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Depuis 5 ans, les investissements dans les néo-acteurs de l’immobilier se multiplient. Si l’on cumule les montants levés par les néo-agences ou les néo-syndics, c’est plus de 120 millions d’euros qui ont été investis pour fluidifier le marché de la transaction et du syndic.
Pourtant, les récentes cessions de Liberkeys, Proprioo et homeloop ainsi que le plan de licenciement chez Bellman semblent nous indiquer qu’on est en train d’atteindre une certaine maturité ou peut-être une certaine désillusion.
La crise qui s’annonce sur le pouvoir d’achat, l’inflation et l’augmentation des taux va peut-être sonner le glas des néo-agences immobilières et des iBuyers. Il est temps d’essayer de comprendre pourquoi ces néo-acteurs peinent à prendre le marché.
C’est un fait, les fondateurs de ces startups ont cru qu’ils pourraient révolutionner l’immobilier sans expérience : de formation école de commerce ou ingénieur, ils n’ont pour la plupart aucune expérience dans le métier qu’ils prétendent changer, pourquoi pas. Après tout, on sait bien que les vraies innovations ne viennent pas toujours de l’intérieur. Mais avoir une expérience en tant qu’utilisateur n’est pas toujours suffisant quand on veut régler tous les points de friction d’une profession, et le temps d’apprentissage est souvent long, notamment sur un métier très réglementé. En particulier dans le syndic, où on sait que la partie visible du métier ne représente qu’une toute petite partie du métier : il faut être comptable, commercial, ingénieur du bâtiment, psychologue et pompier tout en même temps.
Il y a déjà ici un paradoxe. Une startup doit aller très vite alors qu’elle doit apprendre un nouveau métier et mieux, recréer ses propres outils pour réaliser des tâches qu’un autre outil du marché ferait très bien; mais sans possibilité de les intégrer dans un environnement agile, ils deviennent vite limités. Quand on sait le temps qu’il faut pour créer de A à Z un outil comptable pour le syndic, on peine à croire qu’il faut 6 mois pour qu’un néo-syndic y parvienne sans connaître le métier.
Mais admettons qu’un miracle réunisse la bonne expérience et les moyens de réaliser un super outil digital, encore faut-il se confronter à l’installation d’une nouvelle marque et de nouvelles pratiques sur un secteur déjà bien occupé par les acteurs traditionnels. C’est souvent au prix d’un achat de trafic important qu’on parviendra à commencer à installer de nouvelles pratiques : la commission au forfait, la copropriété « heureuse », le service irréprochable…
Le facteur temps/montants levés est donc ici fondamental quand on a en face de soi des concurrents installés rentables, voire très rentables, et qui ne dépendent pas des levées de fonds successives. Même si on apprend vite, ce sont les capitaux des fonds d’investissement qui permettent d’acheter le temps. Le temps nécessaire à la maturité des esprits, le temps nécessaire à l’installation d’une marque ou d’un nouveau modèle économique… Bref, on l’a sous-estimé et les horizons de temps des investisseurs ne sont pas toujours les mêmes.
L’autre point d’achoppement des modèles des néo-agences, c’est celui de la scalabilité du modèle sur les territoires. La montée en puissance des réseaux de mandataires, avec un modèle léger et sans coûts fixes, n’a pas aidé les néo-agences à s’implanter hors des zones urbaines quand elles peinent déjà à couvrir ces zones avec des agents salariés. Ce n’est pas pour rien qu’iad est devenue, en peu de temps, la seule licorne de la Proptech en France.
Le marché de l’immobilier en France est tellement profond et cause d’insatisfaction que les néo-agences arriveront toujours à capter un peu de ce marché, surtout dans un contexte économique où le pouvoir d’achat devient un vrai enjeu : la commission d’agence au forfait, qui s’étale de 2000 euros à 5900 euros, est un vrai différenciateur dans un marché tendu. Le tout sera de rétablir l’équilibre entre les dépenses pour capter le mandat et le sortir et les revenus en cas de succès.
Toutefois je m’étonne que ces nouvelles agences n’aient pas encore compris qu’il pouvait être pertinent de faire aussi de la gestion locative. Ce qu’ils ont réussi à faire sur la transaction en apportant de la valeur sur la relation client, ils peuvent aussi le faire sur la gestion locative. Les agences traditionnelles ont parfaitement compris l’intérêt de faire de la récurrence : s’assurer un petit matelas en cas de crise et augmenter la valeur transactionnelle de leur business.
À l’heure où j’écris ces lignes, j’apprends d’ailleurs que Matera se lance désormais dans la gestion locative, un marché dans lequel il y a peu de néo-acteurs « professionnels » et qui reste un des secteurs les moins intermédiés.
D’une manière générale, je crois qu’il faut arrêter de penser en silos, il faut voir l’ensemble de la chaîne : partir de la gestion locative, réaliser la transaction en même temps que le conseil à l’investissement locatif, puis pourquoi ne pas faire de l’administration de bien, le tout sans dépenser un centime dans l’acquisition du client qu’on a déjà. Chaque startup vient régler un problème en particulier, mais pourtant, c’est en pensant plus largement que les valorisations iraient vers des multiples ambitieux. À quand le prochain Foncia, Nexity ou Citya ?
On ne saurait parler des néo-acteurs sans dire quelques mots sur les startups du syndic. Elles sont quelques-unes à vouloir pénétrer ce marché : Hello Syndic, Bellman, Homeland, White Bird et Matera.
Ce marché fait face à plusieurs difficultés : il peine à recruter, est peu rémunérateur, reste très localisé et utilise des outils obsolètes. Un sacré challenge pour nos startups, mais également une opportunité pour elles : construire l’outil qui permet d’attirer des talents, de réduire les tâches chronophages et gagner en rentabilité, c’est ça l’enjeu. Oui, mais ce n’est pas suffisant. Contrairement au syndic de quartier, il faudra installer une marque et avant d’atteindre la rentabilité, probablement faire quelques croissances externes à un moment où les valorisations sont les plus fortes. Ce n’est pas encore gagné et il faudra attendre encore quelques années pour voir émerger des néo-acteurs véritablement agiles et puissants pour concurrencer un Foncia.
Je ne crois pas pour autant qu’il faille qualifier d’échecs ces tentatives pour fluidifier le marché de la transaction et du syndic. Le mouvement de digitalisation du secteur est profondément ancré et ce n’est qu’une bataille parmi d’autres qui s’annoncent. La tokenisation des actifs sera, par exemple, une des prochaines batailles qui verront probablement disparaître les SCPI et dans le même temps leurs intermédiaires en rendant ce marché plus transparent et plus accessible.
Les néo-acteurs ont apporté au marché un nouveau standard dans l’expérience client et les deux modèles se nourrissent l’un l’autre. Faire comme certains qui crient au loup quand un nouveau modèle arrive n’apportera rien à la profession et continuera à la ringardiser en l’enfermant dans ses certitudes.
La pénétration du marché se fait par étapes, elle connaît des succès et des échecs apparents, mais ne nous y trompons pas, les générations qui nous succèdent ne relèvent pas des mêmes paradigmes et l’histoire se répétera. Un jour, certains se réveilleront avec le sentiment d’y avoir contribué quand d’autres disparaîtront tout simplement, faute d’avoir compris à temps ce mouvement.
Diplômé en télécoms et en science politique, Jérôme Revy lance la startup Geoimmo, premier portail d’annonces géolocalisées sur mobile, et première application permettant de visualiser les biens en réalité augmentée en France. Après avoir rejoint le groupe édit … Lire la suite
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