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Par : Théo Bourgery-Gonse | EURACTIV France
18-01-2023
Ce projet d’accord souligne dans son premier article que « chaque prestation au sens de l’article L. 1326-2 du code des transports, quelle que soit sa durée ou la distance parcourue, donne lieu au versement, par la plateforme, d’un revenu d’activité qui ne peut être inférieur à 7,65€ ». [CAROLINE BREHMAN/EPA-EFE]
Deux accords, dont EURACTIV France s’est procuré des copies, s’apprêtent à être signés mercredi après-midi entre des représentants des plateformes numériques et des chauffeurs VTC. Entre autres, la création d’un revenu minimum de 7,65 euros net par course et par chauffeur va être actée.
Il n’y aura pas de course payée moins de 7,65 euros par course et par chauffeur – c’est en substance ce sur quoi les plateformes et partenaires sociaux vont se mettre d’accord mercredi (18 janvier), lors de la signature d’un accord syndical multipartite, chapeauté par l’Autorité pour les relations sociales des plateformes d’emploi (ARPE).
Ce « projet d’accord créant un revenu minimal par course dans le secteur des plateformes VTC », qu’EURACTIV France a pu se procurer, souligne dans son premier article que « chaque prestation au sens de l’article L. 1326-2 du code des transports, quelle que soit sa durée ou la distance parcourue, donne lieu au versement, par la plateforme, d’un revenu d’activité qui ne peut être inférieur à 7,65€ ». L’accord s’appliquerait à toutes les plateformes et toutes les courses.
Une réévaluation de ce montant sera abordée lors de réunions trimestrielles entre les plateformes et les représentants des chauffeurs.
Les eurodéputés ont trouvé un accord relatif à la directive sur les travailleurs des plateformes au cours d’une réunion de la commission parlementaire des Affaires sociales lundi soir.
Cet accord est l’aboutissement de négociations collectives entamées en octobre 2022 entre les plateformes digitales, notamment Uber et Caocao, représentées par l’Association des Plateformes d’Indépendants (API), et des représentants syndicaux élus par les chauffeurs.
Il s’ancre dans une volonté affichée de la part du gouvernement de faire du dialogue social le barycentre de la protection des travailleurs indépendants – et ce depuis l’adoption de la Loi d’orientation des mobilités (LOM) de décembre 2019, qui permet au gouvernement de légiférer par ordonnance sur la question des travailleurs indépendants.
Le préambule de l’accord précise par ailleurs que « la construction, par la législation française, d’un socle de régulation a déjà permis d’améliorer les conditions d’exercice de cette activité pour les chauffeurs VTC ». De fait, sa signature, une première dans ce secteur, marque le début d’une « contribution à un environnement favorable au développement d’un modèle de travail nouveau, à la fois sécurisé et centré sur les préoccupations des chauffeurs ».
Un autre projet accord doit être signé en parallèle, « relatif à la méthode et aux moyens de la négociation », par le biais duquel « les signataires entendent jeter les bases d’un dialogue social constructif et productif, dans un esprit de loyauté et de confiance réciproque, au service des chauffeurs et des plateformes ». Des règles relatives à la gouvernance et le détail des thèmes principaux soumis au dialogue social y sont précisés.
Dès avril 2021, l’ARPE était créée pour accueillir et coordonner les négociations pour les chauffeurs VTC et les livreurs. En mai 2022, les premières élections des représentées sont organisées, lorsque plus de 123 000 électeurs sont appelés aux urnes. Selon les données de l’ARPE, le taux de participation s’avère alors drastiquement bas : 3,91 % (1 541 votants) pour le secteur des VTC, et 1,83 % (1 547 votants) pour les livreurs.
Le Parlement européen est parvenu à un accord politique sur la directive relative aux travailleurs de plateforme. Il est la résultante de plusieurs mois d’ardues négociations, qui ont vu les députés européens se déchirer et les plateformes s’immiscer dans les débats.
« Le dialogue social permet de répondre à deux demandes fondamentales des chauffeurs VTC : avoir la liberté et la flexibilité de générer des revenus à leur rythme tout en bénéficiant de plus de droits et protections », souligne Laureline Serieys, General Manager d’Uber France dans un communiqué, qui salue la signature prochaine.
Et Uber d’expliquer qu’un revenu minimal devrait réduire le temps d’attente d’une minute en moyenne sur les courses les plus courtes (moins de 3km), et baisser de 5 à 10 % le nombre de courses non honorées par les chauffeurs. En conséquence, le tarif minimum d’une course augmentera de 27 % à 10,20 euros dès le 1er février.
Tous n’accueillent pas l’accord avec un même entrain : si une majorité des représentants des chauffeurs semblent prêts à soutenir l’initiative, Force Ouvrière (FO) et l’Association des Chauffeurs Indépendants Lyonnais (ACIL) vont très probablement voter contre.
« Ce revenu minimum peut être tout et n’importe quoi, à partir du moment où on ne définit pas ce qui constitue une course », lance Khalid Oughzif, négociateur FO, à EURACTIV France. « Imaginez une course d’un kilomètre qui dure longtemps à cause des bouchons – serons-nous toujours payés 7,65 euros ? » Sans parler du « temps d’approche » en amont d’une course, qui n’est pas rémunéré.
Les questions pertinentes tournent plutôt autour du fonctionnement des algorithmes et des déconnexions de compte sans préavis, selon lui. Un sujet qui sera au cœur des négociations en 2023, confirme Rym Saker, Responsable Communications France chez Uber, contactée par EURACTIV.
Un autre syndicaliste, Brahim Ben Ali, qui n’a pas pris part aux négociations, a d’ores et déjà annoncé une mobilisation de chauffeurs devant les locaux de l’ARPE dans la journée. Outre l’accord, qu’il estime être un outil pour garder les chauffeurs dans l’auto-entrepreneuriat, gage de précarité selon lui, il accuse le Président de l’ARPE, Bruno Mettling, de conflit d’intérêts.
En mai dernier, le journal l’Humanité révélait que M. Mettling avait produit une expertise pour Uber dans le cadre de la « mission Frouin », qui devait formuler des préconisations pour la régulation des plateformes numériques de travail. Bruno Mettling a nié avoir touché un salaire de la part de la firme américaine.
Les révélations sur les tactiques de lobbying opaques d’Uber ne manqueront pas d’affecter les négociations sur la directive relative aux travailleurs de plateforme, alors que ceux qui demandent une protection sociale plus forte se tiennent prêts à en tirer profit.
M. Oughzif regarde plutôt du côté de Bruxelles et parie sur l’adoption rapide d’une directive européenne pour les travailleurs des plateformes – texte ambitieux qui crée une présomption légale de salariat pour les travailleurs indépendants.
Car la signature de ce premier accord de dialogue social arrive à un moment clef du temps parlementaire européen : la directive est soumise au vote des parlementaires jeudi (19 octobre) en plénière, en amont des négociations interinstitutionnelles.
Celle-ci, outre la présomption légale de salariat, imposerait notamment de nouvelles règles relatives à la gestion algorithmique.
Une directive dont la France a toujours critiqué l’ambition. Dans une série de notes et lettres qu’EURACTIV a révélées en septembre 2022, le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE) expliquait notamment que le texte législatif européen prenait le risque d’aller à l’encontre du « dialogue social, [qui] est un élément clé pour concilier ces nouvelles activités économiques avec une amélioration des droits sociaux et des conditions de travail des travailleurs recourant aux plateformes ».
Et d’ajouter que « la législation française permet aujourd’hui, à la fois aux plateformes et aux travailleurs de ces plateformes, de conserver une liberté de choix de modèle économique et de relations contractuelles entre eux ».
La France a exercé une forte pression sur la Commission européenne au sujet des droits des travailleurs des plateformes, soutenant notamment la suppression de la présomption réfragable de salariat, selon des documents obtenus par EURACTIV.
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