Institution indépendante régie par le droit public français et européen, membre de l’Eurosystème, système fédéral qui regroupe la Banque centrale européenne et des banques centrales nationales de la zone euro
La Banque de France contribue à la définition de la politique monétaire de la zone euro et s’assure de sa mise en œuvre en France pour le compte de l’Eurosystème.
L’une des missions fondamentales de la Banque de France est d’assurer la stabilité financière, c’est-à-dire un fonctionnement efficace du système financier et suffisamment robuste pour résister aux chocs susceptibles de l'affecter.
Notre expertise économique est présentée en termes de recherche, de prévisions et de relations internationales. Ces activités, intimement liées, contribuent au diagnostic nécessaire à la conduite de la politique monétaire.
Accédez aux dernières actualités économiques et financières, ainsi qu’aux données détaillées
La Banque de France remplit plusieurs missions dans le domaine fiduciaire : la fabrication des billets, la mise en circulation des billets et des pièces, le contrôle des billets remis en circulation. Elle pilote avec ses clients la modernisation du métier
Accédez aux communiqués de presse, aux interventions du gouverneur, aux programmes des séminaires et conférences ainsi qu’aux galeries photos et vidéos
Mesdames et Messieurs, je me réjouis d’être ici avec vous, même si, après deux ans de crises, j’aurais préféré un contexte plus serein. La guerre en Ukraine assombrit la période et aura des répercussions profondes et potentiellement durables sur les relations économiques et financières au niveau mondial et régional. À court terme, elle pourrait modifier sensiblement notre environnement macro-économique et macro-financier en posant de nouveaux défis et en amplifiant les défis existants, tant pour les institutions financières que pour les décideurs publics et les autorités de surveillance. Aujourd’hui, j’aimerais évoquer certains d’entre eux, en partageant avec vous mon point de vue de banquier central et de superviseur sur les risques à court terme en lien avec les perspectives macro-économiques et de stabilité financière, ainsi que sur les défis à plus long terme associés au changement climatique et à la numérisation de la finance.
La guerre en Ukraine devrait avoir une influence majeure sur les perspectives de croissance et de prix de la zone euro en ce qu’elle occasionne un choc de « slow-flation », dont la durée et l’ampleur restent très incertaines à ce stade. Cependant, il est d’ores et déjà clair que ce choc pèsera sur la forte reprise observée dans la zone euro depuis 2021 et qu’il intensifiera les pressions inflationnistes dans un contexte où l’inflation a sensiblement augmenté et restera élevée au cours des prochains mois.
L’incertitude globale qui plane sur l’environnement macro-économique de la zone euro a des implications pour la conduite de la politique monétaire. Dans ces conditions, il est essentiel de trouver le juste équilibre entre le risque de temporiser trop longtemps avant d’intervenir et celui de normaliser trop tôt la politique monétaire. En tout état de cause, l’engagement de la BCE est clair : le Conseil des gouverneurs fera le nécessaire pour ramener et stabiliser l’inflation à 2 % à moyen terme. La forward guidance (indication sur la trajectoire future des taux directeurs), qui s’appuie sur des critères dépendant de la situation économique et le « séquencement » des actions jouent un rôle déterminant dans la réalisation de cet objectif. La normalisation de la politique monétaire suivra un ordre clairement défini : dans un premier temps, la BCE mettra fin à ses achats d’actifs, probablement au T3 2022 ; puis elle relèvera les principaux taux directeurs ; enfin, dans un troisième temps, elle réduira la taille de son bilan. Dans le cadre de ce processus de normalisation progressive, le Conseil des gouverneurs de la BCE a clairement indiqué qu’il n’écartera aucune option et conservera progressivité et flexibilité dans la conduite de la politique monétaire.
Dans ce contexte, les marchés financiers anticipent actuellement un premier relèvement des taux d’intérêt à court terme, avec une première hausse de 25 pb en juillet suivie de deux autres d’ici la fin de l’année.
Nous verrons si ces anticipations, très volatiles, seront confirmées par les décisions du Conseil des gouverneurs, qui restent dépendantes des données et reflèteront son évaluation des perspectives. Toutefois, je crois que l’on peut raisonnablement affirmer que l’environnement des taux d’intérêt est susceptible d’évoluer après une longue période de taux très bas.
Compte tenu des risques actuels à la baisse pour la croissance et à la hausse pour l’inflation, ainsi que de la perspective associée de normalisation de la politique monétaire de la zone euro, il me semble d’autant plus pertinent, en tant que superviseur, de maintenir au premier rang des priorités de supervision du mécanisme de surveillance unique (MSU) la gestion par les banques de leurs risques de crédit et de marché, au vu en particulier de leurs expositions sur les secteurs vulnérables, sur les financements par effet de levier et leurs expositions aux chocs de taux d’intérêt et de spreads de crédit.
La normalisation de la politique monétaire s’accompagnera certainement d’une hausse des taux d’intérêt. Un relèvement graduel des taux ne devrait pas remettre en cause la stabilité financière de la zone euro. Il en va de même des expositions directes des intermédiaires financiers de la zone euro sur l’Ukraine et la Russie, lesquelles sont faibles et concentrées. L’impact de la guerre sur la stabilité financière au travers de ces expositions directes a été contenu jusqu’à présent. Toutefois, les perspectives sont incertaines, car les vulnérabilités associées notamment à la sous-évaluation du risque par les marchés, au niveau élevé d’endettement des sociétés non financières et à l’exposition aux cyber-attaques peuvent se matérialiser à travers des expositions indirectes et des mécanismes d’amplification.
Il faudra prêter une attention particulière aux brusques revalorisations des prix des actifs risqués dans le sillage de la hausse des taux d’intérêt. Elles pourraient mettre en difficulté certains acteurs financiers non bancaires, en particulier ceux qui ont recours à l’effet de levier, comme l’a montré la faillite d’Archegos fin mars 2021. De la même façon, compte tenu du rôle joué par la Russie et l’Ukraine dans l’approvisionnement en énergie et plus généralement en matières premières, la hausse des prix et de la volatilité sur les marchés de matières premières ont entraîné une augmentation considérable des appels de marge sur les produits dérivés, en particulier pour l’énergie et les produits agricoles. Ces appels de marge ont généré des tensions sur la liquidité des intervenants sur les marchés de matières premières, ce qui nécessite de rester extrêmement vigilant notamment pour s’assurer que tout éventuel défaut demeure idiosyncratique et n’entraîne pas de contagion systémique.
Jusqu’à présent, le secteur bancaire a bien résisté et a contribué à atténuer les chocs et non pas à les amplifier. Compte tenu des incertitudes qui planent sur les perspectives macro-économiques et macro-financières, il importe de maintenir, voire de renforcer la capacité des banques à absorber les chocs. D’où l’importance d’une mise en œuvre effective, équitable et définitive de l’accord de Bâle III.
Les règles adoptées à Bâle en 2017 (« Bâle III ») représentent le meilleur accord possible pour promouvoir la stabilité financière au niveau international. La publication en octobre dernier de la proposition de la Commission (CRR3/CRD6) pour les mettre en œuvre constitue une avancée décisive et très équilibrée de la part de l’Union européenne. La proposition de la Commission prévoit une mise en œuvre fidèle des derniers éléments de la réforme de Bâle III, comme convenu au niveau international, tout en tenant compte des spécificités de l’UE et en évitant une hausse significative des exigences de fonds propres. Alors que les négociations sont en cours, à l’ACPR il nous semble important de maintenir les objectifs suivants : premièrement, la mise en œuvre d’un plancher concernant les exigences en capital (« output floor ») au plus haut niveau de consolidation dans l’Union européenne, conformément à l’esprit de l’Union bancaire, qui est maintenant presque achevée. Deuxièmement, les quelques ajustements ciblés s’appliquant aux expositions critiques et stratégiques pour le financement de l’économie de l’Union européenne, qui sont de nature temporaires, doivent le rester. Cela concerne à la fois les expositions à faible risque sur l’immobilier résidentiel et les expositions sur les entreprises non notées. La période transitoire doit prendre fin le 31 décembre 2032, ce qui laissera suffisamment de temps aux banques européennes pour absorber l’impact du plancher concernant les exigences de capital, par la génération organique de capital, et au marché pour étendre sa couverture des notations de crédit des entreprises de l’UE.
Une autre mesure pragmatique proposée par la Commission et que l’Autorité de contrôle prudentielle et de résolution (ACPR) soutient fermement est l’introduction d’un mécanisme permettant à la Commission de s’adapter rapidement à des évolutions au niveau international concernant le calendrier ou la teneur de certains éléments clés de la norme, en particulier pour les activités liées au risque de marché. Cela apporterait une flexibilité nécessaire pour ces activités exposées à la concurrence internationale, dans la mesure où l’Europe reste en avance sur beaucoup de ses partenaires pour la transposition des normes finales de Bâle III.
Dans le contexte actuel, en plus de compléter le filet micro-prudentiel, il est également souhaitable de mettre en place un filet de sécurité macro-prudentiel complet et cohérent, afin de permettre aux banques d’absorber de nouveaux chocs tout en continuant à fournir des services essentiels. Cela devrait prendre plusieurs formes, allant des coussins de fonds propres contra-cycliques, qui seront fixés à 0,5 % en France à compter de 2023, aux mesures applicables aux emprunteurs. À cet égard, le dynamisme du marché de l’immobilier résidentiel impose une action à l’échelle de l’Europe. En France, l’autorité macro-prudentielle a mis en place depuis 2019 un cadre contraignant pour les prêts sur le marché immobilier résidentiel en imposant un taux d’effort de remboursement maximum de 35 % et une durée maximale de 25 ans pour les nouveaux crédits immobiliers. Ces mesures, ainsi que la prédominance des crédits à taux fixe en France, ont renforcé la résilience financière des ménages face à une éventuelle hausse des taux d’intérêt et à l’augmentation de la durée des prêts qui en découlerait.
Les difficultés créées ou amplifiées par la guerre en Ukraine ne doivent pas occulter les vulnérabilités plus structurelles que la guerre n’a pas fait disparaître. Je pense ici à la transition vers une économie durable et à la numérisation de la finance. Pour conclure mes remarques, je voudrais dire quelques mots sur le rôle que nous pouvons jouer en tant que superviseurs et banquiers centraux pour aider les banques à faire face à ces deux défis.
S’agissant du premier volet, la publication au début du mois de la dernière contribution au 6e rapport d’évaluation du GIEC1 sur l’atténuation du changement climatique nous rappelle la nécessité d’une transition urgente vers la neutralité carbone, laquelle s’accompagnera de risques de transition majeurs pour les banques. Les autorités de surveillance ont déjà commencé à évaluer l’exposition des établissements financiers à ces risques et leurs publications dans ce domaine afin de les inciter à identifier, à évaluer et à gérer ces risques de la même façon que les risques traditionnels – et l’ACPR a joué un rôle de pionnier à cet égard, en réalisant l’année dernière le premier test de résistance ascendant sur les risques climatiques.
Dorénavant, les risques climatiques seront progressivement intégrés au cadre prudentiel, en commençant par les exigences au titre des piliers 3 et 2. Les banques doivent redoubler d’efforts pour se préparer au respect de ces futures exigences réglementaires, y compris celles relatives aux tests de résistance aux risques climatiques et aux plans de transition des banques, qui font partie de la proposition CRD6 en cours de négociation. S’agissant du pilier 1, j’observe que l’intégration des risques climatiques continue de faire l’objet d’un vif débat et j’espère que la publication à venir d’un document de consultation de l’ABE sur ce sujet nous permettra d’avancer. Il convient cependant de ne pas aller trop vite en besogne. Avant de mettre en œuvre de nouvelles exigences, il faudra remédier aux nombreuses carences en matière de méthodologie et de données. En tout cas, je voudrais souligner que, de mon point de vue de superviseur, le pilier 1 devrait rester fondé sur les risques et que nous devrions dépasser l’opposition entre expositions vertes et brunes, en évaluant le risque de transition davantage sur la base des plans de transition.
S’agissant de la numérisation de la finance, outre le soutien à l’élaboration de réglementations, telles que DORA (Digital Operational Resilience Act) et MiCA (Markets in crypto-assets), qui visent à faciliter le développement d’innovations dans un cadre qui améliore la confiance et la stabilité financière, nous pouvons jouer un rôle positif du point de vue opérationnel en revoyant notre offre de services en monnaie de banque centrale. C’est d’ailleurs ce que nous avons commencé à faire avec l’organisation par la Banque de France de 9 expérimentations de monnaie numérique de banque centrale (MNBC) à des fins de règlement interbancaire d’opérations sur titres ou de paiements transfrontaliers, et avec le lancement par la BCE d’une phase d’étude d’un euro numérique pour les paiements quotidiens des commerçants et des citoyens.
Toutefois, je tiens à souligner que l’émission d’une MNBC de détail pose un certain nombre de questions, en particulier parce que les intermédiaires financiers, dont les banques, jouent un rôle décisif dans la sécurité et la stabilité financière de notre système monétaire et financier. Résoudre ces questions suppose de les traiter dès la conception de l’architecture et des fonctionnalités d’un euro numérique, en introduisant par exemple des limites de détention ou en privilégiant un modèle intermédié. C’est pourquoi il est essentiel que les intermédiaires financiers, avec les autres parties prenantes, soient correctement impliqués dans la phase d’étude que nous menons.
Mais il ne doit pas faire de doute, qu’outre les autorités de réglementation et les banques centrales, le secteur privé a également un rôle clé à jouer pour garantir que la numérisation de la finance apporte bien les gains d’efficience qu’elle est censée produire sans mettre en péril la stabilité de notre système financier. De ce point de vue, le projet de service de paiement paneuropéen (European Payments Initiative, EPI) revêt une importance stratégique que je veux souligner.
Actuellement, l’EPI est le seul projet ayant pour vocation d’offrir une solution paneuropéenne de paiement unifiée sous une marque commune, et non basée sur l’interopérabilité de solutions domestiques hétérogènes. Je regrette qu’une partie de la communauté des banques européennes ait donné la priorité à d’autres intérêts, au détriment d’un projet commun durable. Cette réduction du nombre de participants a des conséquences inévitables sur la portée de l’initiative, puisqu’elle a conduit l’EPI à renoncer au projet de carte européen, et a laisser la voie libre aux systèmes de paiement internationaux à court et moyen terme.
Du côté positif, reconnaissons également que l’EPI a décidé d’investir dans les modes de paiement de nouvelle génération, à savoir : paiements mobiles, paiements de compte à compte (account-to-account) et paiements instantanés. Huit des dix premières banques européennes et les deux premiers acteurs européens de traitement des paiements participent à ce projet.
Nous espérons donc que le lancement des premières solutions EPI, prévu pour début 2023, convaincra d’autres banques de rejoindre cette nouvelle solution numérique paneuropéenne, qui offre à l’Europe une belle occasion de construire l’indépendance du marché européen des paiements pour l’avenir.
Pour conclure, force est de constater que les défis ne manquent pas. Cependant, les réformes introduites dans la réglementation et les efforts déployés par les banques pour améliorer leur résilience au cours de la dernière décennie ont porté leurs fruits et le système bancaire européen a démontré lors de la crise sanitaire sa capacité à surmonter d’énormes chocs, mais aussi à accompagner les efforts des pouvoirs publics pour surmonter les difficultés au service des citoyens européens. Il s’agit d’une évolution positive majeure. Bien que l’heure ne soit pas à l’autosatisfaction, cette évolution devrait nous encourager collectivement à rester vigilants et à poursuivre nos efforts afin de relever les défis actuels et à venir avec confiance et détermination.
1 Contribution du Groupe de travail III du GIEC publiée le 4 avril 2022
Home Trainer Vélo ou Vélo d’Appartement
octobre 26, 2024
Le Charme Élégant des Sacs Banane Chics pour Femmes
septembre 17, 2024