, puisqu’elle a excédé 20 milliards d’euros, et un taux de chômage qui oscille autour de 7 %. Dans le bassin d’emploi où je vis, à Fougères, nous avons un taux de chômage de 4,5 % ; il oscille, dans mon département, entre 3 % et 7 %, ce qui signifie que les mesures qui ont été prises vont dans le bon sens.
Il faut évaluer qui sont les gagnants et les perdants de la crise. Nous le savons tous, il n’y a pas eu que des perdants. Les banques, certaines compagnies d’assurances, la distribution et les centrales internationales de services, les fabricants de médicaments, la logistique internationale et les entreprises gestionnaires de porte-conteneurs, celles du secteur de l’énergie pourraient peut-être alimenter un fonds d’aide spécifique au pouvoir d’achat ?
Ensuite, en phase de reconstruction, dans l’après-crise, il faut se focaliser sur le travail. Des heures supplémentaires défiscalisées, dans leur format de 2007, pourraient constituer une mesure précieuse de soutien au pouvoir d’achat des salariés – ils pouvaient toucher 100 à 200 euros d’heures supplémentaires défiscalisées avec un salaire de 1 300 à 1 500 euros par mois.
Quand on travaille, il faut pouvoir se déplacer. Le projet de loi comprend différentes mesures, l’une d’elles concernant les trajets domicile-travail. À titre personnel, j’aurais préféré un dispositif similaire à celui qui existait avec la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) flottante : une TICPE flottante, plus lisible pour une bonne partie de nos concitoyens.
Notre pays n’échappera pas à un débat sur la TVA, que l’on peut appeler sociale, ou antidélocalisation : il faut y réfléchir concernant les produits de première nécessité – alimentation, hygiène et carburant lorsqu’il s’agit d’aller au travail.
Les mesures concernant le logement vont dans le bon sens avec l’augmentation des APL et l’encadrement de l’augmentation des loyers à 3,5 %.
S’agissant des retraites, la revalorisation généralisée de 4 % me semble prolonger les inéquités actuelles. Il faudrait profiter du projet de loi pour donner un coup de pouce sérieux aux très petites retraites.
Enfin, nous soutiendrons la déconjugalisation de AAH : il s’agit d’en faire une prestation universelle dont le montant ne sera plus tributaire des revenus du conjoint.
Mme Sandrine Rousseau (Écolo-NUPES). Dans l’hémicycle, mais aussi en commission, vous avez vanté votre nouvelle méthode de gouvernement et la concertation. Force est de constater que le compte n’y est pas pour ce premier projet de loi : le texte a été déposé en un temps record, nous devons l’étudier en un temps record et dans un nombre de commissions record. Nous n’avons donc pas le temps d’auditionner les acteurs, notamment les organisations non gouvernementales environnementales, alors que certaines dispositions du projet de loi touchent à l’écologie.
En outre, la plupart de nos amendements ont été déclarés irrecevables. Il sera donc impossible de les étudier en commission et il nous faudra nous contenter des amendements les moins ambitieux !
Vous prétendez qu’il s’agit d’un projet de loi d’urgence pour le pouvoir d’achat, mais il ne répond en rien à l’urgence ou au pouvoir d’achat. Pire, il est écocidaire alors que nous traversons une canicule exceptionnelle et que plus personne ne nie le caractère dramatique de la situation écologique, surtout pas le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) qui nous invite à agir radicalement, et de toute urgence.
Pour vous, le pouvoir d’achat, ce sont des primes et l’intéressement, alors que seule une hausse des salaires permettrait à tous nos concitoyens de sortir durablement de la pauvreté. Avec vos propositions, l’amélioration de la situation des salariés dépendra de celle des entreprises ou de la capacité de ces derniers à négocier au sein des branches. Ce n’est pas à la hauteur de l’enjeu !
Vous augmentez les minima sociaux de 4 % alors que l’inflation est à 6 %. Les 5 euros des APL vous ont poursuivis tout au long de la précédente législature. Désormais, on vous reprochera les 2 % manquants ! Après le vote de votre projet de loi, nos concitoyens – et particulièrement les personnes percevant les minima sociaux – seront plus pauvres qu’elles ne l’étaient avant la hausse de l’inflation. Bravo !
L’individualisation de l’AAH pourrait faire l’objet d’un amendement. Certes, mais combien de mobilisations et d’alertes aura-t-il fallu pour que vous changiez d’avis ? Combien d’élections pour que vous envisagiez avoir fait une erreur ?
L’énergie la moins chère est celle que nous ne consommons pas. En France, 4,8 millions de logements sont des passoires thermiques – classées F et G par le diagnostic de performance énergétique (DPE) – ce qui représente 17 % du parc de logements. Pourtant, le projet de loi prévoit-il d’accélérer la rénovation obligatoire de ces logements ? Non. Prévoit-il un reste à charge nul pour les propriétaires de ces logements ? Non. Va-t-on obliger les propriétaires bailleurs à faire ces travaux dans des délais restreints ? Non. Tout cela permettrait de diminuer la facture énergétique dès l’hiver prochain.
Que faites-vous pour réduire la dépendance aux énergies fossiles, après vos beaux discours dans l’hémicycle ? Rien. Que faites-vous en faveur d’un forfait mobilités durables obligatoire dans toutes les entreprises ? Rien, pas plus que vous n’annoncez de baisse de la TVA dans les transports en commun, dont on sait pourtant qu’ils sont une alternative crédible.
Sur les loyers, vous présentez votre mesure comme un compromis entre les intérêts des locataires et ceux des propriétaires, en niant totalement le rapport inégalitaire entre les deux acteurs. Pour les 20 % les plus pauvres de nos concitoyens, le loyer consomme 26 % du budget mensuel, et c’est une dépense contrainte.
Enfin, je le répète, ce projet de loi est écocidaire : votre terminal méthanier flottant ne sera opérationnel qu’en 2023 et on rouvre des centrales à charbon !
M. le président Guillaume Kasbarian. Nous avons l’habitude de débattre calmement en commission, et de respecter les durées de parole annoncées.
En outre, vous ne pouvez mettre incessamment en cause les présidences de commission. Les règles d’irrecevabilité des amendements sont les mêmes pour tous les groupes. Ce n’est pas un choix politique, mais l’application du droit, en l’occurrence de la Constitution. Si un amendement est déposé dans une commission qui n’examine pas l’article auquel il est rattaché, s’il crée des dépenses – article 40 de la Constitution –, s’il est cavalier et relève à ce titre de l’article 45 de la Constitution, les présidents de commission, quelle que soit leur étiquette politique, doivent prononcer l’irrecevabilité.
D’ailleurs, tous les groupes d’opposition ne s’amusent pas à remettre systématiquement en cause ces décisions. Ainsi, Les Républicains n’ont pas jugé bon de nous reprocher l’utilisation de l’article 45. Pourtant, j’ai censuré certains de leurs amendements
– comme ceux relatifs au démarchage téléphonique intempestif.
M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Sur la forme, on prend les mêmes méthodes et on recommence : vous faites l’impasse sur le Parlement, avec des délais contraints qui en disent long sur le respect que vous avez pour nous.
Sur la forme, toujours, je salue les ministres présents, mais regrette l’absence du vice-Premier ministre qui passe son temps dans les médias et aurait été bien inspiré de venir écouter les propositions formulées par l’opposition pour améliorer le pouvoir d’achat de nos concitoyens.
Votre projet de loi, pipeauté, ne fait pas la maille, comme on dit chez moi. Vous faites l’impasse sur l’inflation, refusant de bloquer les prix, refusant de vous doter des outils qui permettraient réellement de lutter contre elle. Vous nous présentez un texte fourre-tout, qui masque mal vos turpitudes. Il illustre votre incapacité à avoir mis en oeuvre une politique énergétique publique, globale et cohérente, durant le précédent mandat.
Vous faites l’impasse sur les salaires et les retraites, mais c’est idéologique. Peut-être même avez-vous de l’urticaire lorsque vous en entendez parler. Vous préférez câliner la finance, plutôt que la France qui travaille. Vous faites de l’esbroufe, la prime Macron en étant l’illustration. Pourtant, vous devriez savoir que, pour parler aux tripes des Français, encore faut-il leur remplir le ventre.
Votre projet de loi sera au pouvoir d’achat ce qu’Uber est aux taxis. Vous distribuez des « chèquounets », de rattrapage, qui ne feront que prolonger la précarité dont vous êtes les experts. Au cours de la précédente législature, il a dû vous échapper que l’argent ruisselle sur le CAC 40, comme jamais, mais que, pour la France qui travaille, les fins du mois ressemblent cruellement aux débuts. Vous avez du mal à percevoir la valeur du travail…
Pourquoi voit-on fleurir des grèves et des revendications légitimes ? Car l’inflation pose, à nouveau, la question du niveau des salaires. Le ministre Le Maire, absent, déclare que la pénurie de main-d’oeuvre est un problème crucial. Mais vous ne pouvez pas, comme lui, fermer les yeux et tourner les talons quand il s’agit de relancer l’attractivité de certains métiers par le biais des salaires.
Je ne parlerai même pas des retraites, et des retraités modestes, oubliés de votre projet de loi. Vous vivez dans un monde virtuel : le triplement de la prime Macron est virtuel et l’on est à peu près aussi sûr que cela arrive que de constater une apparition divine ! Vous êtes des virtuoses du virtuel. Ainsi, le meilleur ami d’Uber n’avait-il pas déclaré au sommet du G7 vouloir faire la guerre aux profiteurs de guerre ? Une fois arrivé à l’Élysée, il a oublié ce qu’il avait dit la veille. Vous êtes des virtuoses du virtuel à une exception près : quand il s’est agi d’alléger la fiscalité des plus riches lors de votre précédent mandat, la question était réglée en moins de quinze jours.
Le Président des riches, le président de l’Uber-République, le Président de la République des consultants, de la République des milliardaires, ne sera décidément pas celui du pouvoir d’achat. Vous prenez soin des sociétés anonymes, mais vous renoncez à prendre soin des gens.
Nous avons déposé des propositions auxquelles nous avons réfléchi ensemble, afin de prendre en compte ce que nos concitoyens nous ont dit durant la campagne électorale. Ceux qui ont bossé toute leur vie, et qui ont une retraite modeste, attendent des mesures concrètes. Ceux qui se lèvent le matin pour faire tourner l’usine, ceux qui travaillent dans les métiers du lien et ont été au charbon durant la crise sanitaire attendent des mesures sonnantes et trébuchantes. Les étudiants précaires, dont on a tant parlé lors de la crise du covid, attendent, eux aussi, des mesures efficaces.
Votre réaction actuelle face à l’inflation et à la crise du pouvoir d’achat me fait penser à votre incapacité à résoudre les maux de l’hôpital : nous avions crié au loup, dénoncé l’état de délabrement de l’hôpital. Vous nous aviez répondu « on sait, on sait » et, vous aviez raison, on sait dans quel état se trouve l’hôpital à la veille de l’été…
Vous refusez le choc de pouvoir d’achat que nous vous proposons ; je vous invite à faire attention au choc social que cela pourrait générer.
M. Paul-André Colombani (LIOT). Dans l’Hexagone, en Corse, dans les outre-mer, votre projet de loi sur le pouvoir d’achat était urgemment attendu. Les difficultés vécues au quotidien par nos concitoyens s’aggravent, et dans certains territoires, la colère monte. Répondre à ces souffrances doit être notre priorité absolue.
Nous déplorons la méthode – elle devait changer. Vous parlez de concertation et de dialogue ; pourtant, ce premier débat en commission commence mal puisque des dizaines d’amendements ont été jugés irrecevables. Nos amendements sur la cherté de l’essence et la revalorisation des retraites, qui touchent directement et spécifiquement au pouvoir d’achat des Corses, ont été déclarés irrecevables alors qu’il s’agissait simplement, pour certains, de demandes de rapport. Nous attendions plus d’écoute et de considération pour nos territoires.
Aucun article ne s’attaque concrètement aux très fortes inégalités sociales et territoriales. Aucun article n’est adapté aux spécificités des territoires les plus en difficulté – territoires ruraux, insulaires ou ultramarins. Notre groupe plaide pour des dispositifs renforcés dans ces territoires, déjà confrontés à une situation structurelle dramatique en termes de cherté de la vie.
En outre, les dispositifs sont sous-calibrés et insuffisamment ciblés sur les populations les plus en difficulté – travailleurs modestes, jeunes, étudiants, personnes en situation de grande précarité. Il faut rapidement prendre la mesure de l’ampleur d’une crise qui va s’inscrire dans la durée.
Bien sûr, il faut revaloriser les retraites et les prestations sociales. Mais 4 %, c’est en deçà de l’inflation attendue, à presque 7 % à la fin de l’année. De plus, comment comptez-vous compenser ces revalorisations pour les collectivités territoriales ? Si la revalorisation des bourses étudiantes et des APL va aussi dans le bon sens, pourquoi ne pas les indexer sur l’inflation ?
Quant au plafonnement à 3,5 % de la hausse des loyers, il est insuffisant et ne protège pas assez les locataires.
Pour les plus vulnérables, les personnes en situation de handicap, nous nous battons depuis des années pour individualiser le calcul de l’AAH. C’est une mesure de justice sociale et d’autonomie. Je me réjouis que le travail de notre collègue Jeanine Dubié aboutisse enfin.
Pour conclure, la question du pouvoir d’achat est indissociable de celle des salaires. Les primes sont intéressantes, mais elles doivent demeurer ponctuelles car elles ne sont pas créatrices de droits sociaux. La prolongation de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA) n’est pas sans risque. Elle pourrait désinciter les entreprises à augmenter les salaires ou à mettre en place de véritables dispositifs d’intéressement.
S’agissant de souveraineté énergétique, nous sommes évidemment favorables aux mesures visant à accroître nos stocks de gaz. Mais comment comptez-vous accompagner les opérateurs des infrastructures ? Nous sommes en revanche opposés au rehaussement du volume de l’ARENH car cette décision vient fragiliser encore davantage les finances d’EDF. Pourriez-vous nous éclairer sur votre proposition de réorganisation du groupe ? Y aura-t-il un projet Hercule 2 ? Le capital sera-t-il détenu à 100 % par l’État ? Cela ne résout en rien le problème de sous-rémunération subi par EDF.
Ces mesures suffiront-elles à préserver le pouvoir d’achat des ménages ? Le doute est permis sans perspective crédible et juste pour les finances publiques. Il est donc urgent de trouver de nouvelles sources de financement, comme la contribution des grands groupes du numérique ou de l’énergie, afin que nos concitoyens ne paient pas l’addition.
Mme la présidente Fadila Khattabi. Dix-sept députés ont demandé à intervenir. Il est vingt-trois heures treize. Nous avons la chance de pouvoir entendre les réponses de quatre ministres. Mes chers collègues, je vais donc vous demander de bien vouloir être très concis et de poser directement vos questions, afin que les ministres aient le temps de vous répondre. Je vous propose d’intervenir chacun pour une minute. (Protestations).
M. Didier Martin. C’est une enveloppe de 20 milliards d’euros que le Gouvernement débloque pour améliorer la vie quotidienne des Français, n’en déplaise aux prophètes de la morosité et de la dépression. Étudiants, retraités, salariés, ces mesures vont leur permettre de mieux faire face à leurs dépenses quotidiennes.
Parmi elles figure à l’article 1er la création d’une prime sans impôt et sans charge, au bénéfice des salariés, quand la situation de leur entreprise le permet. Cette prime de partage de la valeur s’inscrit dans le prolongement des PEPA, dites « primes Macron », mises en place par le Gouvernement durant le précédent quinquennat, qui ont déjà eu un impact non négligeable sur le pouvoir d’achat. Ce sont plus de 8 milliards d’euros qui ont été versés depuis 2018, avec un montant moyen de 542 euros par bénéficiaire. Plus de 25 % des salariés percevant moins de trois SMIC mensuels ont reçu une prime exceptionnelle.
Le Gouvernement entend désormais aller plus loin en modifiant à la fois les modalités d’attribution et le montant de la prime obtenue. Sachant que l’INSEE…
Mme la présidente Fadila Khattabi. Votre question, monsieur le député !
M. Didier Martin. Nous préparons des interventions de deux minutes, et non d’une, madame la présidente… L’INSEE a mis en évidence un effet d’aubaine avec la PEPA. Quelles évaluations avez-vous prévues, en amont comme en aval, pour vous assurer que le versement de la nouvelle prime ne viendra pas se substituer à d’autres dispositifs, comme l’intéressement ou la participation ? Cette prime ne va-t-elle pas avoir des conséquences sur les augmentations pérennes de salaire ?
M. Jean-Hugues Ratenon. Je vais centrer mon intervention sur les outre-mer, même si la situation s’aggrave partout en France. Les mauvais coups portés par le Gouvernement ont provoqué son rejet massif lors des dernières élections présidentielle et législatives dans les outre-mer. C’est peut-être pour nous punir de ne pas avoir bien voté que vous avez supprimé un ministère des outre-mer de plein exercice, pour le remplacer par une tutelle…
Alors que la fortune des milliardaires français a quasiment doublé pendant la crise, augmentant de 230 milliards d’euros, aujourd’hui même, l’INSEE révèle qu’à La Réunion, trois individus sur dix sont touchés par deux formes de pauvreté : la pauvreté monétaire et la privation matérielle. Ainsi, 14 % de la population – personnes âgées, enfants, familles entières – sont concernés par une pauvreté sévère. Six personnes sur dix doivent s’endetter pour vivre, c’est grave ! Le cumul des pauvretés est cinq fois plus fréquent à La Réunion qu’en France hexagonale. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : l’inflation et des revenus inadaptés continuent d’aggraver une situation quasi-identique dans tous les outre-mer.
En réponse, votre texte est beaucoup trop timide et le compte n’y est pas. C’est pourquoi nous proposons un SMIC à 1 500 euros, plaidons pour qu’aucune personne âgée ne vive en dessous du seuil de pauvreté – 1 100 euros par mois – et refusons que les retraites soient inférieures au SMIC. Il faut une TVA à 0 % sur les produits de consommation courante et il faut bloquer les prix. Ce sont quelques mesures de bon sens. Est-ce trop demander ? Réagissez ! En l’état, votre texte abandonne trop de gens, et plus encore les outre-mer.
Mme la présidente Fadila Khattabi. Je ne vois pas quelle est la question. (Protestations des députés NUPES)
M. Julien Dive. Madame la ministre de la transition énergétique, pour faire face aux besoins énergétiques, vous avez évoqué la centrale à charbon de Saint-Avold. Je reprends vos termes : la fermeture a été retardée de quelques mois.
L’article 15 du projet de loi vise justement les centrales à charbon. À Saint-Avold, les personnels font l’objet d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) depuis le mois de mars et l’article autorise le renouvellement de contrats à durée déterminée (CDD) ou contrats de mission dans la limite d’une durée de trente-six mois. Cela signifie-t-il que vous envisagez une fermeture de la centrale dans trente-six mois ? Les salariés, comme nous, avons besoin de visibilité.
Mme Marie-Noëlle Battistel. Face à la situation géopolitique, à la hausse exponentielle des prix de l’énergie et aux menaces sur notre approvisionnement, il faut agir, mais nous avons aussi la responsabilité de veiller à maintenir le cap, prioritaire, de la réduction des gaz à effet de serre. Nous y veillerons.
Il convient de protéger le pouvoir d’achat des ménages face à la hausse des prix de l’électricité. Mais, en relevant le plafond de l’ARENH, dispositif spoliateur, au bénéfice de fournisseurs alternatifs et d’énergéticiens qui n’en avaient pas tous besoin, vous pénalisez EDF au moment où l’entreprise doit massivement investir dans les énergies renouvelables – la Cour des comptes vient d’ailleurs de s’en faire l’écho.
Un article du projet de loi vise à donner force de loi à ce qui ne devrait être qu’une mesure conjoncturelle et de nature réglementaire. Votre objectif est-il de soustraire à la justice administrative, saisie par les syndicats d’EDF, le décret du 11 mars 2022, définissant les modalités spécifiques d’attribution d’un volume additionnel d’électricité pouvant être alloué en 2022, à titre exceptionnel, dans le cadre de l’ARENH,? Nous proposerons la suppression de l’article.
M. Pierre Dharréville. À la lecture du projet de loi, on constate que le débat sur les salaires est clairement tabou. Vous faites tout pour ne surtout pas en parler. Aucune mesure ne concerne la rémunération contractuelle du travail par le salaire… Vous tentez de nous y habituer depuis cinq ans, mais nous ne parvenons pas à nous y habituer.
Il faut poser cette question. Notre économie en a besoin, ainsi que les femmes et les hommes qui travaillent. C’est également ce qui finance la sécurité sociale et crée des droits pour les salariés. Ma première question est donc simple : quand va-t-on parler de salaire ?
Ma seconde question porte sur les retraites. L’INSEE estime qu’entre 2003 et 2014, les retraites ont augmenté deux fois moins vite que le SMIC. Quand va-t-on parler de l’augmentation réelle des pensions de retraite ?
M. Thibault Bazin. Les citoyens des territoires éloignés des hypercentres des métropoles subissent davantage que les autres la hausse des coûts de l’énergie parce qu’ils ont besoin de leur voiture pour vivre et aller travailler. Vous refusez de baisser massivement les taxes sur les énergies. Pourtant, elles sont socialement et territorialement injustes.
Vous oubliez les classes moyennes puisque les foyers dont le revenu fiscal de référence est supérieur à 14 101 euros seront exclus du dispositif. Pire, vous envisagez une socialisation des coûts de l’énergie.
Les collectivités locales, notamment les petites communes, prennent également de plein fouet la hausse du coût de l’énergie. C’est aussi le cas des établissements médico-sociaux, comme cette maison de retraite de 120 lits dans ma circonscription, dont la facture énergétique a dépassé, dès fin avril 2022, le budget annuel prévu au contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens et à l’état des prévisions de recettes et de dépenses. Cela représente un dépassement de près de 1 000 euros par résident. Que prévoyez-vous pour accompagner les maisons de retraite, leurs salariés et leurs résidents, à l’heure où des investissements sont attendus pour les rénover ? Si la hausse du coût de l’énergie n’était pas compensée, cela viendrait les fragiliser dans leur capacité à relever le défi de la transition énergétique.
M. Arthur Delaporte. Votre projet de loi porte « mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat ». Mais, pour protéger le pouvoir d’achat, il faut prendre en compte l’inflation. Or, monsieur le ministre, vous prévoyez une revalorisation des pensions, des prestations et des minima sociaux de 4 %, inférieure à l’inflation. Vous avez évoqué 5,5 %, mais c’était 5,8 % en juin et ce sera probablement plus en juillet. Pouvez-vous nous confirmer que la revalorisation sera inférieure à l’inflation ? Dans ce cas, il s’agit d’une baisse du pouvoir d’achat et l’objectif poursuivi par votre projet de loi est contraire à son intitulé.
M. Adrien Quatennens. Si l’inflation atteint 7 % en septembre, la fonte sera de même proportion pour les salaires et les revenus. Pour une poignée de très riches, ce n’est pas un drame. Mais pour la grande masse des Français, cela rend la vie quotidienne impossible.
Je vais vous poser deux questions, et me permettre de vous souffler les réponses. D’où vient l’inflation ? Est-elle liée à la guerre en Ukraine, comme vous l’avez expliqué ? Non car elle préexistait. Elle est largement le fait de la spéculation. Ainsi, pendant que les Français paient leur carburant 2 euros le litre à la pompe et que leur plein leur coûte plus de 100 euros, Total réalise des bénéfices records et son président-directeur général vient de s’augmenter de 52 %.
Qui va payer l’inflation ? La vie des gens va-t-elle être la variable d’ajustement ? Devront-ils faire des choix dans les dépenses contraintes – se déplacer, bien manger ou offrir des loisirs à leurs enfants ? Où allez-vous enfin cibler la rente privée et les profiteurs de crise ? Nous avons la réponse : j’encourage tout le monde à lire – une fois n’est pas coutume – le numéro spécial consacré aux fortunes de France par Challenges. Leur patrimoine a doublé en un quinquennat. Ce n’est donc pas la crise pour tout le monde mais, bien sûr, vous n’allez pas cibler les plus riches car vous allez faire payer la grande masse des Français.
Contrairement à ce qu’affirme l’intitulé de votre projet de loi, il ne protège pas le pouvoir d’achat. Au contraire, il entérine sa baisse ! Quand il s’agit de faire des cadeaux aux plus riches et aux grandes entreprises, sans aucun effet, vous mettez le paquet. En revanche, quand il s’agit de revaloriser les revenus des ménages face à l’inflation, vous leur donnez des miettes ! En réalité, vous ne donnez rien ; vous anticipez des revalorisations déjà prévues et vous imaginez toutes les astuces possibles pour éviter d’augmenter les salaires.
Le peuple ne réclame pas des miettes pour survivre ; il réclame sa juste part du gâteau. C’est pourquoi nous proposons la hausse du SMIC à 1 500 euros, la revalorisation des minima sociaux au niveau du seuil de pauvreté et celle du point d’indice des fonctionnaires. Allez-vous continuer à y faire obstruction ?
M. Jean-Pierre Vigier. Le coût de l’inflation n’est pas le même pour tous. Les habitants des territoires ruraux subissent des surcoûts importants – carburant, dépenses d’énergie, entre autres – et perdent ainsi un point de pouvoir d’achat supplémentaire par rapport aux urbains. Ne faut-il pas, dans ce contexte, prendre des mesures ciblées ? Aider ceux qui souffrent davantage, dans les territoires fragiles, serait une mesure de justice sociale.
Les dispositions que contient ce texte sont très diverses, mais quelle attention spécifique apportez-vous aux habitants des territoires ruraux ?
M. Philippe Naillet. Si les difficultés sont grandes pour les populations de l’Hexagone, elles sont terribles dans les territoires ultramarins, plus particulièrement à La Réunion. Nous subissons la double peine, avec un coût de la vie supérieur de 7 % – les produits alimentaires sont plus chers de 25 % – et une population plus pauvre. Malheureusement, vous avez fait le choix de n’augmenter ni le SMIC ni les petites retraites.
Ma question sera simple : le Gouvernement compte-t-il agir de façon forte, dans les prochains jours, en bloquant les prix par un décret en Conseil d’État ?
Mme Aurélie Trouvé. Vous prenez les chiffres qui vous arrangent, en taisant la forte augmentation des inégalités de pouvoir d’achat, que l’OFCE a démontrée, et la chute de 1,9 % du pouvoir d’achat au premier trimestre 2022 – une baisse historique.
Mes questions portent sur la prime Macron, à laquelle sont opposés les 151 députés de la NUPES. Son versement étant au bon vouloir des entreprises, 16 % des salariés seulement la touchent, à des montants bien en deçà du plafond de défiscalisation. Comment le relèvement de celui-ci peut-il changer quoi que ce soit au montant moyen et au nombre de personnes concernées ? C’est du pur affichage !
En outre, l’exonération de cotisations sociales et d’impôts creusera encore les caisses de l’État et de la protection sociale. Vous aurez ensuite beau jeu de nous dire qu’il n’y a pas assez d’argent pour les retraites et qu’il faut travailler jusqu’à 65 ou 67 ans… Quelles sont les recettes qui permettront de compenser ces pertes ?
Cette prime, vous le savez, sert d’excuse aux patrons pour ne pas augmenter les salaires réels. C’est sans doute ce que vous recherchez vous-même puisque vous refusez obstinément la hausse du SMIC réel, et des salaires réels de manière générale. Ce seraient pourtant les seules mesures à même d’augmenter durablement les revenus, sans rogner sur les recettes publiques et alors que les marges des entreprises sont historiquement élevées !
M. Alexandre Vincendet. Vous prévoyez de revaloriser les APL et de plafonner les loyers mais vous ne traitez pas la question de l’accession à la propriété. Dans les métropoles, le prix de l’immobilier explose, avec la hausse des prix d’achat, l’augmentation des taux et des coûts de construction. Ne faudrait-il pas restaurer les APL accession, supprimées en 2018 ? Il faut savoir que les aides au logement locatif données à une personne qui reste dans le parc social, alors qu’elle pourrait devenir propriétaire, sont trois fois plus coûteuses. Cette mesure, qui pourrait concerner les zones les plus tendues et les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), favoriserait le parcours résidentiel.
Par ailleurs, la hausse des taux d’intérêt pourrait inciter le Gouvernement à restaurer la déduction fiscale des intérêts d’emprunt.
M. Elie Califer. L’urgence, en Guadeloupe, ce n’est plus le pouvoir d’achat mais le risque d’implosion. Allez-vous aider les entreprises qui n’arrivent pas à faire face à la hausse des prix et des salaires ?
Que comptez-vous faire pour les départements d’outre-mer qui doivent faire face à une file active impressionnante de bénéficiaires du RSA ?
Le temps n’est-il pas venu de contrôler le prix des produits pétroliers, dont seule la raffinerie SARA décide ?
M. Matthias Tavel. S’agissant de la souveraineté énergétique, votre projet de loi est l’aveu d’un triple échec. Échec du marché de l’énergie, d’abord. Pourquoi ne proposez-vous pas la fin de l’ARENH, un pillage organisé sur le dos des Français ? Pourquoi ne remettez-vous pas en cause le marché européen de l’énergie, qui est une source de gaspillage ? Si l’on en croit la méthode actuelle d’appels des centrales, il vaut mieux produire de l’électricité avec du charbon qu’avec du gaz. Pourquoi ne mettez-vous pas à contribution les profits des pétroliers, qui s’apparentent à un racket des Français ? Pourquoi vous entêtez-vous, pour sauver une entreprise que vous avez vous-même achevée, à recapitaliser EDF, alors qu’il faudrait la renationaliser pour défendre le service public ?
Échec de votre action climatique, ensuite. Pourquoi traitez-vous sans attendre des questions liées au GNL et au charbon alors que vous repoussez à la rentrée le projet de loi sur les énergies renouvelables ? Pourquoi n’y a-t-il rien, dans ce texte, sur la sobriété énergétique ? Pourquoi ne prévoyez-vous aucune mesure pour raccorder les unités de production d’énergie renouvelable – 7 gigawatts issus de l’éolien et du solaire ne sont toujours pas raccordés ?
Enfin, échec de votre zigzag en matière énergétique – qui pourrait bien se terminer en court-circuit. Vous allez rouvrir la centrale de Saint-Avold, en rembauchant des gens que vous aviez licenciés dans des conditions sociales dégradées, sans leur garantir un CDI et le statut des industries électriques et gazières. Pas de conversion durable : vous n’avez d’autre projet pour cette centrale que de relancer la production au charbon. Il en va de même pour Cordemais, dont vous annonciez la fermeture il y a quelques mois mais qui est encore en activité, grâce aux salariés. Nous en avons besoin aujourd’hui, mais nous attendons toujours de votre part un engagement sur la pérennité, qui ne serait pas liée au charbon, de ce site.
Mme Josiane Corneloup. Les ménages résidant en zone rurale, davantage dépendants de la voiture et dont les dépenses de carburant et d’énergie pour le logement augmentent, ressentent plus vivement la progression de l’inflation. Ce texte contient, pêle-mêle, diverses mesures de revalorisation, peu lisibles pour les Français. L’indemnité carburant ne prend pas du tout en compte la spécificité des territoires ruraux ; à nos yeux, le litre d’essence à 1,50 euro serait une mesure équitable, tant pour les citoyens que pour les chefs d’entreprise, qui souffrent aussi de la hausse des prix des carburants.
Il est par ailleurs nécessaire de créer les conditions d’une France plus prospère en valorisant le travail, plutôt que l’assistanat. C’est la raison pour laquelle je suis tout à fait favorable à la défiscalisation des heures supplémentaires.
Mme Danielle Simonnet. Pourquoi ne pas renommer ce projet de loi « pour la préservation de la rente » ? Car lorsque vous prétendez contenir la hausse des loyers à 3,5 %, vous l’encouragez, de fait ! Il faut savoir que 4 % des propriétaires possèdent 50 % des biens en location… Quelle indécence, quelle déconnexion, quel mépris de la réalité des urgences sociales en matière de logement ! Le loyer représente le premier poste de dépenses et pour beaucoup de locataires, la part des revenus qu’ils y consacrent, qui était de 10 % dans les années 1970, est de plus de 50 % aujourd’hui. De plus en plus de familles renoncent même à remplir le frigo. Voilà la situation dans laquelle nous sommes ! Quand cesserez-vous de considérer le logement comme un produit financier et respecterez-vous le droit de tous à un logement décent ?
Vous prévoyez d’augmenter de 3,5 % les APL en faisant croire que cela compensera la hausse des loyers. Comment pouvez-vous à ce point prendre les gens pour des abrutis ? On sait bien que tous les locataires ne perçoivent pas les APL et que, pour les allocataires, la hausse des aides ne permettra pas de couvrir l’augmentation des loyers !
Enfin, il faut, d’urgence, mettre un terme aux expulsions locatives !
M. Sébastien Delogu. Avec cette loi, les gens auront encore plus de mal à vivre – ou à survivre. Vous êtes très loin de mesurer l’urgence sociale du pays. Les Français ne peuvent plus faire le plein. Vous demandez à Total, qui se goinfre, un effort de 0,12 euro au litre, mais ce sont eux qui paient le reste de la facture, à la pompe ou avec leurs impôts. Pendant ce temps, les profiteurs de crise ne sont pas taxés. Vous parliez du ruissellement, il n’y a plus que les miettes !
La hausse des prix du carburant renforce de jour en jour le cercle vicieux que vous avez instauré. Les gens sont obligés de choisir : faire le plein ou remplir le frigo, réparer la voiture ou payer le centre aéré des enfants. Pour eux, c’est la double peine : tandis que vos amis les milliardaires accumulent les bénéfices, ils continuent de se casser le dos pour un salaire de misère – qui ne sera pas revalorisé –, qu’ils dépensent ensuite pour se rendre au travail. Les aides dont ils bénéficient viennent de leurs impôts – et pas des grands groupes. C’est une histoire de fou ! Pour résumer, vous nous faites payer ce qu’on vous coûte…
Monsieur le ministre, pourquoi n’abandonnez-vous pas votre costume pour partir vivre la vie des Françaises et des Français ? Vous les comprendrez enfin !
Mme Rachel Keke. Votre projet de loi prétend viser l’amélioration du pouvoir d’achat des Français, mais il est une insulte de plus à leur espoir d’améliorer le quotidien. Ce texte ignore complètement les besoins réels de la population. Celle-ci souffre, monsieur le ministre. Nous n’arrivons pas à finir le mois, nous n’arrivons même plus à acheter un carton de poulet pour nos enfants ! Est-ce que vous êtes humain ? Est-ce que vous savez que la vie est dure pour nous ?
L’augmentation du SMIC, c’est possible. Notre lutte, pendant vingt-deux mois, à l’hôtel Ibis des Batignolles a permis de changer les conditions de travail ; le salaire est passé de 1 600 à 2 000 euros. L’argent existe ! Vous pouvez le mettre à la disposition des gens qui souffrent, qui manifestent, qui crient, qui pleurent, qui souffrent !
M. William Martinet. Monsieur le ministre de la ville et du logement, l’un de vos prédécesseurs, Julien Denormandie, a marqué les esprits en 2017 avec une mesure dont nous nous souvenons tous : le coup de rabot de 5 euros sur les APL. Mesure injuste s’il en est, puisqu’elle a pénalisé les classes populaires et aggravé la pauvreté, alors que, dans le même temps, l’ISF était supprimé. M. Denormandie a donc marqué l’histoire politique et traîné cette mesure comme un boulet, jusqu’à la fin du quinquennat.
Il semble que, pour réaliser le même tour de force, vous ayez trouvé la mesure idoine : l’augmentation de 3,5 % de l’IRL, dans le parc social comme dans le parc privé. Si les propriétaires s’emparent de cette possibilité, cela coûtera en moyenne 300 euros par an aux locataires. Je vous dis « bravo » ! Comptez sur les députés de la NUPES pour vous rappeler cette mesure tout au long du quinquennat ; vous ne manquerez pas de la regretter !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet. Je voudrais vous interroger sur l’article 4 et les 1 500 000 personnes, dont beaucoup sont des femmes, qui travaillent dans des branches disposant de minima conventionnels inférieurs au SMIC. La différence entre le salaire conventionnel et le SMIC est le plus souvent compensée par des primes – avantages en nature pour le logement et la nourriture – qui ne sont pas retenues comme des revenus de référence pour l’accès au crédit ou la location d’un logement. Cela empêche toute amélioration durable des conditions de vie.
Par ailleurs, la revalorisation du SMIC crée un tassement des grilles salariales. Le SMIC devient la norme, même lorsqu’il y a de nouvelles compétences. Ce manque de négociations de branche contrarie les perspectives d’évolution professionnelle et rend les métiers moins attractifs.
L’article va dans le bon sens, mais il ne constitue pas une incitation assez forte pour les branches à négocier. Pourquoi ne pas introduire une logique de conditionnalité et, comme l’ont proposé l’ensemble des organisations syndicales lors des auditions, réduire les allégements de cotisations sociales lorsque le salaire minimum conventionnel de la branche reste durablement inférieur au SMIC ?
Plus largement, si les politiques d’allégement sur les bas salaires de ces dernières années ont permis de développer l’emploi, elles favorisent aussi une contraction de la grille salariale pour les premiers échelons. Comment permettre à chacun de vivre dignement de son travail et de voir sa carrière progresser ? Comment aider les entreprises à résoudre les difficultés de recrutement ? Nos concitoyens attendent des réponses.
M. Olivier Dussopt, ministre. J’espère que les débats dans l’hémicycle et la discussion des articles nous permettront d’apporter les précisions nécessaires car je crains que nos réponses, à cette heure tardive et compte tenu du temps qui nous reste, ne soient pas exhaustives.
Je commencerai par souligner que la revalorisation de 4 % qui sera appliquée sur les droits et prestations sociales vient après la revalorisation de 1,1 % des retraites en janvier et celle des prestations sociales, à hauteur de 1,8 %, en avril – soit, en cumulé, 5,1 % et 5,8 %. Afin de protéger le pouvoir d’achat des Français, cette revalorisation exceptionnelle anticipe les revalorisations de droit commun prévues jusqu’en avril 2023. La mesure coûte 6,7 milliards d’euros, ce qui est loin d’être dérisoire.
Des craintes ont été exprimées quant à la capacité des départements, dans les outre-mer ou en métropole, d’assumer l’augmentation du RSA. Mes collègues Christophe Béchu et Caroline Cayeux ont engagé une discussion globale avec les collectivités sur la question du financement et c’est un point auquel nous accordons toute notre attention. Je tiens toutefois à souligner que les dépenses liées au RSA en 2022 sont en diminution de 5,1 %, après une première baisse de 2,1 % en 2021, du fait de la reprise économique et d’un nombre d’allocataires moins élevé. Nous estimons qu’après la revalorisation de 4 % du RSA, la baisse des dépenses serait en moyenne de 0,3 % en 2023. La revalorisation nous paraît donc absorbable, mais nous suivons avec attention la situation de chaque département.
Le Gouvernement a l’intention d’instituer un dispositif transitoire qui permettra de maintenir le montant de l’AAH jusqu’à l’expiration des droits acquis pour les allocataires qui seraient susceptibles de le voir baisser en raison de la déconjugalisation. Ainsi, cette mesure ne fera pas de perdants – ils auraient pu se compter en dizaines de milliers. Nous ferons en sorte que la rédaction de ce dispositif, et celle des amendements qui pourraient la modifier, soit parfaitement sécurisée.
L’exonération des cotisations maladie pour les travailleurs indépendants sera de 100 % lorsque les revenus s’élèvent à 40 % du plafond de sécurité sociale – soit 1,05 SMIC – puis dégressive pour les revenus allant jusqu’à 60 % du plafond de sécurité sociale – soit 1,5 SMIC. Nous avons construit ce dispositif pour éviter tout effet de seuil et obtenir un lissage.
Avec la revalorisation automatique du SMIC, nous disposons d’un des dispositifs les plus protecteurs du salaire minimum qui soient. Alors qu’il n’avait été activé qu’une fois depuis 2008, le système l’a été deux fois en neuf mois, pour une hausse globale de 5,9 %, équivalente à l’inflation. Si, dans les semaines qui viennent, l’INSEE constatait une inflation supérieure à celle prévue, une nouvelle revalorisation interviendrait. Cela ne devrait pas être le cas au 1er août, mais dans la mesure où la référence est l’inflation constatée pour le premier quintile de revenus, il vaut mieux attendre les publications de l’INSEE pour le confirmer.
Compte tenu de ces revalorisations, certaines branches voient leurs minima passer sous la barre du SMIC. Cela ne signifie pas, fort heureusement, que les salariés sont payés au-dessous du SMIC, mais que la possibilité de percevoir une rémunération supérieure au SMIC prendra plus de temps. Au 1er mai, 140 branches, sur les 170 que la direction générale du travail observe, étaient concernées ; elles ne sont plus que 105 aujourd’hui. La plupart d’entre elles respectent l’obligation d’ouvrir une négociation dans les trois mois qui suivent le passage au-dessous du SMIC ; les autres sont incitées à engager les discussions par une commission paritaire.
Nous proposons, avec l’article 4, de créer un nouveau critère de restructuration des branches. Si une branche reste durablement avec au moins un palier au-dessous du SMIC, le Gouvernement prend un arrêté de constatation, accompagné d’un projet de fusion avec une branche ayant fait l’objet d’une revalorisation conséquente. Si la branche concernée n’ouvre pas des négociations dans un délai bref, la restructuration sera d’office. Cette mesure, dont nous avons discuté avec les partenaires sociaux, a le mérite de maintenir le dialogue social.
Nous avons constaté, dans le cadre des négociations collectives, que les revalorisations, qui étaient en moyenne de 1,5 % par an entre 2014 et 2020, sont passées à 1,9 % en 2021 et se situent aujourd’hui entre 2,5 et 3 %. Nous voyons bien que l’effet inflationniste a des conséquences sur le niveau des branches. Nous avons choisi de ne pas indexer les paliers des branches sur le SMIC, considérant que le dialogue social devait permettre des différences de revalorisation entre paliers. Nous avons laissé aux partenaires sociaux le soin de cette discussion, même si nous la suivons de très près – je préside, comme ma prédécesseure Élisabeth Borne, le comité de suivi des négociations salariales.
Pas moins de 4 millions de personnes ont perçu la PEPA depuis sa création. Nous proposons d’instaurer une prime de partage de la valeur (PPV), dont le montant pourra aller jusqu’à 3 000 euros, et jusqu’à 6 000 euros lorsqu’un dispositif d’intéressement sera mis en oeuvre par l’entreprise. Premier dispositif : cette prime sera totalement défiscalisée pour les salariés qui perçoivent moins de 3 SMIC. Suivant l’avis du Conseil d’État, nous avons prévu que ce dispositif serait temporaire et prendrait fin au 31 décembre 2023. Nous introduisons une nouveauté, le fractionnement, en précisant, pour éviter tout effet d’éviction du salaire, qu’il ne peut s’agir de mensualisation.
Second dispositif : les autres salariés, à partir de 3 SMIC, seront eux aussi exonérés de cotisations salariales mais le régime fiscalo-social de la PPV sera aligné sur celui de l’intéressement et de la participation. Cela répond à la crainte, exprimée par certains, d’une « cannibalisation » des dispositifs d’intéressement. Je veux dire ici que l’intéressement est un outil qui nous convient et que nous poussons : il a représenté 21 milliards d’euros l’année dernière, soit un gain moyen de 1 000 euros par salarié concerné. Nous sommes loin, là encore, de mesures qui pourraient être considérées comme dérisoires. Ainsi que l’a proposé le Conseil d’État, ce second dispositif sera pérenne.
La suppression totale du taux majoré de CSG représenterait un coût de 3,5 milliards d’euros, d’où notre avis défavorable.
Quant aux heures supplémentaires, nous sommes ouverts à une discussion sur le plafond en deçà duquel la défiscalisation peut s’appliquer, ainsi qu’à des outils permettant d’améliorer le dispositif de défiscalisation et d’exonération de cotisations. En revanche, une défiscalisation et une désocialisation totales seraient coûteuses – 5,8 milliards d’euros, dont 5,5 milliards de cotisations patronales, de CSG et de CRDS – et il faut rester raisonnable du point de vue budgétaire. Voilà qui laisse un peu d’espace pour la discussion.
Je veux dire à celles et ceux qui nous ont interrogés sur les mesures de soutien au pouvoir d’achat déjà prises depuis le début de l’année que leur montant dépasse 30 milliards d’euros, dont 13 milliards pour le bouclier énergétique, 6,7 milliards de revalorisation des prestations sociales et des pensions et 5 milliards d’aides au carburant.
M. Turquois s’est inquiété du calcul du taux d’assujettissement à la CSG et du franchissement des seuils qui le déterminent en conséquence de la revalorisation des pensions de retraite. Si on revalorise celles-ci en 2022, la prise en compte du nouveau niveau de pension pour la définition du taux de CSG auquel le retraité est assujetti interviendra en 2024, puisque ce sont les revenus de l’année n-2 qui servent à calculer ce taux. Or, d’ici à 2024, les seuils qui déterminent le taux seront revalorisés au même rythme que l’inflation. Dans la mesure où la revalorisation des retraites est elle aussi calée sur le rythme de l’inflation, l’évolution des seuils au même rythme prémunit tout retraité d’un franchissement de seuil dû à la revalorisation des pensions que nous vous proposons.
Je m’excuse par avance auprès de ceux à qui je n’aurais pas répondu, mais le débat en séance nous permettra de revenir sur les différents points qui ont été évoqués.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le dispositif ARENH est le seul qui permette d’accompagner les entreprises industrielles, car celles-ci ne bénéficient pas du blocage apporté par le bouclier énergétique. L’ARENH a ainsi permis de préserver 150 entreprises industrielles et 45 000 emplois industriels et de sécuriser plusieurs sites. À ce sujet, madame Battistel, vous vous souvenez certainement du dossier Ferropem, que vous aviez suivi de très près avec moi : c’est un exemple typique.
Le prix de ce dispositif est supérieur au coût de production. On fait donc une confusion lorsqu’on dit qu’EDF vend à perte, puisqu’il vend au-dessus de son coût de production ; en revanche, il y a bien une perte d’opportunité par rapport au coût de l’électricité. On pourrait dire, si on était un peu taquin, que c’est une façon de taxer des surprofits…
L’État détient 85 % du capital d’EDF et a annoncé par la bouche de la Première ministre sa volonté de porter sa participation à 100 %. Je vous rassure donc, monsieur Tavel : la nationalisation a déjà été faite depuis longtemps ; en réalité, EDF a toujours été public. Mais une montée au capital n’est pas une recapitalisation : il s’agit de deux opérations différentes. La démarche annoncée correspond en revanche bien à ce que vous demandez ; vous devriez vous en réjouir.
Cela me permet également de répondre à votre question sur l’ARENH : dès lors que l’État détient 100 % du capital, les finances d’EDF, par congruence, ce sont les finances de l’État. Nous avons toujours été derrière EDF. Nous avons en effet procédé à des recapitalisations lorsque l’entreprise en avait besoin. L’État actionnaire a donc toujours été responsable et au rendez-vous. Que n’aurait-on pas entendu si les entreprises industrielles fortement frappées par l’augmentation des prix de l’électricité avaient déposé le bilan, avec les milliers de suppressions d’emplois et de licenciements qui se seraient ensuivis !
Avec l’ARENH, les fournisseurs ne peuvent profiter d’un effet d’aubaine, car la production est transmise pour bénéficier directement au consommateur final. La CRE contrôle ces éléments. Lorsque j’avais encore le portefeuille de ministre de l’industrie, j’ai moi-même réuni l’ensemble des fournisseurs d’énergie, avec le président de l’époque de la CRE, pour les rappeler très clairement à leurs obligations. Nous avions également produit une information destinée à toutes les filières pour qu’elles puissent saisir directement la CRE à des fins d’enquête si elles constataient que leurs mandants n’appliquaient pas l’amélioration des prix pour les entreprises, notamment industrielles.
En ce qui concerne le développement des énergies renouvelables, le projet de loi annoncé nécessite la concertation de six entités, qui prend quatre semaines. C’est l’une des raisons qui expliquent qu’il ne puisse être prêt qu’à la rentrée, mais il n’est pas repoussé d’autant : nous continuons d’y travailler et nous avons tout un train de mesures disponibles. Du côté réglementaire, nous avons déjà pris des dispositions pour accélérer le déploiement des énergies renouvelables, s’agissant notamment des raccordements des 7 gigawatts non raccordés – ce qui ne relève pas du législatif, ni même, à vrai dire, du réglementaire, mais de l’action commune que mènent le ministre de l’énergie et Enedis en suivant un à un tous les projets du vivier pour en accélérer la mise en oeuvre. Nous sommes à la manoeuvre dans ce domaine, nous avons pris des mesures réglementaires la semaine dernière et nous le ferons à nouveau dans les prochains jours afin de débloquer du photovoltaïque, de l’éolien terrestre et du biogaz.
À propos de la sobriété énergétique, je suis un peu étonnée : nous venons de lancer un plan à ce sujet et cela ne relève pas non plus du domaine réglementaire. La loi « climat et résilience » prévoit diverses mesures en la matière ; elles gagneraient à être appliquées et nous avons rappelé les acteurs économiques à leurs responsabilités, comme pour l’État. Notre plan inclut la réduction de 10 % de la consommation d’énergie : il s’agit bien de sobriété, non d’efficacité énergétique. Cette mesure s’ajoute à toutes les autres que nous prenons.
Madame Rousseau, vous aurez constaté que dans le projet de loi de finances rectificative, comme je l’ai dit dans mon propos introductif, des crédits additionnels sont consacrés à la rénovation thermique et à la conversion de véhicules. Par ailleurs, l’obligation de rénovation des passoires thermiques a été votée dans le cadre de la loi « climat et résilience » ; certains ici l’ont jugée trop vigoureuse, vous trouvez qu’elle ne l’est pas assez : on peut donc penser qu’elle représente un juste milieu.
En ce qui concerne les centrales à charbon, il y a des projets durables de reconversion. D’abord, trois implantations dans la chimie verte, sur la plateforme industrielle de Saint-Avold, soutenues par France relance : Circa, Metex et Afyren. Je me suis rendue sur place pour finaliser ces projets, qui représentent plusieurs centaines d’emplois. Une centrale biomasse va alimenter le territoire en chaleur renouvelable, avec le soutien de l’État. Un projet de production d’hydrogène de bus pourra être financé grâce au fonds de compensation carbone que nous instituons dans le présent projet de loi.
La nécessité d’inclure dans les délais les opérations de remise en arrêt, qui prennent un certain temps, explique la durée de trente-six mois de contrat, soit au-delà de la fin de l’hiver, pour les salariés réembauchés. C’est sur la base du volontariat que ces salariés reprendront le travail. L’accompagnement proposé prévoit une reconversion et une allocation de l’État lors du congé de reclassement. Quatre-vingt-sept salariés sont inclus dans le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ; le projet de loi sécurise leur situation au regard de ce PSE de qualité. Au total, 250 millions d’euros d’investissement public et privé sont consacrés à leur reconversion. On peut donc considérer qu’un peu de travail a été fait en la matière.
Il n’a jamais été question de fermer Cordemais en 2022, seulement en 2026 ; je vous renvoie aux décisions qui ont été clairement annoncées depuis un certain temps compte tenu des besoins de la Bretagne en électricité.
En ce qui concerne la baisse du prix du carburant, quelques éléments factuels sur la baisse des taxes. Si on ramenait à 5,5 % le taux de TVA sur TICPE, cela représenterait l’équivalent d’une perte de recettes de 6 milliards d’euros, à laquelle s’ajouteraient 35 milliards en ramenant la TICPE à zéro comme cela a été évoqué, soit 41 milliards pour cette seule mesure : cela ne me paraît pas cohérent avec l’objectif, que je comprends parfaitement, de meilleure gestion des finances publiques et d’attention particulière à notre trajectoire en la matière. Le chiffrage est à peu près le même pour le blocage du prix du carburant à 1,5 euro le litre, si l’on se fonde sur la moyenne des prix précédemment constatés. Pour proposer cela, il faut des recettes en face, qui pourraient modifier singulièrement le projet.
Monsieur Turquois, la mesure concernant la centrale de Saint-Avold ne modifie pas notre trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre, qui a d’ailleurs été renforcée sous la présidence française de l’Union européenne – j’ai personnellement bouclé la négociation sur le paquet « climat » il y a deux semaines – pour atteindre une réduction de 55 % de nos émissions à l’horizon 2030.
La puissance de Saint-Avold s’élève à 600 mégawatts et le charbon représentait l’année dernière 0,7 % de l’ensemble de notre production d’électricité. En règle générale, on fait appel à une centrale à charbon lors de pics de consommation, de huit heures à treize heures et de dix-huit heures à vingt heures ainsi que dans les périodes de froid plus intense.
En matière de sobriété, nous devons nous préparer collectivement en vue de l’hiver prochain à baisser notre chauffage d’un degré, du moins pour ceux qui chauffent à plus de dix-neuf degrés. La température de consigne de dix-neuf degrés n’est en effet pas toujours respectée dans les logements, sans doute parce que c’est une habitude que l’on n’avait pas et qu’il faut retrouver. Dix-neuf degrés, c’est bon pour la santé, et c’est aussi 7 % d’économies d’énergie pour la France : mieux dormir en économisant de l’énergie, donc en ne la payant pas, c’est encore un élément du pouvoir d’achat.
Monsieur Jumel, dans les faits, le bouclier énergétique est un blocage des prix de l’électricité et du gaz – je ne sais pas comment l’appeler autrement puisqu’il consiste à bloquer le prix.
En ce qui concerne l’accompagnement des stocks de gaz, il existe un système permettant de sécuriser les énergéticiens qui vont prendre position pour accélérer les achats de gaz et remplir nos stocks stratégiques. Le taux de remplissage étant de 65 %, il faut continuer.
S’agissant enfin des maisons de retraite, ni le projet de loi relatif au pouvoir d’achat, ni le projet de loi de finances rectificative ne comportent de dispositif qui leur serait spécifiquement destiné, mais tout un effort d’accompagnement des collectivités locales a été fait. La TICFE (taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité), par exemple, représente 400 millions d’euros pour l’ensemble des collectivités ; ce montant ne couvre pas tout, mais il est significatif des efforts considérables de l’État vis-à-vis des ménages, des entreprises et des collectivités ainsi que des établissements publics qui dépendent d’elles.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Je n’ai pas noté de question sur le volet consommation, mais je n’en tire aucune conclusion quant à une quelconque unanimité de votre part à ce sujet ! Je serai heureuse d’en reparler en séance avec vous.
Je sais combien M. Jumel, dont je connais le talent oratoire, était ravi de me voir ce soir en lieu et place de Bruno Le Maire. Celui-ci sera très certainement au banc des ministres en séance et ne manquera pas de répondre à vos sollicitations. Ce fut un immense honneur et un plaisir de le représenter ce soir.
M. Olivier Klein, ministre délégué. Monsieur Vincendet, l’accession à la propriété est un vrai enjeu, mais qui ne relève pas de l’urgence qui caractérise le texte. Nous y oeuvrerons dans les mois qui viennent, notamment pour redonner du mouvement au parcours résidentiel, de la pension de famille jusqu’à l’accession. Parmi les mesures de pouvoir d’achat par l’intermédiaire de l’accession figurent déjà le prêt à taux zéro et la TVA réduite dans les zones ANRU. Nous travaillerons sur le prix du foncier et pourrons développer des mesures d’accompagnement du parcours résidentiel, telles que le bail réel solidaire. L’essentiel reste la production, notamment de logements sociaux, que le précédent gouvernement avait pris plusieurs mesures pour favoriser. À la suite du rapport de François Rebsamen, des mesures de compensation du coût des exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pour les collectivités locales avaient ainsi été adoptées pour permettre à ces dernières de développer des équipements publics, tandis que d’autres dispositions visaient le logement intermédiaire.
Le projet de loi qui vous est soumis garantit un équilibre entre locataires et propriétaires. Je ne crois pas que tous les propriétaires bailleurs soient des Thénardier, mais ceux-là, je les ai combattus et je continuerai, notamment les marchands de sommeil. La mesure est un bouclier : il ne s’agit pas d’un seuil, mais d’un plafond. Elle va protéger les locataires, notamment dans le logement social. Je me suis entretenu en fin de semaine dernière avec les bailleurs sociaux, dont Emmanuelle Cosse. Ceux qui vont bien auront à coeur de ne pas pousser la hausse au maximum possible, mais certains d’entre eux sont fragiles et il faut qu’ils continuent à rénover et maintiennent la qualité de l’accueil des locataires, sans parler de la politique de construction qui nous tient tous à coeur. La hausse possible reste mesurée.
Je partage l’inquiétude qui s’est exprimée au sujet des expulsions locatives, qui sont toujours un drame. Elles étaient en baisse depuis plusieurs années…
Mme Danielle Simonnet. À part pendant le covid-19, elles sont en hausse !
M. Olivier Klein, ministre délégué. En tout cas, depuis 2017, elles sont en baisse. Nous y resterons très attentifs et nous serons exigeants envers les bailleurs, notamment sociaux, pour qu’ils mettent tous en oeuvre les mesures de protection prévues au premier euro d’impayé. Il ressort de mes échanges avec Emmanuelle Cosse qu’il n’y a pas actuellement d’alerte particulière quant à une hausse du nombre d’impayés.
M. le président Guillaume Kasbarian. Merci beaucoup.
Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 25 juillet 2022
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