"L'homo footballisticus, nouvelle déclinaison de l'homo economicus" – QG – Le média libre

04/12/2022

« Le football, il a changé », comme dirait Kylian Mbappé. De quoi l’orgie de pognon que ce sport génère est-elle le symptôme? Aujourd’hui, le jeu préféré de centaines de millions d’enfants est devenu le moyen de les enrôler dans le grand bain d’une économie autodestructrice, et l’amour du beau geste ou de l’instant heureux du dribble qui mène au but, a été submergé par une idéologie illustrant de manière hyperbolique un fait central de notre époque: chacun est désormais contraint de se rapporter à lui-même comme valeur. Sur QG, Maxence Klein livre une réflexion sur la Coupe du monde qui bat son plein au Qatar, et sera peut-être un jour considérée comme l’un des derniers grands rites sacrificiels de l’histoire de la planète


Alors que la COP 27 s’est achevée dans un échec tragi-comique attendu, la « Coupe du monde la plus controversée de l’histoire », comme aime à l’appeler une certaine marotte journalistique, bat son plein au Qatar. Un scénario plus enviable, dans lequel nous arrêterions de tendre l’autre joue, serait que les gigantesques profits réalisés par les industries pétrolières et gazières seraient arrachés à la clique d’imposteurs qui nous gouvernent pour être partagés. Au lieu d’enrichir les responsables du désastre actuel, ces profits serviraient enfin à entamer la transition énergétique mondiale que toute personne sensée attend impatiemment aujourd’hui. Mais alors qu’il ne faudrait rien de moins que le souffle d’une révolution généralisée pour sauver l’humanité d’un mode de vie qui n’a profité qu’à une infime minorité de celle-ci, nous avons plutôt le droit au grand divertissement d’une nouvelle coupe de monde qui a coûté la modique somme de 220 milliards de dollars. Peu importe au Spectacle les 6500 ouvriers morts sur les chantiers et les conditions de travail infernales – dignes d’une usine à Manchester du milieu du XIXe siècle – que les survivants subissent encore quotidiennement.
Le geste d’écrire, ou plutôt de commenter, débute presque toujours par un effort de remémoration, qui représente aussi un salutaire autodiagnostic d’humilité. Alors que je m’apprête à hiérarchiser mes idées, à produire une sorte de premier brouillon, une multitude d’auteurs me monte souvent à la tête. Non sans un certain amusement, je me prends alors quelques fois à imaginer la programmation d’une IA utopique dont la tâche consisterait à produire un média d’information et d’analyse uniquement à partir d’un corpus d’auteurs que j’aurai moi-même délimité.
Mike Davis, le plus grand penseur du caractère dystopique de l’urbanisation planétaire en cours, vient de nous quitter récemment. Il avait consacré un petit essai à Dubaï, cité-État voisine du Qatar, et à son urbanité. Il avait analysé avec brio comment les rentes pétrolière et gazières ont grisé jusqu’à la folie des grandeurs les élites monarchiques du Golfe. Selon lui, ces pétromonarchies incarnent une sorte de sauvagerie hyper capitaliste portée à la dimension du rêve. Milton Friedman et ses Chicago Boys n’auraient pas pu désirer mieux que cet oasis sans impôt, sans parti politique et sans syndicat où pouvoir économique et pouvoir politique ont admirablement fusionné. Pour écrire sur cette Coupe du monde, aux côtés de Mike Davis, mon petit algorithme aurait bien aimé convoquer d’autres figures, au risque qu’ensemble, ils écrivent un livre que l’on aurait pu intituler Homo Footbalisticus, à savoir Guy Debord et sa Société du spectacle, Giorgio Cesarano et son Manuel de Survie, Pierre Klossowski et sa Monnaie Vivante ou encore Jean-Paul Curnier et sa Prospérité du désastre.
Trêve de rêverie, place au cauchemar. Depuis les années 1980, sous le règne absolu de leurs PDG-Émirs, sortes de despotes éclairés drogués aux pétrodollars, les micro-monarchies du Golfe se sont transformées en une sorte d’utopie capitaliste vers laquelle convergent les élites transnationales de la finance, de la Tech, du conseil, de la promotion immobilière et des bureaux d’études. Tout ce petit monde se retrouve dans une commune soif d’assouvir de bien tristes pulsions composées de zones franches, de giga-temples consacrés aux loisirs et à la consommation, de paradis artificiels et de banlieues résidentielles, que peuple une internationale décadente et bigarrée d’influenceurs, de mafieux et d’expatriés.
À côté de la Chine, le Qatar joue aujourd’hui à la fois le rôle de repoussoir immoral et de modèle d’accumulation que l’on brandit à celles et ceux qui seraient tenter de se révolter ici, en Europe, contre cette contre-révolution économique que nous subissons depuis les années 1980. Après tout, nous ne serions pas tant à plaindre si nous comparons nos conditions de vie à celles de ce prolétariat esclavagisé qui a construit les stades et les infrastructures de ce mondial.
En effet, jusque-là, tant que des Gilets Jaunes n’entendaient pas essayer de bloquer le territoire, puis de se répandre en émeute dans les beaux-quartiers parisiens, le gouvernement économique ne voyait plus trop intérêt à assumer un certain sens directement guerrier. Les politiques néolibérales, avec leur gros bâton du déclassement et leur petite carotte du mythe de la réussite individuelle, semblaient suffisantes pour garantir un semblant minimal de narcose sociale. C’est qu’aux batailles ouvertes des XIXe et XXe siècle qui voyaient çà et là, lors d’une grève, d’une manifestation, ou d’une insurrection, des hommes et des femmes se faire trucider en masse, dans les pays du capitalisme avancé, la classe du capital avait semblé préférer jusqu’à récemment des méthodes plus douces.
Il se pourrait même bien que dans les prochaines années, nos inénarrables politiciens récemment convertis à la Start-up Nation trouvent peut-être quelques recettes à importer de ces paradis pétroliers et de leurs régimes où la « liberté » d’être riche ou de se faire exploiter se fonde sur une séparation spatiale rigoureuse des diverses fonctions économiques et des classes sociales, elles-mêmes ethniquement différenciées. En effet, pour le Qatar et ses voisinsles libertés individuelles et le droit du travail ne représentent rien d’autres que de vulgaires variables d’ajustement dans l’établissement de leur business plan. On peut même saluer le fait qu’ils ont atteint une certaine perfection dans l’art contemporain d’exploiter des travailleurs en allant dénicher une main d’œuvre rurale en voie de prolétarisation dans les campagnes miséreuses du Népal, du sous-continent indien ou d’Afrique sub-saharienne.
Que diable est donc allé faire la FIFA dans cette galère ? La réponse se love dans un secret de polichinelle : corruption politique, ambitions personnelles et argent, beaucoup d’argent, beaucoup beaucoup d’argent. Dans le sillage des révélations issues des Football Leaks, obtenus par le lanceur d’alerte Rui Pinton, le journal d’investigation Mediapart a brillamment documenté cette Sainte Trinité du football contemporain. Teaser : « Évasion fiscale, paradis fiscaux, blanchiment, conflits d’intérêts, commissions occultes pour faciliter les transferts de footballeurs, exploitation des joueurs mineurs, agents sans foi ni loi, financiers aux connexions mafieuses : nos données racontent l’histoire d’un sport rongé par la fièvre du profit, devenu un business ultra-spéculatif où tous les moyens sont bons pour grappiller de l’argent, via des montages offshores aussi opaques et complexes que ceux élaborés par les marchands d’armes ou les multinationales comme Apple et Amazon. » Peu importe que Cristiano Ronaldo, avec José Mourinho ou encore Radamel Falcao, ait dissimulé 150 millions d’euros dans des paradis fiscaux avec l’aide bienveillante de Jorge Mendes, le Citizen Kane du marché des transferts. Les codes de la finance et du trading ont envahi le monde du football. Si vous ne savez pas ce qu’est une IPO dans le football, je vous invite d’ailleurs à aller vous renseigner avant que votre fils qui est en centre de formation n’en soit victime.
Le boom économique qu’a connu le football professionnel a eu pour conséquence une virtualisation accrue de celui-ci. Alors que dans les années 1970, les clubs s’octroyaient la majeure partie de leurs revenus dans la billetterie, aujourd’hui, c’est à partir des droits de retransmission, du sponsoring et du commerce d’une multitude de produits dérivés que le footbusiness génèrent des milliards d’euros. Pour autant, le cashflow n’est pas forcément toujours au rendez-vous pour les investisseurs. On pourrait même dire que cette économie des grands clubs de football représente plutôt une sorte d’investissement de prestige. Le fait est qu’il se joue aussi autre chose dans le football : oligarques russes, fonds de pensions américains et fonds souverains des pétromonarchies se montrent moins intéressés par la rentabilité financière directe que par l’acquisition de soft power. Alors que pour certains acteurs du marché, le football permet de faire croître un carnet d’adresse pourtant déjà bien rempli, pour d’autres, comme les qataris, il peut être considéré comme un investissement géopolitique qui va renforcer leur nation branding et leur capacité à corrompre des politiciens véreux. Enfin pour des acteurs plus discrets, c’est surtout une manière, parmi tant d’autres, de blanchir de l’argent. En ce sens, à côté des ports francs et du système d’octroi des « visas dorés » pour millionnaires, un rapport de la Commission européenne daté de 2019 a ajouté le football professionnel à la liste des activités économiques « potentiellement vulnérables » au blanchiment d’argent, voire au financement du terrorisme.
Au sein de cette sphère d’accumulation centrale que l’on appelle communément les pays du Nord, nous sommes dorénavant moins définis par notre subjectivité que par une sorte de curriculum vitae à vocation universelle. En amour comme au travail, dans le sport comme dans les arts, compétences, qualités, diplômes et statistiques, servent à nous définir en tant que capital humain, à nous constituer en tant que force de travail mobilisable par un capital qui a depuis longtemps quitté les murs étroits de l’usine, pour se métastaser dans tout le reste de la société et pour tenter aujourd’hui de coloniser l’entièreté du vivant.
À bien des égards, l’idéologie de la réussite par le sport est l’enfant pauvre du self made man américain. C’est un mythe social qui sert à euthanasier les volontés collectives de révolte en invoquant des formes pseudo-religieuse de rédemption individuelle. En France, ce mythe est particulièrement opératoire dans les grands ensembles abandonnés des périphéries urbaines, au Brésil, dans les ingouvernables favelas, aux États-Unis, dans les ghettos ségrégés. Mais le sport n’est pas juste une sorte de nouvel opium du peuple, c’est aussi un moyen de discipliner les corps et les esprits de toute une jeunesse qui va bientôt aller renforcer la gigantesque cohorte des surnuméraires du capital, c’est-à-dire de celles et ceux qui ne comptent pas, de celles et ceux pour qui – en reprenant l’adage de cette vieille chèvre de Thatcher – There’s no such thing as society.
Il y a d’ailleurs tout un continuum entre le football contemporain et le logiciel discursif des RH. Il y a les « compétences-clés », le personal branding, les hard skills et les soft skills, la e-réputation, mais aussi la « guerre des talents », ce terme inventé par McKinsey en 1997 pour décrire les difficultés rencontrées par les entreprises à recruter des profils aux compétences rares, mais néanmoins dociles. Tout amateur de football doit aujourd’hui connaître les statistiques folles des Messi, Neymar, Ronaldo, Benzema ou Mbappe, mais peu nombreux sont capables d’établir le lien qu’elles entretiennent avec le fait que nous sommes en permanence scrutés et évalués sur notre lieu de travail, que nous sommes victimes de toutes sortes d’opérations qui visent à gérer et à optimiser ce cheptel humain au rang duquel nous avons été réduit.
L’envers de ce décor de la réussite individuelle, c’est évidemment le lien qui unit les blessures des footballeurs professionnels aux épidémies contemporaine de troubles musculosquelettiques, de burn-out, de dépression et d’anxiété. C’est aussi le fait que seulement une infime minorité d’entre nous arrive à naviguer dans les eaux troubles du capitalisme et réussit encore à s’en sortir alors que d’autres se noient. Dans le football, combien sont-ils d’ailleurs, chaque année, à quitter les centres de formation professionnelle des grands clubs pour revenir végéter à la cité ? Quel est donc ce lien pas si secret que ça qui unit les terrains de football de la banlieue parisienne aux entrepôts Amazon ou Geodis, aux plateformes VTC, à Deliveroo, à Uber et à tous ces boulots qui ne payent pas ?
À l’instar d’une économie mondiale dont le taux de profit est actuellement synchronisé sur la disciplinarisation du travail par l’usage de toutes les technologies de surveillances possibles, c’est qu’en s’enrichissant, le football contemporain est aussi devenu smart. Crampons et maillots connectés permettent maintenant de mesurer les distances parcourues des joueurs à l’entraînement et d’évaluer l’intensité de leurs efforts. Les statistiques et la vidéo, associées dorénavant à l’IA, représentent des outils de valorisation exceptionnels. Ils permettent au staff technique des grands clubs d’observer et de jauger les rendements futurs de leurs poulains. La qualité du jeu est dorénavant corrélée à celle de l’extraction d’un quantum de données qui doit contribuer au perfectionnement des programmes d’entraînement, par exemple, pour détecter des changements inattendus dans le jeu ou des irrégularités dans les performances des joueurs. Toute ressemblance avec un entrepôt de logistique, une chaîne de montage 3.0, le lean management d’un hôpital ou encore la cybersurveillance des remote workers (travailleurs à distance, NDLR) est évidemment totalement fortuite.
L’organisation sociale du capitalisme contemporain prend de plus en plus la forme d’un réseau d’institutions quasi-totalitaires tendant inexorablement au contrôle et à l’assujettissement total des personnes qui lui sont soumises. À côté de tous les infâmes, les GAFAM, les grands groupes pétroliers et de tous les profiteurs de la Global Supply Chain, la FIFA, avec la sombre vision du monde qu’elle véhicule, tient une place de haut rang dans toute cette hiérarchie du désastre. Son amour dégoûtant de l’argent, seule voie d’émancipation reconnue aujourd’hui pour un prolétariat mondial dont nombre de fils rêveraient de jouer en Champions League, n’est pas seulement l’apanage d’une mafia qui a pris le pouvoir au sein des grandes instances footballistiques, mais une des formes fondamentales que prend aujourd’hui la domination de la classe du capital, à laquelle toutes les autres institutions humaines sont désormais subordonnées
Notre présente économie vise à produire en masse des marchandises standardisées, c’est-à-dire des richesses pour les patrons et de la pauvreté pour les autres. Un peu comme les influenceurs jouissent matériellement de la misère affective de celles et ceux qui désirent leur ressembler, la vie idyllique de Killian Mbappe repose in fine sur les rêves brisés de toute une génération mondiale de jeunes prolétaires déqualifiés, qui survivent entre les affres de la précarité, du chômage et de la pauvreté ; tout isolés qu’ils sont dans cette immense périphérie planétaire composée de banlieue dortoirs, de favelas et de bidonvilles où s’entassent aujourd’hui la majorité des moins de trente ans. 
Manteau terrestre, fonds sous-marins, pôles, forêts primaires, corps, âmes et bientôt même Mars, rien n’est plus épargné pour permettre au règne de la valeur d’assouvir ses penchants et de préparer l’amorce d’un nouveau cycle d’accumulation. La guerre est généralisée et nous peinons encore à voir l’ombre d’un paradigme alternatif émerger. Centré autour de la combustion des énergies fossiles, le modèle extractiviste issu de la Deuxième révolution industrielle est à bout de souffle. Nous sommes prêts à parier que d’ici une génération, cette Coupe du monde 2022 qui vient de débuter au Qatar sera considérée comme l’un des derniers grands rites sacrificiels de l’histoire de la planète – un désastre écologique, social et humain. Espérons que nos enfants regarderont les archives de notre époque avec un certain dégoût.
Nous souffrons ensemble d’une contradiction centrale : celles et ceux qui n’ont pas encore perdu tout espoir se heurtent douloureusement à un monde qui ne cesse de nous décevoir. Notre civilisation est dominée par le golem du « marché autorégulateur » qui, année après année, fait proliférer l’abstraction de la valeur en exterminant la concrétude de toutes les forces physiques et sociales simples qui pourraient soutenir le projet d’une humanité enfin réconciliée avec elle-même. Pour l’instant, Karl Marx a raison au moins sur un point : « peut-être la victoire de la révolution n’est-elle possible qu’une fois accomplie la contre-révolution. » En effet, nous sommes encore, à l’heure actuelle, tous et toutes esclaves du capital et nous commencerons peut-être à nous en libérer à partir du moment où l’on refusera de se percevoir selon les catégories de ce dernier.
Maxence Klein

Alors que la commission des lois du Sénat vient d’adopter à l’unanimité un rapport d’information sur la « reconnaissance faciale », le journaliste Olivier Tesquet expose sur QG les dangers d’une telle technologie, et les intentions troubles des sénateurs, qui préconisent une série d’expérimentations sous couvert de protéger les citoyens. Interview par Luc Auffret

Le coeur de l’été venu, la torpeur née des vaines agitations de l’année passée gagne les esprits. Loin des hauts lieux de la fureur de vivre, des conseils de coaching psychologique ou sportif, et des grands discours pour changer le monde, notre ami Alain Accardo, auteur du « Petit bourgeois gentilhomme », exprime dans un texte puissant ce sentiment de vertige qui saisit l’homme et les civilisations à ces instants-là. À lire en exclusivité sur QG

Alors que le deal entre le milliardaire et Twitter est encore en voie de finalisation, QG se penche sur les conséquences qu’un tel rachat aurait pour les utilisateurs. Moins scruté par les médias, le « Digital Service Act » en train d’être mis en place au niveau européen, aura également des répercussions sur notre utilisation des réseaux sociaux. Fabrice Epelboin, professeur à Sciences Po et spécialiste des médias sociaux, décrypte ce nouveau paysage
Répondre à cette critique acerbe de la société actuelle sous le prisme de la coupe du monde au Qatar est intéressant et si j’avais le temps et l’envie, je commenterai plus longuement cet article. Mais je vais me contenter de rappeler à l’auteur que bien souvent rien n’est entièrement mauvais ou bon, il y a des nuances. Par exemple quand il parle des « technologies de surveillances » certes elles sont intrusives et attentatoire aux libertés individuelles dans un cadre privé mais dans un cadre professionnel tel que celui du sportif de haut niveau, elles ont aussi leur utilités voire leur légitimité.
Par exemple déceler en amont ceux pour qui le métabolisme est incompatible avec le sport de haut niveau et qui pourraient par exemple en mourir. Ceux dont le niveau n’est pas suffisant pour faire face aux exigences futures et qui doivent repenser leur projet professionnel (le plus tôt est le mieux dans ce genre de cas). J’ai l’impression que l’auteur est contre le fait de mesurer le rendement, pourtant c’est le principe même de la « méritocratie » et le meilleur rempart contre les sélections aux faciès voire au piston.
S’il faut s’insurger contre des pratiques, ce n’est à mon avis pas contre celles qui permettent sur des bases équitables de sélectionner les individus dans un contexte de places limités sur des éléments tangibles et chiffrables. Même si le foot n’est pas comme le basket par exemple un sport uniquement quantifiable et qu’il faut voir aussi l’apport global à l’équipe et au jeu (Messi ne court pas beaucoup mais peut faire des différences). Ce serait plutôt de critiquer les système de copinages, les magouilles d’agents, le racisme, un système au confins du mafieux qui fait que certains méritants sont exclus et que d’autres moins méritants sont inclus.
Mais le sport au final quand on enlève le trucage des performances avec des drogues, des arbitres, ou des manipulations de règlements ou d’équipements…à cela de formidable qu’il permet de savoir le meilleur à un moment ou sur une période entre athlètes ou équipes, faire des hiérarchies. Or j’ai l’impression que l’auteur est contre ces hiérarchies et voudrait que tout le monde soit au même niveau dans une utopie égalitariste qui souvent tire tout le monde vers le bas.
Si en droit nous sommes tous égaux, dans nos qualités individuelles nous différons. Il y a des meilleurs que d’autres dans un domaine donné, et cette sélection est de plus en plus ardue au fur et à mesure que la technologie permet de trier plus finement les individus. Je ne vois pas contrairement à l’auteur nécessairement le mal. Je vois que par exemple pour le foot la qualité des matchs est supérieure (sauf quand ils jouent trop de matchs et sont fatigués). Qu’il semble qu’il y ait moins de morts subites du footballeur….
Après sur le reste qu’ils soient trop ou pas assez payés, l’étendard d’un capitalisme sauvage, la caution morale de régimes ou d’investisseurs sulfureux est une autre question. Mais sur le sport en lui-même et sur le fait que la société gagne à être plus juste et à repousser les limites d’une sélection juste dans laquelle chacun en fonction de ses talents (innés) et de son travail peut s’exprimer, je crois qu’il faut raison garder et ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. La technologie, comme le modèle capitaliste ne sont pas forcément bon ou mauvais par essence, ce sont l’utilisation qu’en font les gens, les limites et les régulations qu’il mettent.
Tout le monde ne sera pas footballeur, médecins, ou garagiste… il faut de tout pour faire un monde. Et même pour ceux qui échouent dans leur projet de devenir footballeur, ou médecin ou garagiste…il n’y a pas que des tragédies, mais des gens qui passent par des moyens détourner pour y arriver comme Riberry dans le foot, ou comme ceux qui vont faire médecine en Roumanie ou en Belgique et puis il y a ceux qui se recyclent, vont faire prof d’eps au lieu d’athlète de haut niveau, ou font policier au lieu de médecin… il n’y a pas que des misérables qui reviennent dans leur cité pour s’y enterrer. Une société saine donne des opportunités à tout le monde et plusieurs au cours d’une vie. Si les gens ne quittent pas leur cité après l’échec de leur projet sportif c’est moins le sport qui est à blâmer que la société qui ne leur donne pas d’autres opportunités. On apprend aussi de ses échecs et pour ceux qui échouent, c’est aussi un parcours de vie.
Réflexion fournie et intéressante comme à l’accoutumée, merci. Elle m’a donné à penser, notamment ceci.
Qu’est le football aujourd’hui ? Un mélange de jeux du cirque, d’opium du peuple et de veau d’or réunis. Dans un monde qui n’a plus d’aspiration commune ni même d’idéal ou vecteur d’élévation (les religions se meurent, les idéaux politiques se défont, la pensée se racornit) le football rassemble. Autours de quoi ? De ce qui meut ce monde : la compétition effrénée et la quête de performance repoussée au delà de ses limites. Le parallèle avec le capitalisme est évident, lui qui vise à la maximisation du profit individuel sans soucis de l’autre ni du bien commun. Sa logique d’accumulation et de concentration des richesses se retrouve toute entière dans le football d’aujourd’hui, mondialisé et organisé pour célébrer en grande pompe la gloire d’une seule équipe voire d’un seul joueur. Alors que nous avoisinons les 8 milliards !
Oposer à cette logique un égalitarisme forcené est l’erreur que les luttes politiques ont commise au XXeme siècle. L’égalité est un leurre comme vous le soulignez. Nous différons tous et ce sont nos différences, nos inégalités donc, qui créent le besoin de relations, d’échanges, et engendre la vie.
Tout le problème de l’homme est dans la façon d’appréhender ces différenciels de forces et talents. Est ce que je les mets au service des autres (logique des rares généreux et conscients qui subsistent, pour combien de temps encore ?) ou je les utilise pour berner, tromper, asservir et accumuler plus de force qui me serviront à berner tromper asservir et accumuler plus de force encore ?
Le monde est parvenu à un stade critique ou cette avidité de biens, de puissance et de plaisir égoïste s’est étendue à l’échelle monde et a pour ainsi dire contaminé jusqu’aux dominés et spoliés qui n’aspirent qu’à devenir comme leurs dominateurs et spoliateurs.
Le foot illustre aujourd’hui cela à merveille avec en plus cet aspect ultra simpliste (courir après un ballon et l’envoyer dans un filet pour gagner, quel exploit !) qui signe le caractère caricatural de la situation.
Je dis caricatural mais je devrais dire proche de l’absurde voire obscène car la seule certitude que l’on peut avoir si l’homme poursuit ainsi, c’est son extinction à terme car quand les plus forts auront fini de bouffer les autres, qu’est ce qui restera ? Des forts entre eux qui se boufferont jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un ? Et celui là que fera t-il quand il se retrouvera au sommet d’un monde qui ne sera rien d’autre qu’une montagne d’ossements ? Vous pensez que j’exagère ? Non, je déroule seulement le fil de la logique cannibale qui gouverne ce monde.
J’ai lu récemment que le magazine Forbes avait sacré Bernard Arnault l’homme le plus riche du monde. On devrait lui décerner un os en or en se mettre entre les narines pour signer son sacre de roi des cannibales, ou de Cannibale des cannibales. D’ailleurs, c’est un peu à quoi ressemble aussi le trophée du Mundial, non? Un gros nonosse en or n’est-ce pas ?
Ben voilà, la preuve par l’image : capitalisme-football même combat, même mangeoire je devrais dire. Et mêmes mâchoires.
Salut à tous.
Le football au Quatar occulte beaucoup d’autres informations. C’est le moment pour les régimes fascistes de prendre leurs décisions honteuses et dégueulasses.
Par exemple en Ukraine, l’ interdiction récente (fin octobre) du Parti Communiste Ukrainien :
https://www.initiative-communiste.fr/articles/europe-capital/ukraine-le-parti-communiste-a-ete-illegalement-interdit-nos-camarades-subissent-des-persecutions-de-la-part-du-regime-neo-nazi-petro-simonenko-secretaire-du-kpu/
https://www.initiative-communiste.fr/articles/europe-capital/video-ukraine-un-danger-pour-leurope-entiere-entretien-exclusif-avec-piotr-simonenko-secretaire-national-du-parti-communiste-dukraine/
(liens sur le site du PRCF, dont un membre a été reçu sur le plateau de QG).
Est-ce depuis qu’elle est pilotée par l’Amérique que l’Ukraine commence à ressembler à l’Allemagne Nazi et à l’Espagne de Franco ?
Triste écho d’événements avant guerre en effet. Et s’il ne s’agissait que de conjonctures politiques similaires…
Je crains en effet que des secousses qui ont préparé la deuxième guerre mondiale, le spectre de la crise de 1929 est le plus préoccupant. Car à l’époque la France disposait des ressources de son Empire et de sa terre pour faire face. Aujourd’hui la richesse nationale est hypothéquée par la Dette, avec en prime un voyou vendu à sa tête.
Quand Attali, l’Attila de la pensée économique, prédisait que ce pays si riche allait devenir l’un des plus pauvres, il ne prédisait pas. Il savait ce qui était à l’œuvre et il en faisait son beurre.
Exemple type : le cas Alsthom qui est un cas d’école de fragilisation, mise en faillite, dépeçage et vente au plus offrant avec prébendes et commissions au passage pour les entremetteurs et traîtres du dedans. Alsthom hier, les hôpitaux et leurs infrastructures, EDF et sa technologie de pointe aujourd’ hui, ce qui restera de terres arables et de lopins de terre demain ?
Va falloir être fort… Et tôt ou tard il faudra cogner du poing sur la table pour dire « ça suffit »
Tout à fait d’accord. D’ailleurs c’est toute l’Europe qui est vendue aux intérêts américains. L’appauvrissement « qui vient » chez nous, alimente l’Amérique.
En poussant la Russie à la guerre via la question Ukrainienne, l’Amérique veut démontrer que la Russie est une menace pour l’Europe, ce qui valide la nécessité de l’Otan, cad l’Amérique, « protectrice ». Ceci rend l’Europe encore plus dépendante de l’Amérique et ainsi de suite :
l’Europe « doit » se sentir redevable à l’Amérique, comme l’ouvrier « doit » se sentir redevable à son patron (voir l’affaire Hanounna) grâce à un marché de l’emploi « maintenu » difficile .
Le sentiment de redevabilité paralyse l’acteur et le soumet à son créancier.
Oui la France, l’Europe, en tant qu’acteures vont s’appauvrir face à l’Amérique qui va s’enrichir à ses dépends !
La dernière livrée de Maxence Klein m’avait fait gravé son nom en toutes lettres dans un coin de ma tête avec une sonnette en fête pour tinter dans mes tympans son retour en en-tête sur ce site de petits Grands Et bien mazette j’ai pas été déçu Jusqu’à chaque mot chaque virgule j’ai scruté et pointé de mon doigt en gardant le fil haut d’une lecture d’une traite Tout y est ou presque parce rien n’est parfait mais LÀ qualité d’écriture fine pensée analyse de fond et traits d’humour subtils y sont
Bravo c’est du bon et beau bouleau ! Une forêt même de lignes fuselées comme des lance-piques et de mots clefs taillés comme des pierres à fronde et des pointes de flèches pour chasser l’homo footbalisticus, mutation contemporaine de l’homo economicus basicus, dans la jungle jurassique esclavagiste qu’est devenu ce monde post-moderne capitaliste. Mais y’a plus.
J’ai allumé tous mes feux pour cette première lecture pariétale et j’ai vu se dessiner une toile de mots-fils constellés (Capital, esclaves, société du spectacle,…) sur un fond de nuit noire qui a fait masse sur la voûte en ciel de ma grotte en caboche, cette jeunesse qui croit en nombre dans les zones de pauvreté de la planète que les médias rendent invisibles en n’offrant que paravents spectaculaires à la misère
« Bigre de bougre d’âne et triple andouille » me suis-je dit à moi-même, je l’avais moi aussi presque oubliée cette jeunesse là et ce qu’elle contient de défis migratoires à venir. Je retourne au fond de ma grotte pour fuseler les fils constellés. Ce fond de nuit noire est maintenant bien éclairé. Merci Max THX QG
Juste un petit mot sur cette jeunesse que j’ai citée dans mon com constellé.
Je ne pense pas seulement aux quartiers mis au ban des cités prospères dans nos contrées, qui eux ont les moyens de ne pas tout à fait se faire oublier, je pense aussi et surtout à la jeunesse du Sud qui grandit dans les bidonvilles les plus délaissés avec en mire médiatique un Occident rutilant d’opulence et de fric.
Il faut avoir vu les yeux de feu briller dans des corps d’enfants dépenaillés, jouant pieds nus au foot sur une décharge publique avec une boule de haillons noués, en plein cœur d’un bidonville lacustre d’Amazonie, pour sentir de quelle force de vie cette jeunesse peut être animée et bien peser par contraste, la vraie misère dans laquelle nous vivons nous autres occis dentaux plongés dans l’enfer d’une triste mécanicité et un hygiénisme maladif.
Nos barbares sont là. Domestiqués et parés dans l’arène des « Hunger Games » de notre temps sous la figure de quelques champions sélectionnés et coachés pour s’affronter entre eux sous nos yeux, et par millions dans les soutes de l’histoire à attendre que l’heure sonne pour froncer les yeux et foncer en Furie vers la promesse d’un « avenir meilleur » en phare.
220 milliards de dollars pour ce Mundial au Qatar ? Que n’aurait-on pu faire avec cette somme contre la misère !? Pour sûr nous avons perdu le Nord. Mais pas les miséreux. Nos jeux médiatiques font boussole pour eux. Et la course à la démesure est lancée.
Après la mise sous cloche de populations à coups de milliards « empruntés » sous Covid, l’argent et les armes déversées par tonnes en Ukraine pour contrer les menaces de guerre nucléaire et la clim dans le désert pour que suent une poignée d’athlètes payés des millions à courir après un ballon, que va t-on nous servir en attendant le pire ?
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.

source

A propos de l'auteur

Backlink pro

Ajouter un commentaire